Dimanche 28 juillet, le Mali tiendra ses premières élections depuis la rébellion armée et le putsch militaire de janvier et mars 2012. Cet évènement majeur marquera un tournant décisif pour un pays qui, il y a un an à peine, était en passe d’être conquis par des groupes djihadistes. Lors d’un voyage officiel effectué en mai dernier dans le cadre de nos fonctions respectives de président et vice présidente de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, nous avons pu constater sur le terrain le succès remarquable de l’intervention internationale au Mali, mais aussi les défis restant à surmonter.
Même si l’OTAN ne joue actuellement aucun rôle dans la crise malienne, de nombreux pays alliés soutiennent d’une façon ou d’une autre les autorités maliennes dans le but d’anéantir la menace terroriste, d’aider le pays à recouvrer son intégrité territoriale et d’éradiquer les racines premières de l’instabilité dans le pays et dans la région au sens large. Nos pays sont intervenus au Mali avec l’appui de leurs parlements car la crise du printemps dernier n’était pas juste une crise malienne ni même africaine. Le lien entre terrorisme, criminalité organisée et faiblesse étatique dans l’arc s’étendant de la Mauritanie à la Somalie constitue une menace directe pour la sécurité européenne et mondiale. Le danger que des terroristes prennent le contrôle du Mali et l’utilisent comme sanctuaire pour propager la violence et l’instabilité dans la région et au-delà était réel et immédiat, et nos pays ne pouvaient l’accepter.
Bien que la situation sécuritaire semble désormais stabilisée dans une large mesure, il reste encore plusieurs sources potentielles d’instabilité et quelque 400 000 personnes sont toujours déplacées à l’intérieur du Mali ou dans des pays voisins.
ÉVITER À TOUT PRIX UN REGAIN D’INSÉCURITÉ
La force française Serval et la force Africaine MISMA ont officiellement passé le relais à une force de maintien de la paix mandatée par les Nations unies, la MINUSMA, au début du mois et l’élection d’un nouveau président doit avoir lieu dimanche. Ces deux importantes transitions requièrent une gestion délicate afin d’éviter à tout prix un regain d’insécurité ou une nouvelle crise politique. Nos premières années d’engagement en Afghanistan nous ont enseigné qu’après le lancement d’une opération militaire, le temps presse pour mettre en place un règlement politique ainsi que des institutions économiques et sociales susceptibles de soutenir une stabilité à long terme.
De fait, au Mali, le temps presse déjà. L’opération militaire menée par la France a été un franc succès. Cependant, seules des autorités maliennes disposant d’une réelle capacité d’action et soutenues par l’Union Africaine et la communauté internationale pourront s’attaquer efficacement aux causes premières de la crise malienne et prévenir des crises futures. Pour cela, nous devons tout d’abord maintenir la pression militaire contre les éléments terroristes encore actifs et déterminés à déstabiliser la région.
Deuxièmement, nous avons besoin d’une aide internationale cohérente, coordonnée et efficace. Autrement dit, il est essentiel de soutenir le déploiement rapide et complet de la MINUSMA en fournissant des capacités cruciales telles que le transport aérien stratégique et tactique, le soutien logistique et des capacités de renseignement, de surveillance et de reconnaissance. Il faudra par ailleurs s’assurer de la mise en œuvre d’une coordination et d’une coopération claires et efficaces sur le terrain entre la MINUSMA et la présence française reconfigurée dans le cadre de la résolution 2100 du Conseil de sécurité des Nations unies et de l’accord conclu entre les autorités françaises et l’ONU le 13 juillet. Il convient également de donner à la mission de formation de l’Union européenne au Mali (EUTM) les moyens nécessaires pour remplir son mandat, notamment en coordonnant les dons de matériel aux forces armées maliennes.
DES ANNÉES DE MAUVAISE GOUVERNANCE
Troisièmement, nous devons aider les autorités maliennes à donner une nouvelle direction politique à leur pays et respecter les engagements pris par nos gouvernements lors de la conférence des donateurs pour le développement du Mali qui s’est tenue à Bruxelles en mai dernier. Des années de mauvaise gouvernance ont érodé la confiance de la population dans la classe politique et dans les institutions étatiques, démoralisé et désorganisé les forces armées, et créé un terreau propice aux tensions ethniques. La stabilité ne peut être durable sans une réforme en profondeur. Le premier changement décisif viendra avec l’élection présidentielle qui entérinera le retour du pouvoir civil. Il faudra aussi tracer la voie pour la tenue d’élections législatives dans la foulée. Dans ce but, nous devons aider au redéploiement de l’administration et des forces armées au nord.
A cet égard, l’accord obtenu avec les rebelles touareg le 18 juin doit être salué : tous les Maliens devraient désormais pouvoir voter, y compris les réfugiés. En parallèle, il est essentiel d’avancer sur le chemin du dialogue et de la réconciliation, mais aussi sur celui de la vérité et de la justice. Quelle que soit leur allégeance, les responsables de crime doivent être poursuivis en justice, et les victimes obtenir réparation. Les forces armées maliennes nécessitent aussi d’être réformées en profondeur afin de répondre aux problèmes ayant rendu le coup d’Etat possible et de leur donner les moyens d’empêcher la prise de pouvoir par des rebelles armés. Le nouveau projet politique du Mali, dans toutes ses dimensions, doit être mené par les Maliens et inclure tous les Maliens. Il est crucial que les conditions soient mises en place pour que les femmes puissent être actrices à part égale et entière du changement, et en particulier dans les efforts de reconstruction.
Quatrièmement, nous devons aider les pays d’Afrique de l’Ouest à renforcer leur capacité à agir ensemble pour éradiquer sur le long terme la menace des gangs criminels et des groupes terroristes, et favoriser la coopération économique et le développement durable. Ensemble, nous devons transformer l’arc de crise actuel en un arc de coopération.
L’Europe et l’Amérique du Nord ont un intérêt direct et immédiat dans la stabilité de la région du Sahel. La France a agi de manière rapide et décisive afin de répondre à la menace d’une prise de contrôle du Mali par des groupes terroristes, et a été soutenue par d’autres pays alliés. Ce dimanche, il reviendra aux Maliens d’élire les dirigeants politiques qui pourront consolider ce succès en mettant en place les conditions nécessaires à une stabilité durable.
Le Monde.fr | 25.07.2013 à 14h36 |
Par Hugh Bayley (parlementaire britannique) et Nicole Ameline (députée à lÂ’Assemblée nationale française)