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Au Mali, François Hollande se prend les pieds dans son sabre

A Bamako, ce dimanche 25 mai, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian devait annoncer triomphalement la fin de l’opération Serval, couronnant ainsi ce que François Hollande présentait dès le 2 février 2013 comme une grande victoire.

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Las, la ville de Kidal est à feu et à sang. L’armée malienne a été mise en déroute par les rebelles touaregs. Le ministre a donc dû annuler sa visite, et par la même occasion la signature d’un accord de défense entre la France et le Mali qui aurait pérennisé la présence de nos troupes dans le septentrion malien.

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Les militaires français en route pour Gao, le 31 décembre 2013 à Bamako (Alain ROBERT/APERCU/SIPA)

Serval est désormais officiellement prolongée pour quelques semaines, et le ministre de la Défense aura tout loisir de méditer cette adage grec popularisé par Pline l’Ancien et repris par Rabelais dans son Gargantua « Africque aporte tousjours quelque chose de nouveau ».

Le redéploiement de 3 000 hommes dans la bande sahélo-saharienne était de toute manière de la poudre aux yeux, la plus grande partie de ceux-ci devant rester sur le territoire malien ! Mais l’essentiel n’était-il pas de faire croire à la fin des opérations militaires pour cacher à l’opinion publique qu’en dépit des centaines de millions d’euros partis en fumée dans les sables du désert, rien n’est encore réglé au Mali ?

Malgré les coups sévères que leur a portés l’armée française, les jihadistes d’AQMI sont en effet toujours présents au sud de la frontière algérienne alors que le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) est solidement implanté dans la région de Gao.

Dessin de Lassane Zohore, Côte d’Ivoire

Les Maliens en colère contre la France

La visite du premier ministre malien Moussa Mara à Kidal samedi dernier – la première d’un officiel malien de haut rang depuis le début des troubles en janvier 2012 – a été l’occasion d’un déchaînement de violence qui a fait plusieurs dizaines de morts. Le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), qui contrôle de fait la ville avec la bénédiction de la France et des forces des Nations Unies (MINUSMA) a en effet considéré cette visite comme une provocation et a attaqué la délégation gouvernementale sans que ni Serval ni la MINUSMA ne lèvent le petit doigt pour le protéger.

Le Mali se retrouve donc de fait en guerre contre le MNLA et après avoir massé des troupes autour de la ville – on parle de 1 500 hommes – est passé à l’offensive mercredi, apparemment sans grand succès.

Les tragiques événements de ces derniers jours sont la conséquence directe des décisions prises par la France et par son Président et suscitent la colère de la population malienne, comme j’ai pu m’en rendre compte de visu à Bamako ce dimanche.

François Hollande en effet, après avoir laissé son ministre des Affaires étrangères effectuer des purges rigoureuses au sein de la direction Afrique du Quai d’Orsay, a abdiqué tout pouvoir devant les militaires et les services spéciaux qui règnent désormais en maîtres au Sahel.

Encombrants alliés

Il ne fait plus aucun doute aujourd’hui que ceux-ci ont cru pouvoir s’appuyer sur le MNLA pour conduire le combat contre AQMI et récupérer les otages français du Sahel. La marionnette, malheureusement, a filé entre les doigts de ses protecteurs, et en janvier 2012 elle s’est lancée à l’offensive contre l’armée malienne avec l’aide des islamistes.

Quelques mois plus tard, le MNLA était taillé en pièce par ses alliés de la veille et disparaissait de la scène malienne. Il devait y revenir en janvier 2013 à la faveur de l’opération Serval. La France interdisait alors à l’armée tchadienne de désarmer ses protégés, et à l’armée malienne de reprendre pied à Kidal.

En mars 2013, Christian Royer, l’ambassadeur en poste qui faisait l’unanimité au Mali était rappelé à Paris sans ménagement pour être remplacé par Gilles Huberson, un spécialiste des prises d’otages issu de Saint-Cyr dont Moussa Ag Acharatoumane, l’un des principaux dirigeants du MNLA devait affirmer sans être démenti dans les colonnes du Monde du 14 novembre 2013 qu’il était depuis septembre 2012 « l’émissaire secret du Quai d’Orsay », auprès de son mouvement…

Paris devait par la suite comprendre que ses encombrants alliés étaient incapables de lui apporter le moindre soutien, l’enlèvement puis l’assassinat à Kidal le deux novembre 2013 de deux reporter de RFI qui sortaient de chez un cadre du MNLA mettant finalement en lumière l’incapacité des rebelles touareg à sécuriser la ville.

L’intervention française a plongé Kidal dans l’anarchie

L’intervention française a donc plongé Kidal en pleine anarchie alors qu’elle avait officiellement pour objectif de permettre au Mali de recouvrer sa souveraineté sur l’ensemble du territoire national. Le gouvernement malien n’a en effet jamais pu reprendre le contrôle de la ville placée de fait sous protectorat par la France avec l’aide des soldats africains de la MINUSMA utilisés comme supplétifs.

Alors que les séparatistes touaregs se pavanaient en armes dans la cité du nord, les maigres troupes maliennes dont Serval tolérait la présence sur place étaient cantonnées dans un camp militaire. Elles se sont donc tout naturellement trouvées incapables d’assurer la sécurité du Premier ministre lors de sa visite.

Tout cela, les Maliens le savent, et leur colère est aujourd’hui croissante et légitime. Et c’est là la vraie raison de l’annulation de la visite du ministre de la Défense à Bamako. L’accueil qui lui était promis aurait été pour le moins mouvementé ! Comment a-t-on pu croire, à Paris, qu’il serait possible de signer un accord de défense avec le Mali à une date aussi symbolique que celle de l’anniversaire de la fondation de l’Organisation de l’unité africaine en 1963 ? La guerre, disait Clemenceau, est une chose trop sérieuse pour qu’on la laisse aux militaires. C’est encore plus vrai de la diplomatie !

Les Français ont pissé partout

Quant à l’opération Serval, elle est, quoi qu’en en dise, bien loin d’être terminée. Le serval, me rappelait il y a quelques jours un leader politique de premier plan à Bamako, a pour principale caractéristique de pisser toutes les deux minutes pour marquer son territoire. Les Français ont pissé partout, ajoutait-il, ils ne repartiront plus…

Francis Simonis | Maître de conférences Histoire de l’Afrique

SourceRue89

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