La France a des intérêts conséquents au Sahel depuis l’ère coloniale lorsque le territoire de l’Afrique occidentale française englobait le Sénégal, la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso et le Niger.
Bien que Macron ait hérité du conflit au Mali lors de son accession au pouvoir en 2017, il s’est à plusieurs reprises engagé dans la lutte contre les extrémistes au Sahel. En effet, il s’est rendu au Mali pour rencontrer le président Keita lors de sa première semaine à la tête de l’état français.
Dans une partie du monde où les frontières sont relativement poreuses et où la présence des pouvoirs publics et de la police dans les zones reculées est faible, les groupes militants ont prospéré dans les régions anarchiques et essentiellement désertiques du Sahel. Des groupes de cette nature ont organisé des attaques sanglantes contre des postes militaires au Mali et au Burkina Faso ces derniers mois. En effet, 50 personnes ayant été tuées dans le nord du Mali pas plus tard qu’en novembre 2019.
Bourbier militaire
L’accident des hélicoptères du 25 novembre 2019 – qui s’est produit alors que les soldats français poursuivaient des combattants militants – constituait la plus grande perte en vies humaines des troupes françaises depuis 1983, année où les militants ont bombardé la caserne de la Force multinationale au Liban, tuant 58 soldats français et 214 Américains.
Au moins 38 soldats français sont morts depuis l’intervention de la France au Mali en 2013, tandis que plus de 200 soldats de nations régionales africaines et de forces de maintien de la paix internationales ont été tués en septembre dernier seulement, et des dizaines d’autres morts lors d’attaques au Burkina Faso voisin.
Bien que d’autres pays européens fournissent un soutien logistique, la France est le seul pays qui dispose d’une présence militaire permanente sur le terrain dans le Sahel, une présence qui a été critiquée par des partis de gauche et de droite.
La violence extrémiste, parfois mêlée de trafic criminel ou de tensions au sein de la communauté locale, perturbe la vie quotidienne et empêche tout espoir de développement dans cette région désespérément pauvre qui borde le Sahara. Mais les causes sont complexes et ni les négociations ni les opérations militaires n’ont encore réussi à rétablir la sécurité et la paix.
Malgré la création par les pays sahéliens d’une force commune pour lutter contre les djihadistes et la présence de 4 500 soldats français et de plus de 14 000 soldats de la paix de l’ONU, les groupes djihadistes intensifient leur guerre contre le Mali et ses alliés internationaux.
Dans les régions centrales, l’activité djihadiste est dirigée par le prédicateur charismatique Amadou Koufa, un Peul, un groupe ethnique à majorité musulmane de bergers semi-nomades au Mali.
Cela s’est mêlé à des tensions sur des ressources telles que la terre, le pâturage et l’eau, minant les relations avec un autre groupe ethnique musulman local, les Dogons, dont certains ont formé leur propre milice rivale.
Plus à l’est, surnommée la « région des trois frontières » où convergent le Mali, le Burkina Faso et le Niger, des attaques répétées ont été perpétrées par des groupes armés, dont l’un revendique une allégeance au groupe État islamique (EI).
Les militants ont organisé une série d’embuscades meurtrières, étendu leurs activités dans une grande partie du Burkina Faso et ont même kidnappé deux touristes d’un parc national du nord du Bénin, confirmant ainsi la crainte qu’ils représentent une menace pour les pays limitrophes tels la Côte d’Ivoire au Ghana.
Ce n’est pas une crise africaine qui a été ignorée par le reste du monde, plutôt le contraire. Elle fait partie régulièrement des discussions du Conseil de sécurité des Nations Unies et de l’opération des Nations Unies au Mali (MINUSMA) qui comprend des troupes originaires d’Asie, du Canada, d’Europe et d’Afrique. La MINUSMA est la plus grande mission de maintien de la paix des Nations Unies dans le monde, mais ces efforts pour rétablir l’autorité de l’État ont échoué. Des groupes djihadistes se sont développés et se sont étendus au Burkina Faso et dans certaines régions du Niger, et des conflits locaux ont également éclaté de manière nouvelle et meurtrière.
MINUSMA est la mission de l’ONU la plus dangereuse au monde, ayant perdu 206 personnes au cours des six dernières années. Supervisant l’accord de paix fragile conclu en 2015 entre les gouvernements du Mali et les groupes qui ne sont pas engagés dans des violences djihadistes. La force des Casques bleus tente de soutenir les communautés locales, mais avec des lignes d’approvisionnement s’étendant sur plusieurs centaines de kilomètres jusqu’à leurs bases isolées, ses troupes sont extrêmement vulnérables.
Cependant, ce sont les armées des pays du G5 sahélien (Mali, Burkina Faso, Niger, Mauritanie et Tchad) elles-mêmes qui subissent de plein fouet les conséquences de la campagne djihadiste. Ils cherchent désespérément plus de fonds et d’équipements internationaux pour leur propre force commune, forte de 5 000 hommes.
L’armée malienne en particulier a du mal à faire face aux insurgés : loin de la capitale, Bamako, sur un terrain difficile où les températures peuvent monter jusqu’à environ 50 ° C par temps chaud. Les soldats sont en danger lorsqu’ils patrouillent et se barricadent, la plupart du temps, dans des garnisons rurales isolées.
Cette année a été particulièrement meurtrière : l’armée malienne a perdu plus de 100 soldats embusqués à Boulikessi (dans la région de Mopti), à Indélimane et à Tabankort depuis fin septembre 2019, et cette énorme perte humaine a porté un coup brutal au moral d’une armée qui se sent déjà sous-équipée et à court de soutien.
La France, qui est intervenue au Mali en 2013 pour empêcher les djihadistes de se déplacer vers le sud, dirige maintenant une opération anti-insurrectionnelle, à gros risques, à travers le Sahel.
En outre, depuis 2013, l’Union européenne forme de nouveau l’armée malienne, tandis que la force française antiterroriste, Opération Barkhane, déployée à travers le Sahel est soutenue par des hélicoptères britanniques et d’autres alliés européens ainsi que par des drones de surveillance américains. Pourtant, la crise sécuritaire continue de s’approfondir de plus en plus.
Les troupes françaises, appuyées par des hélicoptères et des avions de frappe Mirage 2000, assurent un renfort d’urgence chaque fois qu’elles le peuvent. Mais elles couvrent une vaste région où, même avec le soutien des drones de surveillance américains, il est difficile de localiser de petites bandes de militants qui sillonnent le terrain aride à moto.
« L’Europe n’est pas à l’abri »
S’exprimant à la radio RTL après l’accident des hélicoptères, l’ancien général français de l’armée de l’air, Jean-Paul Palomeros, a déclaré qu’une intervention « purement nationale » avait atteint ses limites. « Nos amis européens, s’ils veulent assurer leur sécurité à long terme contre le terrorisme et le djihadisme, doivent nous aider et intensifier leurs efforts maintenant », a-t-il déclaré.
En juin 2019, Florence Parly, ministre des Forces armées françaises, a averti : « L’Europe aura deux épées de Damoclès au-dessus de sa tête : le terrorisme et les enlèvements, mais aussi des immigrants clandestins, car beaucoup d’entre eux voyagent dans ces régions ». Mais après l’accident des hélicoptères, elle a insisté sur le fait que la France recevait « un soutien précieux de nos alliés européens », qui « grandissait de jour en jour ».
« L’Europe n’est pas à l’abri de ces problèmes de sécurité », a déclaré la ministre des Forces armées, Florence Parly. « Si les branches de l’État islamique et d’Al-Qaida s’établissaient de manière durable au Sahel, cela poserait un problème de sécurité pour l’Europe dans son ensemble ».
Le soutien public français à l’opération régionale de lutte contre le terrorisme reste relativement élevé à la suite d’attaques terroristes dans le pays. Mais certains hauts responsables de la défense ont déclaré que la région se transformait en un bourbier militaire.
Les soldats français au Mali
Dans Le Monde, le général Bruno Clément-Bollée, ancien responsable de la coopération en matière de sécurité et de défense au ministère français des Affaires étrangères, a averti que la France devait « repenser totalement » sa présence sur le terrain et donner aux « acteurs locaux un rôle moteur » ou faire face à « la pression populaire de partir ».
Le gouvernement, pour sa part, souhaite voir d’autres pays européens lutter davantage contre les groupes extrémistes au Sahel, ce qui pourrait servir de refuge pour les groupes djihadistes aujourd’hui, à l’instar de l’Afghanistan et du Soudan dans les années 2000.
Le 20 novembre 2019, la France a exhorté les autres pays européens à faire plus en Afrique de l’Ouest, soulignant que si les groupes djihadistes pouvaient opérer à partir de la région, le continent dans son ensemble serait menacé.
Qui sont les djihadistes en présence ?
Pendant près de dix ans avant la chute du nord du Mali, début 2012, Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et son prédécesseur, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), ont œuvré pour s’établir au sein des structures sociales et économiques locales de la région, y compris le trafic et d’autres réseaux d’entreprises. Ces efforts ont notamment consisté à fournir une assistance et de l’argent aux populations locales (et parfois même une assistance aux responsables de la sécurité locaux), et à se marier dans les communautés locales. Comme le décrit l’International Crisis Group dans un rapport de juillet 2012, ces liens signifiaient qu’AQMI représentait « un objet politique et social, pas une pathologie », un objet qui n’a survécu qu’au Sahel et en particulier au Mali que grâce à « la mise en place progressive d’accords sociaux aux niveaux local, national et international ».
Cette stratégie d’implantation locale n’impliquait pas seulement le recrutement et la promotion de combattants des pays sahéliens voisins mais aussi la prédication et le conditionnement politique. Même si les Mauritaniens ont commencé à rejoindre le GSPC en grand nombre en 2004 et 2005, après une série de mesures répressives de la part des autorités mauritaniennes, ces nouvelles recrues ont été jointes par également nombre de Maliens. Selon l’Institute for Security Studies, par exemple, une liste de 108 principaux terroristes opérant dans la région du Sahel-Sahara, établie par le gouvernement algérien en 2011, comprenait 21 Maliens.
Les recrues maliennes les plus remarquables (et bien connues) au sein d’organisations djihadistes au cours des années précédant l’occupation de 2012 venaient peut-être sans surprise du nord du pays, où divers mouvements religieux réformistes, dont le Tablighi Jama`at, avaient fait des percées limitées pendant plusieurs décennies. Cela s’est produit à un moment où les groupes religieux se développaient dans tout le Mali, entraînant des changements permanents dans la dynamique autour de la politique religieuse et des pratiques religieuses déclarées dans le pays.
Dès 2010, une des unités d’AQMI connue sous le nom de Souraya passait sous le commandement de Hamada ag Hama, un Touarègue de la région de Kidal au Mali, également connu sous le nom d’Abdelkrim el-Targui, Abdelkrim Taleb ou Malik Abou Abdelkrim Ag Hama, dont l’unité était composée en majorité de Touarègues du Mali et du Niger. Il était à l’origine de l’enlèvement de 2010 puis de la prétendue exécution de Michel Germaneau, travailleur humanitaire français 18, ainsi que de l’enlèvement de citoyens français Philippe Verdon et Serge Lazarevic en novembre 2011 dans le village malien de Hombori. Ag Hama est également le cousin du fondateur d’Ansar Eddine, Iyad ag Ghaly. Alors qu’Ag Hama ou son unité auraient été à l’origine de l’exécution présumée de Verdon en mars 2013, il a rarement été vu dans le nord pendant l’occupation, malgré son rôle important dans l’organisation avant la rébellion.
Cela n’a pas été le cas pour d’autres Maliens impliqués dans des activités djihadistes dans la région, qui seraient les principaux commandants et les visages publics de ces groupes militants pendant l’occupation du nord du Mali.
Oumar Ould Hamaha, un arabe de Bérabiche, figure haute en couleur et apparemment omniprésent, il est devenu l’un des favoris des journalistes occidentaux à la recherche de renseignements sur les objectifs et les opérations du djihad. Bien que, après avril 2012, Hamaha ait été publiquement identifié comme dirigeant de premier plan à Ansar Eddine, Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO). Il était avant tout un personnage de longue date d’AQMI proche de Mokhtar Belmokhtar, et éventuellement le beau-père de Belmokhtar. Né à Kidal et éduqué à Tombouctou, on ignore quand Hamaha a rejoint AQMI, bien qu’il ait dirigé l’enlèvement en 2008 du diplomate de l’ONU Robert Fowler et de son adjoint Louis Guay au Niger. Cependant, bien avant cela, Hamaha était connu pour sa prédication charismatique, prolifique et rigoureuse du Coran. Hamaha affirme avoir parcouru le monde en étudiant et en prêchant avant de revenir au Sahel. Un ancien policier malien en poste dans la ville de Kidal, dans le nord du pays, a rappelé avoir entendu la prédication locale de Hamaha plus de dix ans auparavant.
Sanda Ould Bouamama, également connu sous le nom de Sanda Abou Mohamed, est un autre personnage clé malien et djihadiste de longue date. Ould Bouamama, un arabe né près de Tombouctou, membre de la tribu des Oulad Ich, est devenu le visage public d’Ansar Eddine à Tombouctou, à la fois pendant l’occupation et après l’intervention française. Il a été fréquemment interviewé, a rencontré le « comité de crise » de la ville et a coordonné la gouvernance ainsi que la distribution de l’aide et d’autres matériels. Malgré son identification publique avec Ansar Eddine, Ould Bouamama était également un membre de longue date du GSPC et d’AQMI. Il a été arrêté en 2005 en Mauritanie alors qu’il était accusé d’avoir participé à l’attaque de la garnison mauritanienne à Lemgheity par le GSPC cette année-là. Il a été arrêté à Bamako en 2010 avant d’être relâché en janvier 2011, éventuellement dans le cadre d’un échange d’otages détenues par le groupe.
Tombouctou, capitale du nord malien
Comprendre la situation sur le terrain
Depuis 2012, le Mali est confronté à une succession de conflits violents. La rébellion touarègue et l’occupation djihadiste du nord du Mali qui a eu lieu cette année-là ont révélé plusieurs clivages dans la société et la gouvernance qui, sans être nouveaux, se sont aggravés avec le temps. Le départ du gouvernement de plus de la moitié de la superficie du pays et la pression exercée sur les zones locales par la concurrence pour les ressources, la prolifération des armes et des idéologies opposées ont tous exacerbé les conflits internes au Mali, des tendances qui se sont également manifestées ailleurs.
L’intervention française sous le couvert de l’Opération Serval de janvier 2013 a délogé les groupes djihadistes des villes maliennes, sans les éliminer. Ils se sont échappés et se sont réorganisés pour revenir attaquer la mission de maintien de la paix des Nations Unies établie au Mali, la MINUSMA, ainsi que les forces maliennes et françaises et des cibles civiles dans la capitale Bamako et même au-delà des frontières maliennes. La signature des accords de paix à Alger en juin 2015 n’a pas sensiblement amélioré la situation.
Quiconque tente de comprendre le paysage des conflits armés au Mali et dans le Sahel, au sens large, est confronté à une gamme vertigineuse de défis. La première est que ces conflits se chevauchent souvent. Les conflits liés entre différentes communautés sociales et ethniques, entre les groupes djihadistes et le gouvernement, et entre différents groupes armés n’ont souvent pas de frontières claires. Un autre défi est qu’il existe de nombreux groupes armés opérant dans la région, parfois avec des objectifs différents et parfois avec des objectifs et des territoires partagés. Même les lignes entre les groupes armés « djihadistes » et « non-djihadistes » sont souvent floues. Il existe des allégations crédibles de coopération entre des groupes armés prétendument non djihadistes et djihadistes. Les combattants passent souvent d’un groupe à l’autre, en fonction de la géographie ou de la situation locale. Cette fluidité a donné lieu à de fréquentes théories selon lesquelles des groupes armés, tant pro-gouvernementaux que jadis séparatistes ou non djihadistes, auraient collaboré avec divers groupes djihadistes. Étant donné l’évolution constante de la sécurité et de la situation politique dans la région, toute tentative de cartographie de cette multitude de groupes est par nature inexacte.
On peut dire que les groupes djihadistes cherchent en grande partie à reformuler leur version du droit islamique et à chasser les forces étrangères au Mali et dans le Sahel, tout en cherchant également à tirer parti des tensions et du ressentiment communautaire contre les gouvernements locaux pour s’implanter de manière plus sûre. Ils prennent également part aux conflits locaux et se sont parfois présentés comme protégeant les communautés locales des attaques, qu’il s’agisse des Touarègues au nord ou des Fulanis (appelés localement Peuls) dans des régions plus centrales. Quant aux autres groupes, ils représentent parfois des intérêts locaux ou communaux, tandis que d’autres défendent des objectifs politiques plus larges, tels que l’indépendance ou l’autonomie étendue dans le nord du Mali ou de nouveaux modes de gouvernance et de structure communale moins hiérarchiques.
L’implication de groupes armés dans le processus de paix a été une affaire tumultueuse, à cause des problèmes liés aux accords eux-mêmes, des nombreux acteurs et intérêts différents impliqués de toutes les parties au conflit, ainsi que de la question des groupes djihadistes eux-mêmes et de la question de savoir s’ils peuvent ou non être inclus dans un éventuel accord de paix. Les signataires des accords de 2015 sont le gouvernement malien, une alliance de milices progouvernementales connue sous le nom de Plateforme (son nom officiel est Plateforme des mouvements du 14 juin 2014 d’Alger) et la Coordination des mouvements d’Azawad (CMA), une coalition de groupes comprenant des Arabes et des Touarègues, bien que des membres d’autres communautés soient également inclus dans ces groupes. Depuis la signature des accords, plusieurs scissions ont eu lieu et les groupes de la Coordination des mouvements de l’environnement (CME), ainsi qu’une autre faction du Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA), ont demandé à être inclus dans le processus. Divers autres groupes armés et milices ont demandé à bénéficier de certains avantages de l’accord, notamment des programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR) garantissant des avantages économiques et éventuellement la réintégration des forces de défense et de sécurité du Mali à certains combattants.
Combattants du Mouvement National de Libération de l’Azawad -MNLA-
Les institutions des accords ont également été des lieux de discorde et de violence de groupes djihadistes et de groupes non djihadistes. Alors que les autorités intérimaires – des organes de direction locaux temporaires créés par les accords destinés à aider à rétablir les services de base dans les régions du nord – comptent des représentants de la plupart des groupes armés, celles-ci ont tardé à devenir opérationnelles et se plaignent régulièrement de la pénurie de personnel, argent, formation et soutien. De même, le Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC), destiné à regrouper les combattants pour un éventuel processus de DDR, a connu des retards et des revers à Gao, Kidal et Tombouctou. À Gao, un bombardement dévastateur du camp en janvier 2017 a tué des dizaines de combattants, tandis qu’à Tombouctou, Jama’at Nusrat al-Islam wa al-Muslimeen (JNIM) a revendiqué le meurtre du commandant du MOC de l’AMC, Salem Ould M’Begui, en septembre 2018.
Le gouvernement et les groupes armés signataires sont en désaccord sur un certain nombre de questions liées au DDR et à la réforme du secteur de la sécurité. Il n’y a toujours pas d’accord sur les grades militaires à donner aux officiers qui ont déserté pendant la rébellion, ni sur le nombre final de combattants à intégrer dans les forces armées, par exemple. La CMA et la Plateforme ont toutes deux suspendu leur participation à certains moments au processus pour protester contre les décisions prises ou non par le gouvernement. La CMA a particulièrement insisté sur les questions de réforme politique, y compris les promesses faites dans le cadre des accords d’adoption d’une réforme constitutionnelle et de nouvelles lois sur la décentralisation.
Trouver des solutions pérennes aux problèmes de base
La question ethnique est peut-être la question la plus urgente. Dans le cas du Mali, les tensions entre les Touarègues, les Fulanis, les Bambaras et les Dogons ne doivent pas être sous-estimées. Il ne peut y avoir de solution politique à long terme sans prendre en compte ces divisions ethniques, qui ne peuvent être surmontées que par le développement économique, le respect mutuel, une large autonomie locale et une vision directe de la décentralisation politique. Face aux inévitables frictions entre populations sédentaires et nomades, il incombe aux autorités publiques et aux chefs locaux de garantir la coexistence pacifique grâce à une répartition équitable des terres, des droits de transhumance et de pâturage.
Sur le plan économique, une lutte sans merci contre tous les types de trafic (drogue, médicaments, armes, êtres humains) et d’extorsion doit être menée et coordonnée entre les différents pays de la région. Ces activités criminelles alimentent l’extrémisme religieux. Tout progrès dans la lutte contre ces activités affaiblira par définition les terroristes. Un aspect bien connu du problème, bien sûr, est que dans certains pays, les responsables et les politiciens sont complices de ces groupes ; cela met clairement l’accent sur la politique.
Les gens ordinaires ne comprennent pas pourquoi un jeune sans emploi est condamné à une peine de cinq à dix ans de prison pour contrebande, alors qu’un ministre ou un responsable des douanes peut faire la même chose à une plus grande échelle en toute impunité. La perception que les élites sont au-dessus de la loi et complètement corrompues est un facteur clé du ressentiment public, comme cela a été le cas dans des pays comme l’Ukraine. Les bailleurs de fonds internationaux devraient utiliser ce levier pour être beaucoup plus exigeants en matière de réforme politique.
Enfin, le problème de l’échelle géographique ne doit pas être sous-estimé. Les zones à surveiller et à contrôler sont souvent énormes (le Mali englobe plus de 1,2 million de kilomètres carrés de terrain peu peuplé) et les zones de patrouille de cette taille dépassent les ressources disponibles pour les gouvernements locaux. Même dans ce cas, le contrôle aux frontières est une priorité. Pour réduire l’écart, une coopération transfrontalière accrue, un soutien financier des pays occidentaux et l’utilisation de technologies de pointe (capteurs, satellites, drones) sont essentiels pour le maintien de la sécurité et la paix.
PS. Cette analyse sera suivie par une autre sur le sujet de :
Sahel poudrière internationale
Carte du Sahel