Après ses études en Commerce international en Turquie, le Malien, Alpha Amadou CISSE, de retour au pays voit « Grand ». Alors que la part de notre continent ne représente que 2 % de la production mondiale, l’ambition de ce jeune diplômé est de rehausser l’image de son Mali natal et l’Afrique sur la scène commerciale internationale. Dans l’interview que M. CISSE nous a accordée, il évoque également ses projets de développement pour son pays.
Info-Matin : Présenter vous et votre parcours à nos lectures ?
Alpha Amadou CISSE : Je suis étudiant malien en Turquie à l’Université ALAADDIN KEYKUBAT UNIVERSITY, en Business Commerce international.
Info-Matin : Pourquoi avoir choisi de faire le commerce international ? En quoi cela peut-il contribuer au développement d’un pays comme le Mali où le secteur informel est majoritaire ?
Alpha Amadou CISSE : Merci pour cette belle question. Déjà, c’est un rêve d’enfance que je suis en train de réaliser. Depuis très longtemps, je me suis dit, qu’un jour, je ferais des études, qui vont me permettre de défendre mon pays et toute l’Afrique sur le plan international.
IM : Et pourquoi le Commerce international ?
Alpha Amadou CISSE : Déjà, le commerce international est le point de différence entre tous les États du monde entier. Aujourd’hui, l’Afrique regorge une très grande quantité de ressources minières et naturelles au monde, mais la part de l’Afrique sur le commerce international ne représente que 2 % et nous devons actuellement nous poser la question, pourquoi ?
Alpha Amadou CISSE : Parce que l’Afrique n’a pas suffisamment de capacité humaine à pouvoir défendre sa valeur et ce qu’elle possède sur le commerce international, voilà en bref mon amour pour le commerce international, je me dis qu’à la fin de mes études, qu’à fin de mes études, avec tout ce que j’ai appris, et tout ce que j’apprends tous les jours, je vais défendre mon pays sur le commerce international, à pouvoir mettre en valeur les produits du Mali et de toute l’Afrique.
Je donne un exemple : le coton est cultivé au Mali, par des cultivateurs maliens, mais les Maliens n’en profitent pas, car le prix de cette matière première est fixé par l’État français, alors que c’est nous qui le cultivons. Mais pourquoi ?
Donc, il faut vraiment une politique à notre valeur à notre image, afin de défendre nos matières premières, ainsi que nos produits sur le commerce international.
IM : Vous rentrez de Turquie, pourquoi avoir fait le choix de revenir au moment où ils sont nombreux, les étudiants à s’installer en Europe et ailleurs après leurs études ?
Alpha Amadou CISSE : Si j’ai fait le choix de revenir au Mali, c’est parce que je suis dans un État ou je n’ai rien à n’as faire. Aujourd’hui, si tu regardes la Turquie et tous les autres pays où évoluent les étudiants maliens, je me dis que dans ces États, il n’y a pratiquement plus rien à faire, ils ont déjà tout fait, ou bien ils sont en voient de tout faire. Si tu prends le Mali, il n’y a presqu’aucune industrie, il n’a aucune installation économique qui va le permettre de s’installer dans les rangs dans les jours à venir. C’est pour cela que j’ai décidé tout simplement de rentrer chez moi, d’entreprendre, de mettre en valeur ce que j’ai appris, parce que tout mon combat et toute ma connaissance que j’ai pu posséder au cours de ces dernières années, en tant qu’étudiant ici, j’ai appris à être patriote, à aimer ce que je suis et à savoir toujours défendre ce que je suis en fait. Le Mali aujourd’hui a besoin d’une jeunesse engagée, d’une jeunesse visionnaire, et d’une jeunesse qui a compris, que le développement ne va jamais arriver si nous même nous n’entreprenons pas.
Pourquoi ne pas créer une grande entreprise, motiver la jeunesse à aller dans le sens de l’investissement, dans le sens du secteur privé, et d’exploiter toute cette richesse que nous avons chez nous, afin que ça profite à toute la population malienne. Voilà mon rêve de tous les jours, et ma raison de vouloir rentrer chez moi et de servir mon pays.
IM : Peut-on dire que tu as choisi ta patrie au détriment des avantages que tu pouvais avoir en Turquie ?
Alpha Amadou CISSE : Non pas du tout, je ne dirais pas que j’ai choisi ma patrie au détriment des avantages que j’avais en Turquie. Mon seul avantage dans ma vie, c’est le Mali. Quel qu’en soit ce que je peux posséder ou ce que je peux avoir dans ma vie, si le Mali n’est pas un pays, à l’image que je lui donne ; je ne serais jamais satisfait. Le Mali a été la source de tous mes combats, à chaque fois que j’étais dans une difficulté en Turquie, à chaque fois que je me sentais seul, mon seul réconfort était le Mali, était de rentrer et de servir.
IM : Des avantages ?
Non, je ne dirais qu’aucun étudiant ailleurs ne peux dire qu’ils possèdent des avantages ailleurs, parce que tu peux gagner tout ce que tu veux, tu peux avoir tout ce que tu veux, mais rester loin de ta famille, rester loin de ceux que tu aimes, rester loin de ta patrie est un grand désavantage, malgré ce que tu peux posséder ailleurs, malgré ce que tu peux faire, le bien restera toujours incomplet, parce que mieux vaut réussir chez soi, mieux vaut être chez soi, et servir au développement de ton pays. C’est ainsi que j’ai toujours aperçu les choses.
Je ne dirais pas que j’ai choisi ma patrie, au détriment des avantages que j’avais ici. Parce que j’ai vu comment les gens vivent là-bas, j’ai vu comment les étudiants souffrent ailleurs, je suis témoins de tout ce qui se passe, donc je ne dirais jamais que j’ai abandonné les avantages pour rentrer, au contraire, j’ai abandonné la difficulté, la nostalgie, la souffrance, la solitude, pour rentrer chez moi et j’en suis fier. Si c’était à refaire, je vais le refaire.
IM : Parlant d’engagement, vous avez été président des étudiants maliens en Turquie, comment avez mené cette mission ?
Alpha Amadou CISSE : Cela fut une période d’expérience, d’apprentissage, de motivation, et cette période m’a permis de savoir que j’étais sur la bonne voie.
J’ai été le Président des étudiants maliens pendant une bonne période, et actuellement encore je suis le président d’honneur. Quand je dirigeais encore, les étudiants maliens, ces étudiants se remettaient d’une situation très difficile, en 2016, après la tentative d’un coup d’Etat en Turquie. Plusieurs universités ont été obligées de refermer leur porte et dans plusieurs étudiants de ces universités étaient nos frères, les Maliens qui n’avaient plus d’université, des boursiers qui avaient perdu leur bourse, donc il fallait vraiment être attentive. Il fallait approcher les frères et sœurs et recenser les problèmes. Il faut savoir que l’association c’étaient déjà notre vie, donc j’ai passé mon temps avec mon brillant bureau exécutif à approcher nos frères maliens qui étaient en difficulté, à les apporter notre aide, autant que nous pouvions. Dieu merci, nous avons vraiment pu nous en sortir en étant ensemble.
J’avais surnommé L’AMT, « la maison loin de la maison » une maison où l’on se retrouvait ensemble pour se sentir comme nous étions au pays. Labàs, on se sentait comme l’espoir de ce pays, nous avons toujours été dans cette vision des choses, nous avons pu organiser la toute première Journée culturelle de l’association, en consolidant nos liens. Je mes réjoui que nous soyons même parvenus à organiser une journée de salubrité à l’hôpital Gabriel Touré. Cela était déjà une première dans l’histoire du Mali. Notre idée était qu’on n’a pas besoin de milliard pour faire de belles choses dans son pays. Mais bon ce que je retiens beaucoup de ma mission, c’était de pouvoir aider mes frères qui étaient en difficulté.
IM : De retour au pays, vous avez aussi lancé des initiatives pour la citoyenneté et surtout l’insertion des étudiants venus de l’étranger. Parlez-nous de cette initiative et de ses acquis ?
Alpha Amadou CISSE : Il y a deux ans, avec quelques Présidents des étudiants maliens de la diaspora, nous avons eu l’idée de créer la plateforme ‘’Mali Walima Mali’’ qui regroupe l’ensemble des leaders, des présidents des associations des étudiants de la diaspora, nous avons pour objectif de mettre ensemble nos idées, de marcher ensemble, d’effacer les frontières qui nous séparent. C’est pour cela que la plateforme a décidé cette année, le 24 août passé, de faire sa toute première Journée de réinsertion, surtout après quelques années, loin de son pays, les choses changent, les mentalités changent, les besoins changent, les objectifs changent. C’est pour cela que les solutions aussi changent en fonction des besoins. C’est le motif principal pour lequel nous avons eu l’idée de réaliser cette première Journée, qui a été soutenu par le ministère de l’Enseignement supérieur et l’ensemble du gouvernement. Nous voulons que cette initiative continue afin d’être en perpétuel contact avec le gouvernement, et aussi avec l’ensemble des étudiants maliens de l’intérieur comme de l’extérieur, et de faire savoir à ces jeunes maliens qui sont restés au pays et au gouvernement de savoir qu’il y a aussi des frères, des patriotes prêts et engagés à tout moment pour répondre à l’appel de la patrie avec dignité et honneur.
IM : Quel appel vous avez à l’endroit de nos étudiants qui choisissent de rester en Europe après leurs études ?
Alpha Amadou CISSE : Le choix est personnel, je ne dicterais à personne son choix, mais je peux quand même partager mon idée avec tous. Déjà, si nous avons après les études, l’idée de rester dans le pays où on n’a étudié, c’est parce que dans ce pays nous croyons avoir des opportunités, des avantages qui n’existent pas chez nous. Mais laissez-moi vous dire que ces avantages et ces opportunités qu’on peut voir ou saisir ont été créés par des patriotes de ces pays. C’est pourquoi je lance un appel à l’ensemble des étudiants maliens de la diaspora, afin que nous aussi puissions créer un Mali à notre image, un Mali fort, un Mali puissant, un Mali dans lequel règne la paix, un Mali dans lequel l’ensemble des citoyens profitent : en matière d’éducation, de santé, des infrastructures… tout ce qui va avec le développement comme on l’entend. Tout cela ne peut se faire que si la jeunesse est consciente, quand la jeunesse laisse de côté l’inutile et se focalise sur l’utile.
C’est pour cela que j’appelle tout le monde, tous les étudiants maliens, chacun sait de quoi il est capable, chacun sait ce qu’il vaut, mais la plus grande des valeurs reste la valeur humaine, à ne jamais oublier.
Nous devons nous donner les mains, regarder dans la même direction et de mettre en valeur ce qu’on n’a appris, pendant des années dans les pays développés.
Notre terre ‘’ a été, est, et restera toujours le Mali’’
IM : Que doit faire l’État pour les inciter à revenir ?
Alpha Amadou CISSE : Nous avons tous un rôle à jouer, les étudiants aussi bien que l’État malien. L’État doit montrer à chacun que le développement se fera ensemble et que personne n’est indispensable pour bâtir un État fort, un État de paix, un État ambitieux et un État qui aura sa place dans le concert des Nations.
C’est pour cela, tout d’abord, nous avons beaucoup de problèmes avec mes frères présidents des différentes associations de l’extérieur. Nous avons vu que l’État malien ne fait pas l’effort nécessaire, c’est-à-dire, dans nos ambassades, je crois que nous devons vraiment garder l’œil sur ces jeunes, qui vivent sans leur famille, qui vivent souvent dans des conditions très difficiles. Pourquoi je dis cela ? Quel qu’en soit-ce qui se passe, l’État malien doit savoir le nombre d’étudiants maliens qui est à l’extérieur : qui fait quoi ? Qui est boursier et qui ne l’est pas ? Je crois que c’est très important, la meilleure manière de gouverner, c’est d’être informé, c’est d’être en contact direct avec sa population. C’est pour cela, quand j’étais président en Turquie, chaque fois, je renouvelais couramment la liste des étudiants maliens en Turquie en la soumettant à l’ambassade du Mali.
Je crois que l’ambassade n’a même pas besoin d’attendre que les associations partent vers elle.
IM : Parler nous de ce projet de livre que vous êtes en train d’écrire ?
Alpha Amadou CISSE : Le projet de livre sur lequel je travaille est basé sur la motivation et le développement personnel. Pour moi, la motivation est indispensable dans la vie de chaque être humain. Il faut être motivé, souvent il y a des hauts et des bas dans la vie, elle nous permet de garder le câble, de toujours croire en nous malgré les difficultés qu’on traverse.
Pour être ce qu’on veut être, il y a du chemin à faire, il y a beaucoup de turbulences à traverser. C’est pendant ces moments difficiles, que nous devons rester forts.
Au regard de mes différentes épreuves, je me suis dit que c’est important d’écrire, de partager ce que j’ai connu, de partager aussi les hauts et les bats que j’ai eus dans ma vie, et mes motivations. Voilà un peu l’idée du livre. Dans les jours à venir, je vous donnerais le titre, je parlerais de beaucoup de choses.
IM : Un dernier mot ?
Alpha Amadou CISSE : Mon dernier mot, je l’adresse à l’ensemble des étudiants maliens, à la jeunesse, à tous les Maliens. Nous traversons une période très difficile, c’est dans les périodes difficiles que nous devons rester forts, les périodes difficiles doivent se vivre, la vie n’est pas seulement faite que de hauts, il y a aussi des bats. Ces dernières périodes doivent être des moments d’apprentissage afin de ne plus jamais refaire les mêmes erreurs qui nous ont conduits aux difficultés.
C’est pour cela que j’appelle l’ensemble des Maliens au calme et à la sérénité, surtout au travail.
Que Dieu bénisse le Mali, que Dieu bénisse l’Afrique. Vive le Mali, vive la jeunesse Maliennes, et ensemble pour toujours, pour un État malien fort et uni pour toujours.
Par Rahmatou SALL
(Stagiaire)