Après l’annonce de la démission du parti social-démocrate allemand Andrea Nahles dimanche 2 juin, l’Allemagne se trouve dans une période d’incertitude. Car cela pourrait avoir des conséquences sur l’avenir de la grande coalition droite-gauche à la tête du pays, dirigée par Angela Merkel.
La démission d’Andrea Nahles est un coup dur pour la grande coalition. La présidente du SPD s’était battue pour qu’une nouvelle alliance droite-gauche voie le jour ; lors d’un congrès du SPD l’an dernier, elle avait tenu un discours enflammé pour emporter le soutien des militants, comme nous le rappelle notre correspondant à Berlin, Pascal Thibaut.
Les deux partis de la coalition avaient prévu des réunions de crise séparées, annoncées depuis la semaine dernière pour faire un bilan du scrutin européen, où tant les chrétiens-démocrates d’Angela Merkel (CDU) et le SPD ont vu leurs scores plonger à des plus bas historiques. Mais les rencontres ont pris de l’importance avec le départ de Mme Nahles de la tête du parti de centre-gauche, désormais déboussolé.
Andrea Nahles avait été auparavant quatre ans ministre des Affaires sociales d’Angela Merkel et était également un pilier de cette grande coalition. Les conservateurs se félicitaient d’ailleurs de la coopération avec la présidente du SPD, même si les négociations étaient parfois difficiles.
Les sociaux-démocrates en pleine crise existentielle
Battu sèchement aux législatives de 2017 et humilié aux Européennes, le SPD, relégué à 15% derrière les Verts, est cependant en pleine crise existentielle. Certains réclament depuis des mois une cure de jouvence dans l’opposition et un virage à gauche, même si celui-ci pourrait faire tomber Mme Merkel avant la fin de la législature en 2021.
Mais la décision est compliquée par les absences de programme et de figure incontestée pour prendre la tête du parti, ainsi que la crainte d’un résultat catastrophique en cas de législatives anticipées.
Ce n’est donc pas un hasard si dimanche 2 juin, les chrétiens-démocrates de la CDU, nerveux suite à l’échec électoral des Européennes, ont plaidé pour la poursuite de la grande coalition, un plaidoyer dirigé surtout à Angela Merkel. La chancelière a promis dimanche 2 juin la stabilité de la coalition, assurant que son gouvernement allait « continuer (le) travail avec tout notre sérieux et surtout notre sens des responsabilités ».
Des législatives anticipées seraient à très haut risque pour les deux partis historiques
Bien que les deux partis accentuent leurs différences depuis des mois sur les questions sociales et climatiques, les conservateurs n’ont pas d’alternative. D’abord, un gouvernement minoritaire n’est pas dans les gênes de la République fédérale. Puis les Verts, qui ont le vent en poupe, veulent d’abord des élections anticipées si on leur tend les bras pour une alliance. D’ailleurs, ni la CDU ni le SPD n’y ont un intérêt : un recul est prévisible.
De plus, la dauphine d’Angela Merkel, Annegret Kramp-Karrenbauer, n’a toujours pas convaincu et est désormais ouvertement critiquée depuis les Européennes, malgré les six mois depuis son élection, ayant enchaîné les faux pas, s’aliénant notamment d’influents YouTubeurs avant le scrutin.
Des législatives anticipées dans de telles conditions seraient une première en Allemagne et à haut risque pour les deux partis qui ont dirigé ensemble ou à tour de rôle le pays depuis 1949.
(avec AFP)
RFI