Suivez-nous sur Facebook pour ne rien rater de l'actualité malienne

AIGE: ce qui oppose le CNT au gouvernement

Le Conseil national de transition (CNT) a examiné et adopté lors d’une séance houleuse, ce vendredi, le projet de loi électorale dont l’innovation majeure et la pomme de discorde est l’institution de l’Autorité indépendante de Gestion des Élections en abrégé « AIGE ». Qu’est-ce qui oppose les deux institutions ?

 

Par dérogation à l’article 47 de la Loi n°2014-049 du 19 septembre 2014 portant principes fondamentaux de la création, de l’organisation et du contrôle des services publics (qui dit que «les missions et attributions des autorités administratives indépendantes s’exercent à titre principal dans les domaines de la médiation, de la régulation, de la vérification et du contrôle ainsi que dans celui de la protection des libertés et droits individuels », le gouvernement a proposé dans le projet de loi soumis au CNT la création d’une autorité administrative indépendante dénommée « Autorité indépendante de Gestion des Élections, en abrégé AIGE ».

Dans la version soumise à l’examen des honorables membres du CNT, « l’Autorité indépendante de Gestion des Élections (AIGE) a pour mission l’organisation et la gestion de toutes les opérations électorales et référendaires. Elle peut également organiser, à leur demande et à leurs frais, les élections des ordres professionnels, des organisations faîtières des Maliens établis à l’extérieur et des chambres consulaires.

À ce titre, elle est chargée :

-de la préparation technique et matérielle de l’ensemble des opérations référendaires et électorales ;

-de la confection, de la gestion, de la mise à jour et de la conservation du fichier électoral ;

-de la gestion du financement public des partis politiques ;

-de la réception des rapports annuels d’activités et de gestion des partis politiques et leur publication sur le site de l’AIGE ;

-du plafonnement et du contrôle des dépenses de campagne électorale ;

-de la confection et de la personnalisation des cartes d’électeur ;

-de la réception et de la transmission des dossiers de candidatures relatifs aux élections des députés et des conseillers des Collectivités territoriales ;

-du recensement des votes, de la centralisation, de la proclamation et de la publication des résultats provisoires des scrutins par bureau de vote ;

-de la gestion des observateurs nationaux et internationaux ;

-de l’élaboration de son budget annuel de fonctionnement et du budget des consultations référendaires et électorales ;

-de la formation électorale et de la coordination des activités y afférentes ;

-de la publication et de la remise officielle du rapport annuel d’activités ».

Les attributions de l’AIGE telles que définies n’ont pas toutes eu l’assentiment du CNT qui a retoqué l’article 4 du projet de loi électorale. Outre celles-ci, le gouvernement et le CNT ont fait des passes d’armes sur l’organisation et le fonctionnement de l’AIGE prévu aux articles 5, 6 et 7 du projet de loi. La divergence de lecture ou suspicion téléguidée ?

Pour le gouvernement, l’AIGE comprend un organe délibérant (le Collège) et un organe exécutif (le Bureau). Pour le Conseil national de Transition, tout le problème de ce projet de loi électorale qu’il qualifiera de clanique se situe au niveau de son article 6 qui dit que le « Collège, organe délibérant de l’autorité, comprend neuf (09) membres recrutés par appel à candidatures sur la base des critères de compétence, de professionnalisme, d’honnêteté et d’intégrité dans le domaine électoral, juridique, informatique, financier et de la communication.

Un décret du Premier ministre détermine les profils et la procédure de sélection des membres du Collège de l’AIGE.

Une commission de sélection composée de sept (07) personnalités indépendantes, crédibles et intègres, désignées par le Premier ministre, est constituée à cet effet.

La commission de sélection, après réception, examine les dossiers de candidature, arrête et transmet la liste des membres du Collège au Premier ministre ».

Par un raccourci, certains membres du CNT qui ne font certainement pas partie des amis du Premier ministre ont estimé que la détermination par ce dernier des «profils et (de) la procédure de sélection des membres du Collège de l’AIGE » équivaut à une sélection par lui des membres du Collège de l’AIGE. En s’arrêtant à l’article 6 du projet, on peut effectivement avoir cette impression pour une opinion qui ne sait pas lire entre les lignes. Et sachant que les Maliens ne sont pas des grands champions de la lecture, même les hauts cadres, alors on reste avec la vague impression que c’est le Premier ministre seul dans son bureau qui nomme comme bon lui semble les membres du Collège de l’AIGE.

Or, l’article 7 du projet est sur ce point sans aucune équivoque. Ce n’est pas le Premier ministre qui nomme les membres du Collège de l’AIGE, mais ceux-ci « sont nommés pour un mandat de sept (7) ans non renouvelables, par décret pris en Conseil des ministres, sur proposition du Premier ministre sur la base du rapport de la commission de sélection ». Or, les décrets pris en Conseil des ministres sont des décrets PR (président de la République) ou PT (président de la transition) jamais des décrets PM (Premier ministre).

Donc, dire que c’est le Premier ministre qui désigne 7 membres sur 9 comme le rapportent les réseaux sociaux téléguidés est une contrevérité. Les membres de AIGE sont nommés par décret du Président de la transition après une procédure de sélection. Il est logique que la procédure de sélection soit organisée par une institution de l’État en l’occurrence le gouvernement qui est dans l’opérationnelle. Pour plus de transparence, le gouvernement propose «une commission de sélection composée de sept (07) personnalités indépendantes, crédibles et intègres». Ce sont ces 7 personnes que le Premier ministre choisies et non les 9 membres de l’AIGE parmi lesquels il ne choisit aucun.

C’est la version retoquée par le CNT qui lui donne la prérogative de nommer un membre.

Au final, après l’adoption du projet de la loi dans un grand capharnaüm d’infox, le Mali se retrouve à la case départ. Au lieu d’un organe unique indépendant, on a toujours deux structures de gestion des élections : le ministère de l’Administration et l’AIGE, qui n’est d’autre qu’un CENI restaurée version 1997. Or, tout le monde sait où cela nous a conduits : fiasco électoral.

Il s’agit par ailleurs d’une remise en cause de l’un des engagements de la Transition à savoir : mettre en place un organe unique et indépendant de gestion des élections conformément aux vœux de l’ensemble de la classe politique. Mais si la remise en cause de l’organe unique auparavant validée par le CNT est faite pour les besoins de la cause, cela est tout une autre histoire dont les Maliens sauront tirer les leçons.   

PAR ABDOULAYE OUATTARA

Source : Info-Matin

Suivez-nous sur Facebook pour ne rien rater de l'actualité malienne
Ecoutez les radios du Mali sur vos mobiles et tablettes
ORTM en direct Finance