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Afin de minimiser des abus dans la délivrance des mandats de dépôt : Le président du Rddh propose d’apporter des changements dans les attributions du parquet

Suite à l’interpellation et l’incarcération du secrétaire général du Synabef et différentes tractations qui ont conduit à sa libération, le président du Réseau des défenseurs des droits humains (Rddh), Souleymane Camara, a rendu publique une réflexion sur la situation de l’état de droit et de l’indépendance de la justice au Mali.

Selon lui, l’état de droit suppose le règne du droit. Ainsi, dans un état de droit, les particuliers ainsi que l’État et ses démembrements sont soumis à la loi, expression de la volonté générale. Aussi, dans un état de droit, les infractions sont préalablement définies pour éviter l’arbitraire, l’injustice et même l’impunité. A ses dires, les manquements à la loi ou le non-respect des règles de droit sont généralement sanctionnés devant des juridictions compétentes. Cependant, dit-il, l’état de droit devient une illusion sans une justice indépendante.

Indépendance de la justice, corollaire de l’état de droit

Pour le défenseur des droits humains, une justice indépendante constitue le socle de la démocratie, de l’unité nationale, de la paix et de la cohésion sociale. Elle est le baromètre qui régule les interactions dans la société et assure le progrès social. Et d’ajouter que la bonne gouvernance ne peut prospérer sans l’état de droit et sans une réelle indépendance de la justice. Car, le respect de l’état de droit et de l’indépendance de la justice est un devoir pour tout citoyen quel que soit son rang social. “Au Mali, où en est-on avec l’état de droit et l’indépendance de la justice ? Quelles stratégies devrions-nous mettre en place pour bâtir un état fort et moderne ?”, s’est-il interrogé.

A l’en croire, l’état de droit n’est pas effectif au Mali, car c’est le principe même du respect de la loi fondamentale du Mali qui a été remis en cause par des coups d’état. Et de poursuivre que la mauvaise gouvernance et les conflits sociaux très aiguës sont avancés pour justifier l’irruption de l’armée sur la scène politique. Or, dit-il, la démocratie a prévu de solides mécanismes de résolution des antagonismes sociaux dans le cadre de la loi. Et d’ajouter que le retour à l’ordre constitutionnel est un passage obligé pour bâtir un état de droit et assurer l’indépendance de la justice.

Au Mali, l’ineffectivité de l’état de droit découle aussi de plusieurs autres facteurs parce que des pans entiers de la population malienne n’ont pas accès aux services de la justice.  De l’analyse du défenseur des droits humains, des réformes judiciaires sont aussi nécessaires pour apporter des changements notamment sur les attributions du parquet afin de minimiser des abus dans la délivrance des mandats de dépôt.

Selon lui, il faudra apporter aussi des solutions idoines à la mauvaise interprétation de l’indépendance de la justice ou des juges s’absentent et ne respectent pas les horaires de travail au motif qu’ils sont indépendants, préjudiciable à l’efficacité du service public de la justice et au-delà affecte le droit des citoyens.

Pour lui, la carence dans la répartition de la carte judiciaire du pays, due aux manques de moyens humains et financiers mais surtout de la volonté politique, amène beaucoup de citoyens à se tourner vers des mécanismes traditionnels de résolution des différends. “Cette non présence de l’état sur toute l’étendue du territoire national constitue une brèche exploitée aujourd’hui par des groupes d’obédience djihadiste”, a fait remarquer M. Camara. Il ajoutera qu’il importe aussi de souligner que de nombreux Maliens ne font pas confiance en la justice de leur pays pour des raisons diverses liées le plus souvent à l’incompréhension du fonctionnement de la justice, à l’extrême lenteur du système judiciaire mais aussi aux difficultés d’accès au service de la justice. A cela s’ajoute des pressions sociales et des trafics d’influence avérés. A ce jour, il précisera qu’il n’existe pas de mécanismes solides et fiables pour signaler et même combattre les éventuels abus et corruption au niveau de la justice. D’où l’impérieuse nécessité de mettre rapidement en place la loi organique tant attendue qui donne la possibilité au justiciable de saisir le Conseil supérieur de la magistrature.

En définitive, indique-t-il, l’état de droit suppose que nul ne peut se soustraire à la connaissance de la loi, que nul n’est au-dessus de la loi et que la justice est rendue par des instances indépendantes.

Le juge n’est soumis qu’à la seule autorité de la loi

Selon M. Camara, l’indépendance de la justice suppose que les juges ne sont soumis qu’à la seule autorité de la loi dans l’exercice de leurs fonctions et que le principe de la séparation des pouvoirs est réel.

Au Mali, mentionne-t-il, l’indépendance de la justice est sérieusement mise en jeu à cause de l’immixtion intempestive du pouvoir législatif mais surtout du pouvoir exécutif dans les prérogatives du pouvoir judiciaire.

Au niveau du pouvoir législatif, il poursuivra qu’il n’est pas très aisé d’obtenir la levée de l’immunité parlementaire d’un élu recherché par la justice. De même les lois d’amnistie sont discutables, car leur adoption donne des arguments fondés à ceux qui soutiennent la thèse de deux poids, deux mesures. Au niveau du pouvoir exécutif, il dira que nous avons malheureusement assisté à la libération ou à l’échange de plusieurs prisonniers djihadistes, par le pouvoir exécutif, qui étaient cependant entre les mains de la justice. “Le vote de la loi d’entente nationale que les défenseurs des droits de l’homme du Mali ont farouchement combattu, a constitué à la fois une entorse à l’état de droit et à l’indépendance de la justice malienne. Cette loi décriée est un véritable prime à l’impunité au Mali”, a-t-il déploré.

Au sujet du placement sous mandat de dépôt et de la libération du secrétaire général du Synabef, il évoqué que le droit de grève est illégalement utilisé comme moyens de pressions sur la justice. Et d’ajouter que la récente médiatisation de la poursuite et de la détention judiciaire d’une personne, libérée sous la pression des syndicats des banquiers et autres est inacceptable à tout point de vue. Dans le cas d’espèce, poursuit-il, ces syndicats devraient être dissouts pour non-respect du droit de grève assorti d’absence de préavis et pour leur attaque manifeste à l’autorité judiciaire. Aussi, dit-il, ils devraient être poursuivis et sanctionnés pour grèves illégales ayant causé des dommages aux clients ou aux consommateurs. Car, les clients de ces banques devraient voir, sur décision de justice, leurs comptes bancaires crédités à cause des préjudices subis par cette grève illégale. Ainsi, l’Etat et la Banque centrale devraient appliquer des amendes ainsi que des sanctions prévues.

Stratégies pour assurer la continuité du service public

“Nous avons également recensé les mêmes pressions exercées par les syndicats des médecins, des groupes religieux ou d’autres groupes sociaux lorsqu’un de leurs est interpellé au niveau de la justice. Ce sont des pressions qui entament très sérieusement l’indépendance de la justice”, a mentionné le président du Rddh.

De son point de vue, l’état de droit et l’indépendance de la justice doivent pouvoir s’exercer dans un climat serein, sans exhibition de rapports de force, de pressions, de trafics d’influence ou d’immixtion.

Dans le contexte malien, ajoute-t-il, vu la possibilité ou la probabilité de grèves illégales ou illimitées ainsi que les failles ou les insuffisances constatées dans la législation sur le droit de grève, l’état se doit, à partir des expériences vécues, mettre en place des stratégies pour assurer la continuité du service public.

Le droit de grève est constitutionnel au Mali. Cependant la loi a prévu la rétention ou la réduction de payements en déduction des jours ou des mois de grèves. Mais cette rétention n’est généralement pas appliquée au Mali en violation de la loi. “Nous avons constaté que des mesures dites de services minimums en cas de grèves, même légales c’est à dire assorties de préavis sont insuffisantes pour faire face aux situations extrêmes”, a déploré M. Camara.

Dans le secteur de la santé, indique-t-il, des personnes ont perdu la vie faute de soins adéquats lors des grèves. Et de poursuivre que généralement les leaders syndicaux et les mis en cause ne sont pas poursuivis pour non-assistance à personne en danger. Ce qui est fort est déplorable.

Dans le secteur judiciaire, ajoute-t-il, nous avons assisté à la violation des droits de plusieurs citoyens et des détenus à cause des retards de jugements consécutifs aux longues grèves.

Recrutement massif de personnes qualifiées au compte du Mdac

Dans d’autres chapitres, dit-il, des groupes religieux se sont mobilisés comme groupes de pression devant le Camp 1 de la Gendarmerie à Bamako et devant la Brigade d’investigation judiciaire (BIJ) de Bamako lorsqu’un des leurs a été interpellé par la justice. Ce sont des pressions inacceptables qui sont susceptibles de déborder.

Pour pallier les longs arrêts de travail consécutifs aux grèves souvent imprévues et sans préavis, l’Etat malien doit pouvoir se donner les moyens pour réquisitionner le maximum de personnels et de matériel de travail pour assurer pleinement la continuité du service public.

Pour ce faire, la meilleure stratégie reste le recrutement massif de personnes qualifiées dans tous les secteurs de la vie sociale et leur placement sous le statut de personnels civil et militaire au compte du Ministère de la Défense et des Anciens Combattants. Cela aurait l’avantage de permettre la continuité du service public en toute circonstance. “En effet, ces personnels civil et militaire placés sous l’autorité du Ministère de la Défense et des Anciens Combattants peuvent revendiquer leurs droits sans passer par la grève”, a-t-il conclu.

Boubacar PAÏTAO

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