Deux cercles de la Région de Mopti sont en proie à une insécurité toujours grandissante. En effet, les deux ethnies majoritaires de cette partie du pays que sont les Dogons et les Peuls s’affrontent régulièrement. Et le plus souvent, il y a mort d’hommes de chaque côté. Vu l’urgence de résoudre cette crise, le ministère de la Réconciliation nationale et de la Cohésion sociale et la Mission d’appui à la réconciliation multiplient les médiations, rencontres et autres initiatives pour aplanir définitivement ces tensions ethniques.
La dernière tentative d’apaisement de la situation, initiée par le département en charge de la Réconciliation nationale, est une rencontre, tenue lundi à la Maison des aînés, avec les associations des ressortissants des deux communautés à Bamako, les élus nationaux et locaux et des personnes ressources.
L’événement a enregistré la participation du ministre de la Réconciliation nationale et de la Cohésion sociale, Mohamed El Moctar et de son collègue de la Sécurité et de la Protection civile, le général de brigade Salif Traoré.
Plus de deux cent personnes avaient répondu, en urgence, à cette convocation dont des anciens ministres, les présidents des associations Guina Dogon et Tabital Pulaaku.
Dans leurs exposés liminaires, les deux ministres ont rappelé la gravité de la situation, car on enregistre presque quotidiennement des pertes en vies humaines. Selon eux, toutes les informations provenant de la zone indiquent que «la solution se trouve à Bamako». Les deux membres du gouvernement ont aussi insisté auprès des participants pour qu’ils fassent des propositions concrètes afin de permettre au gouvernement d’agir très rapidement pour arrêter les affrontements.
Mohamed El Moctar a relèvé que notre culture, notre façon de faire et de voir les choses peuvent nous permettre de sortir de cette situation. Il a rappelé que ce genre d’affrontements opposant des ethnies n’était pas connu chez nous, tant notre ressort culturel était fort.
Quant à son collègue en charge de la Sécurité, il a souligné que le gouvernement dispose d’un plan de sécurisation intégré sur l’ensemble du territoire national qui se met en place progressivement. Néanmoins, a-t-il ajouté, les forces de sécurité ne peuvent pas être partout en même temps. Selon lui, le problème n’est pas nouveau, et de précédents gouvernements ont eu à le gérer. Par ailleurs, le général Salif Traoré pense qu’une grande partie de la solution existe en nous-mêmes, c’est-à-dire au sein de la population et l’apport des leaders d’opinion qui résident à Bamako peut être très déterminant dans la résolution de cette crise.
Pour le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, au moment où notre pays fait face aux défis du terrorisme, il est inconcevable que nos populations continuent de se tirer dessus. «Pourtant, des échéances électorales importantes profilent à l’horizon. Il nous faut donc trouver une issue durable à la question afin de nous permettre de faire face aux défis réels de développement», a lancé le ministre Traoré.
Le président par intérim de l’Association des ressortissants de Koro et président de Guina Dogon, Mamadou Togo, a introduit ses propos par des questionnements. Pourquoi autant de problèmes entre deux ethnies qui ont toujours vécu ensemble depuis des millénaires ? Pourquoi les gens s’entretuent ? Pourquoi veut-on affamer les gens ?
Pour lui, la solution se trouve dans la réponse à ces interrogations. Le président de Guina Dogon estime qu’on ne doit pas désarmer les chasseurs qui possèdent des armes de faible puissance. Il faudrait plutôt désarmer ceux qui détiennent des armes de guerre, notamment les terroristes.
Le 2è vice-président de Tabital Pulaaku, Abdoulaye Sidi Dicko, estime qu’il y a quatre types d’insécurité qui sont alimentés par les islamistes, les bandits armés, les règlements de compte et les querelles entre Peuls et Dogons. C’est ce conflit ethnique qui dégénère dans la zone de Mondoro, a-t-il dit.
M. Dicko a rappelé qu’en 1998, une commission d’intermédiation de l’Assemblée nationale s’était saisie d’un problème similaire dans la même zone. Des résultats très importants, à la satisfaction des communautés, avaient été enregistrés et finalement la crise était passée.
Le représentant de l’association des Peuls pense qu’il faut essayer à nouveau cette piste. Cette commission pourra être constituée au sein de la représentation nationale et comprendre des leaders d’opinion et d’autres personnalités influentes. Elle prendrait le temps nécessaire pour identifier les vrais acteurs de la crise afin de les raisonner.
De nos jours, il est difficile de parler dans la zone concernée car les malfaiteurs ont infiltré les villages, voire les familles. Mais en attendant, un minimum de présence de l’Etat est nécessaire dans la zone.
Le colonel à la retraite et ancien ministre, Issa Ongoïba, a rappelé un autre travail de médiation et d’enquête qui avait été fait en 2013. Les rapports furent déposés sur la table du ministre de la Sécurité d’alors, mais sont restés sans suite.
Le député Hamadou Niangaly, élu à Koro, a témoigné parce qu’il vit au quotidien ces affrontements et autres difficultés de la zone. «L’urgence et la gravité du problème ne donnent pas de temps à la réflexion et au débat. Chaque heure qui passe, on perd des vies humaines. Ce qui se passe à Koro est très grave parce que tout le monde est armé». Pour lui, l’unique solution, c’est d’envoyer l’Armée le plus tôt possible afin de désarmer tout le monde. Sinon, on ne pourrait plus compter les victimes.
Mohamed El Moctar a rappelé que son département, à travers la Mission nationale d’appui à la réconciliation (MARN), cherche à réconcilier. C’est pourquoi un petit comité sera mis en place, dans les jours à venir, sous l’autorité de Modibo Kadjoké, le chef de la MARN, pour diligenter une solution afin que cessent les tueries. Le général de brigade Salif Traoré abondera dans le même sens. Pour lui, l’intervention des forces de sécurité et de défense dans ce genre d’affrontement est la dernière des solutions à envisager.
Youssouf DOUMBIA
Source: Essor