S’il y a de nos jours un scandale financier au parfum de corruption qui défraie la chronique, c’est sans nul doute l’affaire des 30 tricycles médicalisés remis récemment par le président de la République à Zantièbougou lors de sa visite en 3ème région. Ces engins sanitaires acquis par le ministère de l’Equipement et du désenclavement et destinés au transport des femmes enceintes, sont, selon nos sources, tout sauf des ambulances. Mais des mouroirs ambulants. Pour cause, non seulement ces tricycles ne correspondent pas aux exigences sanitaires et mécaniques requises, mais aussi le conducteur doit se frayer un chemin derrière une bâche et non un pare-brise.
Ce n’est pas que nous n’avons pas eu ce marché des 30 tricycles qui nous pousse à demander leur retrait. Que non ! Mais nous avons, tout comme le président de la République, le souci de la santé des populations car en tant que spécialiste et distributeur exclusif en Afrique de l’ouest et dans des pays d’Afrique centrale de ces tricycles, nous pensons que ces ambulances ne doivent pas être conçues par un profane, voire un bricoleur, mais par des professionnels qui ont une expertise en la matière”. C’est par ces propos que les responsables du Groupe Togola, spécialistes dans la vente des tricycles médicalisés, ont introduit leurs propos face aux journalistes.
De quoi s’agit-il ? Selon les conférenciers, leur société a postulé pour un marché de 30 tricycles médicalisés au niveau du ministère de l’Equipement et du désenclavement, tout comme une société sortie du nulle part du nom de Emadis. Cependant, après dépouillement des plis, le marché a été attribué à Emadis pour un montant de 119 millions Fcfa (le Groupe Togola avait proposé 135 millions Fcfa). Jusque-là, pas de problème. C’est lors de la remise de ces tricycles par le président IBk à Zantièbougou aux Cscom bénéficiaires que le pot aux roses fut découvert.
Pour la simple raison que malgré un investissement de 119 millions Fcfa, ce sont des tricycles utilisés au grand marché, communément appelé Katakani, de marque Apsonic, qui ne coûtent que 500 à 600 000 Fcfa qui ont été livrés. Ce, après une touche avec une bâche artisanale pour la couverture et un gyrophare.
Un détail important qui aurait été caché au président de la République, selon les conférenciers. C’est que beaucoup de matériels inscrits dans le dossier d’appel d’offres, à savoir valise de réanimation, aspirateur manuel, tire-langue, bouteille d’oxygène avec manomètre rechargeable, etc. n’ont pas été fournis par la société Emadis. Ce n’est pas tout. Il était exigé que le brancard soit escamotable et que la cabine soit protégée par un pare-brise. Ce qui n’a pas été le cas. Ne manquant pas d’imagination au détriment des malades, la société Emadis, au lieu des pare-brises vitrés, a conçu des pare-brises avec des bâches transparents. Toute chose qui va pousser le conducteur de ces engins à se frayer un chemin derrière une bâche, une manœuvre qui va se révéler dangereuse.
“Contrairement à la société Emadis, nos tricycles sont de marque Dutch health Bv fabriqués avec les technologies hollandaises et allemandes. Ces produits certifiés Iso 9001 sont homologués par l’Organisation mondiale de la santé. C’est pourquoi nous avons eu au Mali la confiance du ministère de la Santé et de l’hygiène publique et de beaucoup d’Ong et organismes comme Save the Children, Unfpa, Oms, Unicef). En plus de cela, nous mettons à niveau gratuitement les conducteurs, comme ce fut le cas avec la Direction régionale de la Santé de Kayes et bien d’autres clients” a souligné le conférencier.
Les questions que les conférenciers ne cessent de se poser sont : qui protège donc la société Emadis ? la ministre Seynabou Diop était-elle au courant de ces bricolages avant livraison ? Des interrogations qui mériteraient forcément des éclaircissements.
1000 tricycles livrés au Mozambique, 200 au Sénégal et bientôt une usine
En plus du marché malien, le patron du Groupe Togola d’ajouter que leur société a une bonne réputation dans les pays de la sous-région et en Afrique centrale. Ainsi, la société a-t-elle vendu récemment 200 tricycles au Sénégal, 27 au Niger, 1000 au Mozambique. Des ventes ont été aussi faites au Cameroun et en Guinée Bissau. Sans oublier des donations gratuites à la protection civile. Un détail important, c’est qu’il y a moins de deux mois, le Groupe Togola a eu un agrément ministériel pour la construction d’une usine de montage de ces tricycles médicalisés dans notre pays. D’un coût de 6 milliards de Fcfa, ce sont des centaines d’emplois qui seront crées à travers cette unité industrielle. Aussi c’est désormais à partir du Mali que le marché africain sera fourni.
En tout cas, au Groupe Togola, on estime que le président IBK qui a souci du bien-être des Maliens en général et de leur santé en particulier a été induit en erreur avec la remise d’engins peu recommandables. “Ils ont induit le président IBK en lui faisant remettre des matériels non certifiés” soutiennent-ils.
C’est pourquoi, les conférenciers ont invité la ministre Traoré Seynabou Diop a retiré immédiatement de la circulation ses “mouroirs ambulants” pour désigner ces tricycles qui ne feront que mettre en danger la vie des patients déjà fragilisée par la maladie.
Kassoum THERA
Source: Aujourd`hui Mali