De plus en plus Michel Tomi, sulfureux « homme d’affaires » corse, apparait comme l’homme orchestre de l’opération qui a conduit à l’achat de l’avion de commandement d’IBK. Comment Tomi est-il intervenu? Comment ce personnage peu recommandable a pu s’immiscer dans les affaires (ultra sensibles) de l’Etat malien ? A quelle fin Tomi, en quelques mois, a réussi à être l’un des acteurs (sinon le principal) de deux juteux marchés pilotés par la présidence de la République?
Le montage du dossier de l’achat et de l’immatriculation de l’avion d’IBK serait l’œuvre de personnalités télécommandées par Tomi. Parmi ces gens, il y a des ministres et des conseillers du président IBK. C’est en partie ce qu’a révélé Soumeylou Boubèye Maïga, ministre de la Défense au moment des faits. Ce dernier a fait savoir au Vérificateur général que le ministre de l’Industrie et de la promotion des investissements, Moustapha Ben Barka, était le négociateur principal pour l’achat dudit avion.
Tout indique que l’opération a été savamment organisée pour dévaliser l’Etat à travers ce marché. Le bureau du vérificateur est en tout cas clair: un mandat de recherche exclusif a été signé, le 22 décembre 2013, en faveur d’un conseiller du gouvernement pour effectuer des recherches et acheter un avion. Rien que pour ce poste, les frais de recherche ont coûté au contribuable malien 145. 350. 000 francs CFA.
Le gouvernement a déniché ce conseiller qui n’est autre que la société Sky Color. Indice de taille, cette société est immatriculée à Hong-Kong avec un numéro de téléphone mobile du Gabon, le fief de l’homme d’affaires corse Tomi. Pour « ses bons services », Sky Color a touché des honoraires s’élevant à un milliard 28 millions de francs CFA.
Autre coïncidence troublante, le représentant de Sky Color est un certain Marc Gaffajoli, qui se trouve aussi être l’administrateur de la compagnie d’aviation Afrijet. Et tout le monde sait que cette compagnie d’aviation appartient à Tomi. Malheureusement, ce Corse est considéré comme un délinquant financier notoire, et il fait l’objet d’une enquête judiciaire en France pour blanchiment et corruption d’agent public étranger.
Ile d’Aruba et pratiques mafieuses
Février 2014, la société Akira Investments Limited immatriculée aux Îles Vierges britanniques (petites Antilles) a établi avec le Mali un contrat de cession-acquisition d’un Boeing 737. Le lien entre les paradis fiscaux et l’achat controversé de l’avion de commandement d’IBK devient alors évident. Les signataires étaient le ministre de la Défense d’alors et Marc Gaffajoli de Sky Color, agissant curieusement en lieu et place d’Akira Investments Ltd.
La question est de savoir pourquoi Akira Investments n’a été représentée que par un homme de main de Tomi. Sur la foi d’une déclaration de Boubèye, le rapport du vérificateur donne une réponse. Selon l’ancien patron de la Défense, Akira Investments est une société-écran créée pour l’opération d’acquisition du Boeing présidentiel.
Plus grave, Boubèye a affirmé au BVG que l’avion en question n’est pas en réalité une propriété du Mali, même si les décaissements effectués par les autorités s’élèvent à 19 milliards de nos francs. En effet, le Boeing 737 a été immatriculé au nom de la société «Mali BBJ Limited » sur le registre de l’aviation civile de l’île d’Aruba, dans les Antilles néerlandaises, au large du Venezuela. Hors, cette société a été constituée le 7 mars 2014 à Anguilla (un territoire britannique d’outre mer situé dans les petites Antilles).
Pour l’exploitation du Boeing, le Gouvernement d’Aruba a attribué une licence radio avec des fréquences à une société dénommée «Jet Magic Limited» située à St-Julian, sur l’île de Malte en Europe. Et en vue de l’utilisation de l’avion par le président IBK, un contrat-bail a été signé entre le ministère de la Défense du Mali et « Mali BJJ Ltd », une société créée par le Gouvernement du Mali.
Pillé avec la bénédiction de Koulouba ?
Mais «Mali BJJ Ltd » échappe à toute transparence bien qu’étant une société créée par l’Etat malien. Les redevances générées par l’exploitation de l’avion devraient être payées au Mali, mais ce payement n’est pas certain, selon le Parena. «Nul ne sait si un franc a été versé au trésor au titre de la location de l’avion par le gouvernement malien ou par d’autres. Car Jet Magic loue l’avion à d’autres quand IBK ne l’utilise pas. Ainsi, le 737 malien a été aperçu récemment sur les aéroports d’Istanbul (Turquie) et de Dakar (Sénégal) », indique le Parena dans une déclaration.
A en croire l’ancien ministre de la Défense, entendu par les vérificateurs, l’avion présidentiel n’aurait coûté que 7 milliards 470 millions alors que le président avait déclaré qu’il avait coûté 17 milliards, tandis-que le Premier ministre avait solennellement affirmé devant l’Assemblée nationale que le Boeing 737 avait été acquis à 20 milliards. Par ailleurs, le ministre de l’Économie et des finances avait avancé le chiffre de 21 milliards.
Tomi a-t-il pillé les Maliens avec la bénédiction de Koulouba qui ne s’est pas encore prononcé sur cette affaire? Pour l’opposition, IBK doit pourtant parler, car «l’histoire du Boeing 737 malien n’est rien d’autre que l’histoire d’une » ingénierie » financière diabolique d’essence mafieuse mêlant sociétés-écrans et paradis fiscaux, le tout, au détriment du trésor et du contribuable maliens».
Soumaïla T. Diarra