Décidément, le ministre de l’Agriculture, Nango Dembélé est sérieusement mal en point. Il souffle le chaud et le froid. Coincé à l’hémicycle la semaine dernière, les députés ne lui ont fait aucun cadeau. Au regard de la dernière campagne agricole, jugée catastrophique, et à l’annonce de la nouvelle campagne, les députés ont voulu prendre les devants. Ils ont ainsi eu comme client Nango Dembélé, ministre de l’Agriculture de son état, passé depuis un certain temps maître dans l’art de tordre le cou aux chiffres et de conduire la République vers la famine.
Deux points étaient inscrits à l’ordre du jour de cette interpellation, à savoir la gestion des intrants agricoles et l’insécurité alimentaire.
Sur le premier sujet, le ministre a tenté tant bien que mal d’esquiver les questions des députés. Mais c’était sans compter avec leur détermination de savoir toute la vérité. Acculé dans son dernier retranchement, Nango Dembélé n’a su convaincre les élus de la nation de la robustesse et de l’efficacité du dispositif qu’il a mis en place pour sécuriser les cautions techniques et l’accès aux intrants. L’inquiétude des députés, et parfois ceux de son propre parti, le RPM, tournait autour de l’impact des efforts de l’Etat pour rendre les intrants agricoles accessibles avec une subvention conséquente par le budget national.
Ils ont rappelé aux ministres des cas avérés de fraudes et de détournements d’intrants à destination de certains pays voisins. Les cas des cercles de Kadiolo et de Niono la saison dernière font tâche d’huile. Nango estime que ce sont des cas isolés et que dans l’ensemble tout s’est bien déroulé. Une déclaration loin d’avoir convaincu les députés.
Sur le second sujet, Nango Dembélé a sué à grosse goutte. Ce malgré l’air conditionné dans l’hémicycle et malgré la note technique sous ses yeux. Il n’a eu aucune échappatoire, car la situation d’insécurité alimentaire qui sévit actuellement dans le pays est l’une des plus sévères depuis des décennies.
C’est cette dure réalité que les chiffres tronqués présentés au chef de l’Etat ne peuvent pas cacher. S’entêtant à croire que la campagne agricole était malgré tout bonne, le ministre bombardé de questions pertinentes finit par avouer l’existence de poches d’insécurité alimentaire très sérieuses.
Passé maître dans l’art d’esquiver les questions ou de tenter de faire diversion, Nango Dembélé s’est permis d’évoquer devant les élus de la nation un dispositif de sécurité alimentaire, dont il n’a aucune idée, eu égard à l’ampleur de la mauvaise récolte. Ce qu’il n’a pas dit aux députés, c’est que la situation est tellement alarmante que des interventions d’urgence ont eu lieu pour parer à un désastre humain. Pire, ce sont plus de 500 localités sur l’ensemble du territoire qui sont concernées par le phénomène. Et que pour l’une des rares fois, le nombre des populations en phase 3 et 4 a augmenté.
Enfin, il a manqué de dire aux élus que le budget pour reconstituer les différents stocks alimentaires n’est pas bouclé.
Il faut croire que cette journée interpellatrice fut l’une des plus longues de sa carrière et qu’elle a même failli réveiller en lui des veilles séquelles. Il a compris un petit tant soit peu qu’on ne gère pas un département aussi stratégique que l’agriculture en étant cloitré dans son fauteuil moelleux dans un bureau feutré à l’air conditionné ou encore avec du verbiage et des constructions de phrases. Les réalités du terrain finissent toujours par vous rattraper, car les faits sont têtus.
Hamadoun KARA
Azalaï-Express