« C’est une petite musique que l’on entend monter dans les tréfonds de l’opinion publique, s’exclame Sud-Ouest : que faisons-nous encore au Mali ? Et la question se fait plus pressante à chaque soldat ou groupe de soldats tués. La France découvre, ou redécouvre, une loi déjà expérimentée par les Américains en Afghanistan puis en Irak : sur un théâtre d’opérations militaires, qui tient plus de la guérilla que de la guerre traditionnelle, il est toujours plus facile d’arriver que de partir. »
Reste que « la France ne peut pas partir », poursuit Sud-Ouest. « Elle ne peut pas abandonner cette région et laisser s’instaurer un califat islamique, presque à nos portes. Emmanuel Macron, qui espérait annoncer aujourd’hui au sommet du G5 Sahel une amorce de retrait des troupes françaises, devrait se contenter de ramener leurs effectifs au niveau où ils se situaient il y a un an. »
Les renforts européens au compte-goutte…
« Et si la France quittait le Sahel… », lance en écho La Croix. En effet, pointe le quotidien catholique, « Paris, qui a déjà payé un lourd tribut avec la perte d’une cinquantaine d’hommes, s’interroge sur sa présence sur le terrain : malgré le renforcement militaire et certains succès tactiques revendiqués, la sécurité n’a pas été rétablie dans la zone. La France voudrait voir ses alliés assumer le relais militaire, mais aussi politique et diplomatique, pour réduire un engagement vieux de huit ans. »
Justement, « l’Europe peut-elle s’engager davantage ? », s’interroge Le Parisien. « Marginale au départ, la présence européenne monte lentement en puissance, pointe le journal. L’aspect le plus spectaculaire est la task force Takuba, des groupes de forces spéciales européennes vouées à accompagner au combat les militaires locaux. »
Toutefois, remarque Le Monde, « les éléments des forces spéciales estoniennes, tchèques ou suédoises arrivent au compte-gouttes. Ils sont actuellement environ 400, selon les chiffres officiels. »
On continue ?
Alors « partir, un peu, mais quand ? », se demande le quotidien du soir. « Différents scénarios sont sur la table, croit savoir Le Monde. Celui d’un retrait conséquent et rapide d’une partie des quelque 5 100 soldats français déployés au Sahel pourrait satisfaire une partie des opinions publiques françaises et africaines, de plus en plus rétives à l’engagement prolongé de l’opération Barkhane. Mais il pourrait apparaître comme un lâchage en rase campagne d’États sahéliens encore fragiles. L’hypothèse d’un retrait a minima, notamment des quelque 600 soldats envoyés en renfort il y a un an, est envisageable, relève encore Le Monde. Cela transmettrait un signal politique, mais sans changer fondamentalement la donne. »
Et puis dernière option, pointe Le Monde : on continue… « Face à l’accélération du calendrier, un certain nombre d’acteurs, notamment parlementaires, défendent la nécessité de poursuivre l’opération Barkhane. « Ce n’est pas le moment de dire ‘on s’en va’ », plaidait récemment Hélène Conway-Mouret, l’actuelle sénatrice des Français de l’étranger. « Cela risque de laisser croire que l’on a fait huit ans de présence pour rien du tout », ajoutait-elle, tout en relevant la difficulté de parvenir à mobiliser les États sahéliens » sans leur laisser croire que tout est acquis ». »
En tout cas, souligne Le Figaro, « à Ndjamena, la France et ses partenaires devraient réaffirmer le rejet de toutes négociations avec les jihadistes. « Les chefs jihadistes ne sont pas solubles dans une solution politique », martèle-t-on à l’Élysée. Une position partagée officiellement par les présidents sahéliens, reçus un à un ces dernières semaines à l’Élysée. Mais l’unanimité n’est pas si complète. » En effet, « Ouagadougou comme Bamako ne voient pas d’autres solutions, pointe Le Figaro, alors que l’issue politique reste introuvable. »
Accentuer l’effort de développement…
Enfin, variable importante dans cette équation sahélienne : le développement… « Mardi, rappelle Libération, le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian a expliqué devant les sénateurs que le sommet de Ndjamena sera aussi l’occasion d’un « sursaut diplomatique, politique, et de développement ». La stabilisation de la région en dépend, a rappelé le ministre. Au Mali, fin 2020, seuls 9% des administrateurs civils étaient déployés dans le nord et le centre du pays, relève Libération. Trois ans auparavant, la France avait créé un fonds spécial dédié aux projets dans les zones les plus touchées par l’insécurité – et donc habituellement les moins accessibles pour les acteurs du développement –, misant sur un effet d’entraînement auprès des bailleurs internationaux. L’effort reste balbutiant, déplore le journal. Alors que l’opération Barkhane coûte 900 millions d’euros chaque année, la France dépense dix fois moins en aide publique au développement au Sahel »
Frédéric Couteau
Source : RFI