16 mai 1977-16 mai 2019. Il y a 42 ans jour pour jour que le premier président de la République du Mali disparaissait physiquement dans des conditions les plus atroces.
Nous nous proposons ce rétrospective sur l’assassinat de l’homme qui à jamais demeurera un exemple de patriote sincère, une inspiration et une lumière pour les générations d’aujourd’hui et de demain.
Le 16mai 1977, le président Modibo Kéïta mourrait dans des conditions inhumaines à l’hôpital Gabriel Touré, mais son décès n’était pas naturel.
Le président Kéïta avait été empoisonné.
En ce lundi 16 mai 1977, Modibo Kéita était transporté à l’hôpital du Point G., pris de violents malaises.
Le soldat qui le gardait, se précipitant pour demander de l’aide, s’est vu interdire tout déplacement.
Peu après, un communiqué de Radio Mali, annonçait la mort de Modibo Kéïta, « instituteur à la retraite ».
Cet « instituteur à la retraite », c’était le Premier président de la République du Mali.
Renversé par un coup d’Etat militaire dirigé par un lieutenant anonyme le 19 novembre 1968, il était détenu depuis cette date, sans jugement, en contradiction flagrante avec les déclarations des nouveaux dirigeants qui ont ainsi fait la démonstration qu’ils étaient peu soucieux de l’honneur et de la fierté de la parole donnée.
Quelle interprétation donner à l’absence de toute annonce officielle de la disparition subite du Premier Président de la République du Mali ?
Espérait-on que son « décès » aurait pu passer inaperçu ?
La tentative peu reluisante, traduisait pour l’essentiel, le désarroi d’une équipe déconsidérée.
Ainsi, la première tentative d’explication de la mort de Modibo donnée pour cause « d’intoxication alimentaire », a vite été remplacée par un « oedème pulmonaire ».
Cependant, l’autopsie demandée par la famille a été refusée.
Chacun savait dès lors que Modibo Kéïta avait été empoisonné.
Le jeudi 19 mai 1977, date des obsèques, les écoles et les lycées étaient gardés mais les élèves étaient dans la rue. Tous voulaient emmener le corps de Modibo pour le rendre au Comité Militaire : « leur rendre leur mort ».
Les élèves et étudiants étaient venus dans la famille de Modibo, et avaient pris son corps étendu par terre, car « Modibo valait plus que cela ».
Ils avaient cassé le cercueil et déchiré le linceul pour voir son corps.
Les élèves ont ensuite transporté le corps du Président assassiné, jusqu’au cimetière de Hamdallaye, puis effectué l’enterrement.
Pourquoi GMT avait-il mis à mort Modibo Kéïta ?
Pour sauvegarder un pouvoir menacé. Car le 9 mai 1977 s’était déroulée à Bamako, une manifestation des élèves et étudiants faisant suite à la grève scolaire du 17 avril de la même année. Grève au cours de laquelle, les manifestants réclamaient le retour au pouvoir de Modibo Kéïta dont ils clamaient le nom.
Modibo Kéïta, même en prison, était devenu encombrant et sa vie, une menace pour le régime militaire.
Cette manifestation réprimée, avait été marquée par des dizaines de blessés graves, des arrestations et des tortures avant que, quelques semaines plus tard, Moussa Traoré ne mît fin aux jours de Modibo Kéïta, de la manière la plus cynique.
Par l’assassinat de Modibo Kéïta, Moussa Traoré et ses valets venaient de liquider un espoir : l’homme qui a consacré sa vie à l’indépendance de sa patrie, à la grandeur et la dignité de son peuple, sans jamais se renier.
Moussa Traoré a aussi mis fin, par le meurtre de Modibo Kéïta, à une histoire d’une grande foi et d’un profond attachement réciproque, nourris comme dans un pacte de sang, par une fidélité émouvante entre les jeunes et celui qui reste à jamais le père de la jeunesse malienne.
Cette confiance que le Président de la première République du Mali mettait en la jeunesse, prenait racine dans son expérience d’ancien leader de mouvement socio-culturel de jeunesse au Soudan Français (le Mali).
En effet, Modibo Kéita considérait la jeunesse comme « une période de la vie où l’homme est naturellement capable de grande générosité, naturellement ouvert aux idéaux de justice et d’égalité, bref, réceptif et sensible aux grandes valeurs morales, civiques et humanitaires. C’est plus que jamais l’âge de l’aptitude à les appliquer avec rigueur ».
Ainsi, considérait-il que la « jeunesse est une source permanente de renouveau de la société qu’il faut protéger de toute pollution et dont il faut soigner l’environnement ».
D’ailleurs pendant ses dernières heures en tant que Président de la République, alors qu’il était à bord du bateau Général A. Soumaré, et sachant qu’un groupe de militaires parjures avait pris le pouvoir, Modibo Kéïta avait continué son voyage jusqu’au port de Koulikoro car il avait encore quelque chose à dire au « peuple malien et sa jeunesse ».
A Koulikoro les militaires n’avaient pas oser venir l’arrêter ; les jeunes étaient au rendez-vous.
Modibo Kéïta avait déclaré à la jeunesse : « Le Mali, ce n’est plus nous, ce n’est pas non plus ceux qui ont pris le pouvoir aujourd’hui. Le Mali, c’est vous ! ».
26 Mars 1991 aura vu la prophétie concrétisée.
La jeunesse malienne, principalement celle née en 1968, a bravé chars de combat, mitraillettes et grenades pour faire le nouveau Mali auquel faisait référence le Président Modibo Kéïta.
Boubacar Sankaré
Le 26 Mars