COUP DE CŒUR – Ce mercredi est sorti en salles le magnifique “Timbuktu” d’Abderrahmane Sissako. Injustement boudé au dernier festival de Cannes, où il concourrait pour la Palme d’Or, ce drame onirique est un cri de rage contre l’obscurantisme. Voici quatre bonnes raisons de le découvrir !
Pour sa réalité brûlante
Timbuktu est inspiré d’un sordide fait divers qui a marqué au fer rouge Abderrahmane Sissako. En juillet 2012, ce dernier a en effet été choqué par le désintérêt des médias pour la mort d’un jeune couple à Aguelhok, au Mali. Les deux disparus, placés dans deux trous, ont été lapidés sur la place publique pour avoir eu des enfants hors mariage. C’est ainsi que le réalisateur de Bamako a pris sa caméra en signe de protestation. “J’essaie de raconter des histoires qui me semblent essentielles”, nous avait-il confié à Cannes en mai dernier.
Pour sa galerie de personnages
A travers le parcours de personnages passionnants, ce drame inoubliable nous ouvre, comme son titre l’indique, les portes de Tombouctou, une ville tenue d’une main de fer par des djihadistes belliqueux. Soit autant d’hommes tenant en joug des habitants apeurés ou stoïques, obligés de raser les murs telles des ombres errantes. Parmi eux : Kidane, un père de famille ayant accidentellement tué un pêcheur, Zabou, une folle peu impressionnable et une chanteuse à la voix d’espoir.
Pour son regard cru et poétique
Là où beaucoup d’autres metteurs en scène auraient joué la carte du sensationnalisme, Sissako aborde son récit brûlant d’actualité avec une distance salutaire. Et met en lumière de façon éthérée l’opposition entre deux Islam : celui de la tolérance contre celui de la violence perpétrée au nom d’Allah. La force du film réside justement dans le contraste entre la cruauté des situations et la vénusté des visages et des panoramas. Un antagonisme qui donne naissance à des moments de pure poésie où se confondent le beau et l’absurde, la haine et l’amour, l’espoir et le désespoir.
Pour réhabiliter le palmarès cannois
A l’issue de sa projection à Cannes en compétition officielle, beaucoup de cinéphiles et de journalistes voyaient déjà Timbuktu figurer dans le palmarès du jury présidé par Jane Campion. Mais lors de la remise des prix, c’est la douche froide. Difficile de comprendre qu’une œuvre aussi maîtrisée, portant la patte d’un vrai auteur et racontant notre présent avec une rare subtilité, soit repartie bredouille. La meilleure compensation ? Courir découvrir ce joyau et lui octroyer votre Palme du Cœur.