Depuis son départ du gouvernement, l’ancien ministre de l’Emploi et de la formation professionnelle Maouloud Ben Khatra est de moins en moins présent dans les medias. Loin des caméras et des micros des journalistes, l’ancien syndicaliste se prépare une nouvelle vie d’homme politique.
Défenseur inconditionnel du Président Ibrahim Boubacar Keita, Maouloud Ben Khatra sillonne désormais le Mali et prépare son grand retour politique courant 2019. En exclusivité, il a rencontré Nord Sud journal pour discuter de ses futurs projets et de ce qu’il compte entreprendre en tant que membre de la majorité présidentielle.
Nord sud journal : Que faites-vous depuis que vous avez quitté le gouvernement ?
Maouloud Ben Khatra : Je suis dans une dynamique constante de soutien au Président de la République, à son Premier ministre, à son gouvernement et à son programme, pour lequel il a été réélu. J’ai dit et je le répète, Ben Khatra, ministre ou pas, continue à soutenir le Président de la République. Après l’élection, ce soutien ne doit plus se manifester à travers des clubs ou associations, mais plutôt en tant qu’acteur politique dans les futures échéances. Je suis de la majorité présidentielle, mais je ne suis pas dans la majorité présidentielle. En clair, je me bats pour IBK en tant qu’institution, mais je ne me bats pas pour IBK en tant que personne. Le Président IBK a un vaste programme de réformes politiques et institutionnelles et c’est à nous, en tant que membres de la majorité présidentielle, d’aller expliquer aux Maliens le bien-fondé de ces réformes, qui tirent leur essence de l’application de l’Accord de paix. Il y aura un referendum, des élections législatives, sénatoriales, régionales… et il n’y a pas mieux à faire que de soutenir les actions du Président en tant que parti politique.
Avez-vous entrepris des démarches pour la création d’un parti ?
Oui. J’ai déjà discuté avec mes associations et clubs de soutien à Kayes, Bafoulabé, Koulikoro, Mopti, Ségou, Tombouctou, Taoudéni, toutes les communes de Bamako et nous allons bientôt à Gao, Kidal et Ménaka. Le nom du parti, dont nous attendons le récépissé dans les jours à venir, et que nous comptons proposer aux militants lors du prochain Congrès constitutif, est Parti Malien pour la Démocratie Sociale (PMDS). Le Congrès aura lieu au cours du premier semestre 2019. Ce ne sera pas un parti qui va se dresser contre une opposition ou une majorité, mais plutôt un parti qui va apporter sa contribution au développement économique, social et culturel du pays. Il va œuvrer pour la mise en œuvre du programme du Président de la République, Ibrahim Boubacar Keita.
« Mon engagement pour le Président IBK ne doit souffrir d’aucun doute »
Au mois de septembre dernier, beaucoup étaient surpris de voir que vous n’étiez pas reconduit au gouvernement…
Je n’entre pas dans la spéculation. J’en ai remplacé certains et d’autres m’ont remplacé. J’étais préparé à cela. Ainsi va la vie. Mon engagement pour le Président IBK ne doit souffrir d’aucun doute. Mon combat pour le Mali et pour IBK continue et je serai constant dans mes choix et prises de positions. Je ne suis pas de ceux qui pensent qu’une fois qu’on quitte le gouvernement on peut se permettre de manquer de respect à ceux qui, à un moment donné, vous ont confié des responsabilités. Au contraire, il ne faut jamais arrêter de remercier ceux qui vous ont donné l’opportunité de servir le Mali !
Certains expliquent votre départ du gouvernement par le fait que vous ne voyiez pas les choses de la même façon que le Premier ministre, Soumeylou Boubeye Maiga ?
Rires ! Le Premier ministre est un bon Béro (Grand frère en langue Songhay). J’ai travaillé avec lui lorsqu’il était syndicaliste. Nous avons de très bons rapports, j’insiste là-dessus, aux plans politique, social ou communautaire. J’ai beaucoup d’estime pour lui. C’est un homme d’État. Je ne ferai pas d’autres commentaires sur les opinions des uns et des autres pour ne pas me mettre en déphasage avec moi même ou avec mon Béro.
L’opposition critique vivement le report des législatives et a organisé des marches. Quel est votre point de vue à ce sujet ?
Je dis qu’il faut soutenir le soldat IBK, qu’elle ne reconnait pas. Je suis IBK, mais je respecte l’opposition, qui fait son travail.
Ces derniers jours, vous faites objet de critiques dans la presse. Vos détracteurs vous accusent de vouloir diviser l’UNTM…
Rires ! Ces gens ne me connaissent pas. Je fais du syndicalisme depuis 33 ans, dont 10 dans la zone inondée de Mopti et le reste à Bamako, plus précisément en Commune I du district. J’ai toujours milité au sein du Syndicat National de l’Éducation et de la Culture (SNEC), de la base au sommet. Je n’ai jamais été pressé de gravir les échelons. Je n’ai jamais cumulé une fonction d’administrateur avec celle de syndicaliste, pour ne pas compromettre l’intérêt des enseignants. C’est vérifiable à travers tous mon cursus. J’ai été tenté dans mon combat syndical, par certains dont je tais les noms, à plusieurs occasions, de diviser le syndicat, mais je ne l’ai jamais fait, compte tenu de mes convictions. Lorsqu’il y a eu le multipartisme au Mali, certains voulaient aller au multi syndicalisme. Je me suis toujours opposé à cette idée. Pour moi, le seul syndicat qui doit exister pour les enseignants est le SNEC et la seule centrale est l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM).
On vous accuse d’avoir retourné votre veste contre les syndicalistes lorsque vous étiez au gouvernement ?
Je n’étais pas dans un contexte de négociation de l’UNTM face au gouvernement et donc on ne peut pas m’accuser d’avoir abandonné les revendications des travailleurs pour me ranger du côté du gouvernement.
« C’est d’ailleurs avec moi que le syndicat a négocié les 20% d’augmentation des salaires, l’augmentation du Smig et des allocations familiales et la baisse de l’ITS. »
Lorsque j’étais ministre, dans mon département j’avais mis en place un cadre de dialogue social au niveau de mes services et au niveau central pour contenir et anticiper les revendications des partenaires sociaux. Retourner ma veste contre les syndicats et les syndicalistes aurait été me renier. C’est d’ailleurs avec moi que le syndicat a négocié les 20% d’augmentation des salaires, l’augmentation du Smig et des allocations familiales et la baisse de l’ITS.
Certains ont affirmé que vous tiriez les ficelles pour déstabiliser le Secrétaire général l’UNTM, Yacouba Katilé ?
J’étais le Secrétaire général adjoint de l’UNTM, c’est-à-dire l’adjoint de Katilé. J’ai été sincère, honnête, avec lui et je l’ai respecté jusqu’au jour où j’ai quitté le syndicalisme pour le gouvernement. Vous savez, j’étais candidat au poste du Secrétaire général après le départ de Issiaka Diakité, mais Yacouba Katilé a gagné démocratiquement. J’ai accepté me retirer car il était en bonne position pour être élu et je n’ai pas voulu créer une division au sein de la centrale syndicale. Si j’avais voulu le déstabiliser, j’allais commencer à ce moment-là. Il y a une fin à tout. Après 33 ans de militantisme syndical, j’ai quitté le syndicat pour une autre vie, celle de la politique.
Vous avez passé dix ans dans la zone inondée de Mopti, en guerre communautaire aujourd’hui. Quelle est la solution, selon vous ?
Je voudrais témoigner ici des liens séculaires, communautaires, religieux, culturels, sociaux, qui ont toujours fait la beauté de cette belle région, qui regorge de potentialités agricoles, pastorales et aquatiques. Ce sont ces différentes activités et richesses de cette région qui constituent le bien-fondé de la cohésion entre les différentes communautés. Ce qui se passe aujourd’hui est contraire à ces valeurs, que je connais et qui m’ont beaucoup façonné en tant qu’enseignant et comme Malien tout court.
« Je ne pense pas que cela soit une crise communautaire, c’est plutôt une stratégie terroriste pour opposer des communautés qui ont vécu ensemble des milliers d’années et qui ont partagé les mêmes cultures malgré leurs différences. »
À mon avis, la solution doit être une réponse à des questions liées au développement des belles richesses de cette région. J’estime, à mon humble avis, que le problème n’est pas lié à une communauté, à une race et encore moins à une religion, mais plutôt à la gestion d’une bonne gouvernance.
Nordsudjournal