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Terrorisme : qu’est-ce que la « fiche S » ?

Peu connue du grand public jusqu’ici, la fiche « S » est devenue un élément d’actualité depuis les attaques commises en France depuis le début de l’année. L’auteur présumé de l’attaque commise dans le TGV Thalys le 21 août 2015, Ayoub El-Khazzani, était en effet fiché S, tout comme Yassin Salhi, l’auteur d’un attentat manqué à Saint-Quentin-Fallavier en juin, ou comme Sid Ahmed Ghlam, soupçonné d’avoir voulu commettre un attentat contre une église de Villejuif, mais aussi les frères Kouachi, auteurs de l’attaque contre Charlie Hebdo, et leur complice Amedy Coulibaly.

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Autant d’éléments qui suffisent au député des Alpes-Maritimes, Christian Estrosi, pour demander que l’on impose aux personnes fichées S le port d’un bracelet électronique, quand la présidente du Front national, Marine Le Pen, évoque leur expulsion. Mais qu’est-ce au juste qu’une fiche S ?

Un fichier vieux de plus de quarante ans et désormais européen

La fiche S (pour « atteinte à la sûreté de l’Etat ») n’est en réalité qu’une des nombreuses catégories d’un fichier vieux de plus de quarante ans : le fichier des personnes recherchées (FPR). Créé en 1969, il comporterait plus de 400 000 noms, qu’il s’agisse de mineurs en fugue, d’évadés de prison, de membres du grand banditisme, de personnes interdites par la justice de quitter le territoire, mais aussi de militants politiques ou écologistes (antinucléaires, anarchistes, etc.).

Chaque catégorie possède une nomenclature, sous la forme d’une lettre : « M » pour les mineurs en fugue, « V » pour les évadés… Le FPR compte 21 catégories au total, selon la Commission nationale informatique et libertés (CNIL), qui en fournit une dizaine d’exemples :

  • « E » (police générale des étrangers) ;
  • « IT » (interdiction du territoire) ;
  • « R » (opposition à résidence en France) ;
  • « TE » (opposition à l’entrée en France) ;
  • « AL » (aliénés) ;
  • « M » (mineurs fugueurs) ;
  • « V » (évadés) ;
  • « S » (sûreté de l’Etat) ;
  • « PJ » (recherches de police judiciaire) ;
  • « T » (débiteurs envers le Trésor)…

La loi précise également les obligations et interdictions résultant d’une peine avec sursis, ou dans le cadre d’un suivi sociojudiciaire, mais aussi l’interdiction de stade, celle d’exercer certaines professions ou de conduire un véhicule.

Cette fiche contient, selon le décret de 2010 en vigueur, l’état civil, le signalement, la photographie, les motifs de recherche, la conduite à tenir en cas de découverte et quelques autres détails.

On donc peut être fiché dans le FPR pour une foule de raisons : judiciaires (si on fait l’objet d’une interdiction de sortie de territoire ou à l’inverse d’une obligation de le quitter), administratives (immigré clandestin, personne disparue…), fiscales (si on doit de l’argent à l’Etat), mais aussi « d’ordre public » : si l’on est soupçonné de terrorisme, ou d’atteinte à la sûreté de l’Etat, par exemple.

A l’exception des fiches « J » et « PJ », qui correspondent à des personnes recherchées par la justice ou la police, les fiches, y compris « S » n’entraînent aucune action automatique de coercition à l’encontre d’une personne.

En outre, depuis la mise en place de Schengen, ce fichage n’est plus seulement français, mais européen : la plupart des pays membres de l’espace Schengen « versent » dans une base commune leurs fiches afin que les autres en bénéficient. Mais chaque pays peut également faire disparaître une fiche car elle l’estime caduque, la supprimant ainsi de toute la base de données.

« Menaces graves pour la sécurité publique »

C’est le plus souvent la Direction générale de la sûreté intérieure (DGSI), le service du renseignement français, qui produit les fiches S. Mais une telle fiche peut être émise suite à des informations provenant d’autres pays ou dans le cadre de collaborations internationales : la personne visée peut ou non se trouver sur le territoire français.

Dans la plupart des catégories du FPR, le fichage est le plus souvent subséquent à une décision administrative, judiciaire ou fiscale : on est fiché « T » si le fisc s’interesse à nous, ou « V » si on s’est évadé de prison. Le cas de la fiche S est particulier : il s’agit de personnes que l’on (la France ou un autre pays, puisque ce fichage est européen) soupçonne de visées terroristes ou d’atteinte à la sûreté de l’Etat (ou de complicité), sans pour autant qu’elles aient commis de délit ou de crime. Elles peuvent ainsi être de simples relations d’un terroriste connu.

La loi est d’ailleurs floue à ce sujet : peuvent faire l’objet d’une fiche S toutes les personnes « faisant l’objet de recherches pour prévenir des menaces graves pour la sécurité publique ou la sûreté de l’Etat, dès lors que des informations ou des indices réels ont été recueillis à leur égard ».

La fiche S est elle-même subdivisée en divers niveaux matérialisés par des chiffres, qui vont de « S1 » à « S16 ». Contrairement à ce qu’on a pu lire, explique le ministère de l’intérieur, ce niveau de chiffres ne correspond pas à la « dangerosité » d’une personne, mais plutôt aux actions à entreprendre pour le membre des forces de l’ordre qui contrôle cette personne. Ainsi, S14 correspond depuis peu aux combattants djihadistes revenant d’Irak ou de Syrie.

Mais un hooligan, un manifestant altermondialiste régulier ou un opposant actif à la construction de l’aéroport à Notre-Dame-des-Landes peut se retrouver fiché S au même titre qu’un combattant djihadiste connu par les services de renseignements de dizaines de pays.

Impossible d’arrêter quelqu’un en raison d’une fiche S

S’il arrive qu’une personne soit « fichée S » dans le cadre d’une enquête et surveillée à ce titre, le fait d’être fiché n’entraîne, pour les autorités, aucune obligation de suivi ou de surveillance. On l’a dit, des fiches S sont émises sur transmission de renseignement provenant d’autres pays, sans que les personnes concernées soient nécessairement en France.

Dans la communauté du renseignement, on parle de 5 000 personnes qui feraient l’objet d’une telle fiche. Le ministère admet qu’il y a en réalité un nombre supérieur de fichés S, sans souhaiter communiquer le chiffre complet. Néammoins, sur son blog, Jean-Jacques Urvoas, spécialiste de la sécurité au PS, évoque dans un billet récent le chiffre de 10 000 « fiches S ». Ces personnes ne se trouvent pas nécessairement en France et ne sont pas nécessairement françaises.

En réalité, la fiche S a surtout un rôle d’alerte : en cas de contrôle d’identité, ou à un aéroport, par exemple, elle signale aux forces de l’ordre que des soupçons pèsent sur l’individu contrôlé, et que tout renseignement que l’on pourra obtenir est précieux. Mais on ne peut pas arrêter quelqu’un, et encore moins l’expulser, au simple motif qu’il a une fiche S, contrairement à ce qu’avance Marine Le Pen. Cela reviendrait à expulser toutes les personnes placées sur écoute par la justice au motif qu’elles sont sur écoute.

Une fiche temporaire

Faire l’objet d’une fiche S ne signifie pas non plus que l’on fait l’objet d’une surveillance active, mais qu’on a été, à un moment, soupçonné, pour des raisons qui peuvent être très diverses, de vouloir atteindre aux intérêts de l’Etat.

C’est donc une autre pierre dans le jardin des tenants de l’arrestation ou de l’expulsion des personnes fichées S : le plus souvent, ces dernières ne le savent pas, puisque cette catégorie est couverte par le secret défense.

Dans bien des cas, le but du renseignement est de remonter des filières et de trouver d’autres contacts, bref de procéder à des surveillances discrètes. En clair, prévenir un terroriste soupçonné qu’il fait l’objet d’une surveillance en lui mettant un bracelet électronique n’est pas forcément une méthode efficace pour l’empêcher de nuire (ou empêcher ses complices d’agir).

Néanmoins, ce mode de fonctionnement a un défaut : les fiches du FPR (et notamment les fiches S) sont temporaires. Si une personne fichée ne commet aucune infraction et se fait oublier, sa fiche sera effacée au bout d’un an. C’est ce qui s’est produit pour Yassin Salhi, qui avait été fiché S de 2006 à 2008, avant de disparaître du fichier.

Ces fiches ont surtout un rôle dans le cadre d’enquêtes, assure le ministère

 

Source: Le Monde

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