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Willy : « L’AEEM n’est pas synonyme de mafia et de violence »

Abdoul Salam Togola dit Willy, a été réélu secrétaire général du bureau de coordination de l’Association des Élèves et Étudiants du Mali (AEEM) en décembre dernier, à un moment ou le monde estudiantin malien est en proie à des violences et des règlements de comptes, souvent imputables à cette association étudiante. Le Journal du Mali est allé à la rencontre de Willy pour parler de ces faits de violence qui gangrènent la vie universitaire. Il a accepté de répondre à nos questions directes faisant parfois preuve de franchise et souvent d’un déni de la réalité qui peut interpeller et questionner sur sa réelle capacité à nettoyer, contrôler et faire changer positivement l’AEEM . Interview.

Abdoulaye Salam TOGOLA alias willy president aeem fast eleve etudiant garde corps

Est-ce que l’AEEM est un rassemblement de malfrats, une mafia ?

Beaucoup de Maliens associent le nom de l’AEEM à la barbarie, la violence, les agressions et autres. Tout, sauf des attitudes positives. Il y a un problème d’approche vis-à-vis de l’AEEM, ce sont des préjugés qui indexent toujours l’AEEM à travers les évènements passés, ce sont des incompréhensions des uns et des autres sur le vrai comportement de l’AEEM. Je reconnais qu’il y a des attitudes et comportements de l’AEEM qui peuvent donner un peu cette vision. Mais l’AEEM n’est pas synonyme de mafia et de violence. Je pense que cela est surtout un problème de compréhension et de connaissance de l’AEEM.

Il y a pourtant de nombreux faits de violence qui le prouvent ?

Comme je l’ai dit, je reconnais qu’il y a bien quelques actes qui donnent cette impression. Mais quand on analyse et enquête sur l’AEEM, ses faits, activités, actions et visions, on sait que nous faisons beaucoup de choses importantes en dehors de ce que les gens pensent. Il y a d’autres appréciations que l’AEEM mérite.

Il y a un an vous déclariez dans les colonnes du Journal du Mali « aucun bandit n’aura sa place à l’AEEM », 1 an après, ce n’est toujours pas le cas.

Aujourd’hui, tous ceux qui sont sur le terrain, les espaces scolaires et universitaires, comparativement aux années antérieures, savent qu’un énorme travail a été abattu. Nous ne nous glorifions pas, mais nous sommes soulagés du travail abattu l’année dernière. Depuis cette déclaration, beaucoup vous diront que les bandits et gros bras qui sévissaient dans l’espace universitaire et la gestion de l’AEEM partent peu à peu. Il en reste beaucoup, mais il y a eu du progrès et des améliorations dans cette lutte. Tout n’est pas fini.

À quelles améliorations faites-vous allusions ?

Le jour où j’ai déclaré cela à votre journal, il n’y avait aucun renouvellement des bureaux de l’AEEM dans les universités sans l’implication des bandits et vagabonds. Les autorités universitaires le savent, il y avait des gens qui n’avaient aucun lien avec les étudiants. Rien qu’à les voir, on savait qu’ils étaient étrangers à la vie universitaire. Mais depuis l’élection l’année dernière, personne ne peut témoigner d’en avoir vu et après les renouvellements, les gens nous demandent « est-ce que le bureau a été renouvelé cette année ? », « et les bureaux locaux des facultés ? » Ces activités ont bel et bien eu lieu, mais sont passées inaperçues, sans bruit. Si les gens ne le savent pas, c’est parce qu’habituellement les renouvellements de bureaux ne se font jamais sans bruit. Mais nous avons réussi à le faire tranquillement, et toutes les facultés ont été renouvelées. Cela surprend et dépasse peut-être les compréhensions, les gens ne cherchent pas à savoir ce qui se passe, c’est seulement en cas de violence qu’ils approchent.

Alors pourquoi avoir fait, tout récemment, une conférence de presse pour déclarer l’arrêt des violences ?

Nous avons choisi ce moment car nous venons d’achever un mandat et d’en entamer un autre. Et à titre d’information, nous avons été réinvestis pour continuer cette lutte. Les étudiants ainsi que les militants de l’AEEM ont eu confiance en cette équipe et nous avons été réélus en décembre dernier. Janvier étant l’introduction à la nouvelle année, on s’est préparé à donner des perspectives, des visions et à proposer des comportements à adopter aux militants à travers cette déclaration. Cela a également coïncidé avec des incidents à l’université, dont la mort de l’étudiant Doumbia, contribuant à nous motiver encore plus. Ces événements n’étaient qu’un rappel pour nous, nous incitant à redoubler encore plus d’efforts concernant les mesures prises depuis l’année dernière pour éradiquer cette violence à l’école. Nous avons dit à tout le monde de s’éloigner des armes. La majorité l’a compris, et c’est pour cela l’on a rarement entendu parler d’agressions. Cette année, vu l’incident, on s’est dit qu’il fallait rappeler encore notre engagement à lutter contre cette violence, d’où l’origine de la déclaration. Nous n’avons pas baissé les bras, les mesures dont on a parlé l’année dernière vont être mieux appliquées que l’année précédente. Nous voulons que le changement soit concret.

Justement, quelles dispositions entendez-vous prendre cette année pour éradiquer la violence ?

Cette fois-ci, nous avons proposé l’interdiction totale de port-d’arme dans les espaces scolaires et universitaires, projet en cours depuis l’an passé, ainsi qu’une interdiction à tous les élèves et étudiants, d’adopter des comportements violents. C’est une manière, pour nous, d’inviter les citoyens et futurs adultes à adopter un comportement de non-violence, qui pourra peut-être sauver le Mali dans les jours à venir. Avec le sentiment d’insécurité qui prévaut, le Malien devient agressif et violent, et pas que dans l’espace universitaire. Vu notre rôle, nous voulons les sensibiliser dès maintenant, en commençant par régler nos propres comportements. Comme le disait Gandhi, « commence par changer chez toi-même ce que tu voudrais voir changer dans le monde », et nous interdisons tout comportement violent dans notre champ d’action qui est l’espace universitaire. Nous voulons des citoyens conscients de l’importance de la paix et de la stabilité dans le monde.

Interdire les armes et la violence d’accord, mais concernant les vraies dispositions sur le terrain ?

Après ces deux propositions, l’AEEM même a mis en place la Commission de sécurité et de maintien de l’ordre, composée uniquement des élèves et étudiants, qui surveilleront leurs camarades. S’ils appréhendent quelqu’un avec une arme ou ayant un comportement violent, leur rôle consiste à remettre la personne entre les mains des forces de sécurité. Ensuite, nous avons également lancé un avertissement : tout étudiant, qui outrepassera ces mesures, ne bénéficiera jamais de la couverture de l’AEEM pour le protéger, quel que soit son statut ou son titre. Nous serons au-devant de cette lutte. Nous avons également prévu l’organisation d’activités et de programmes pour former les étudiants dans le cadre de la sensibilisation, de la formation des étudiants sur le respect des droits de l’homme et la non-violence. Ces programmes sont en phase d’élaboration. Nous allons approcher qui de droit afin que ce soit un programme, et que la non-violence soit une culture. Cela fait partie des missions de l’AEEM pour cette année.

Il est notoire que l’AEEM a des liens forts avec des hommes politiques, qui utilisent parfois le mouvement comme moyen de pression en utilisant la violence. Donc quand vous parlez d’arrêt des violences, êtes-vous aussi prêts à couper vos liens avec ces politiques ?

J’ai un petit problème de compréhension avec votre question. Qui utilise l’AEEM pour mettre pression sur qui ? En dehors de nos statuts d’étudiant, nous sommes tous citoyens maliens, et avons tous des activités parallèles. Peut-être que ces relations, qui n’ont rien à voir avec le fait d’être étudiants, nous mettent dans le domaine politique. Les hommes politiques dont on parle, ont même peur de s’approcher de l’AEEM, car être partenaire de l’AEEM est parfois dangereux. Aucun politicien ne prendra le risque d’avoir un lien avec nous. L’AEEM n’est pas facile à gérer. Nous savons aujourd’hui que les hommes politiques ont même peur qu’ont les saluent. On effraie les hommes politiques, ainsi que tout le monde dans ce pays. Nous l’avons évoqué en début d’interview. Les hommes politiques ont besoin d’une image clean, ils ne s’approcheront donc jamais d’une association de « malfrats » comme on dit. Ce sont des idées non fondées. Un membre de l’AEEM peut avoir un ami politique, mais cela n’a rien à voir avec son statut de membres de l’AEEM. Nous avons un lien avec les autorités du pays, car nous opérons dans le domaine éducationnel. Tout gouvernement implique alors l’AEEM, à cause du rôle que nous jouons et aux programmes éducatifs. Ce n’est pas pour un parti politique ou un homme politique.

Le financement de l’AEEM, notamment les congrès, continue d’être assuré par la sphère politique. Dans cette vague de changement que vous êtes en train d’initier, ne serait-il pas mieux que ces financements politiques s’arrêtent et que l’AEEM soit financée en intégralité par les élèves et étudiants à travers des cotisations ?

C’est une très bonne idée, mais je ne comprends toujours pas quand on parle de financement de l’AEEM par les hommes politiques. On fait allusion à qui ? L’AEEM n’a pas d’homme politique comme partenaire financier, nous n’avons pas d’homme politique comme bailleur de fonds. Les partenaires ne se limitent qu’aux départements en charge de l’éducation. Ce sont avec ces ministres, ces hommes politiques que nous travaillons. Nous ne les voyons pas comme des hommes politiques, mais plutôt comme des personnes chargées de réunir les conditions qu’il faut pour les élèves et étudiants. Si demain, le ministre de l’Éducation qui a une coloration politique s’en va, c’est avec son successeur que nous traiterons. Notre partenariat n’est pas dû à une coloration politique. Si l’AEEM reçoit des subventions pour l’organisation de ses activités, elles viennent de ces partenaires et particulièrement du ministère de l’éducation, de l’enseignement supérieur, du centre national des œuvres universitaires et c’est tout. Il est d’ailleurs prévu qu’ils nous accompagnent. Nous ne voulons pas voir trop de partenaires, on ne permet pas à tout le monde d’être partenaire dans ce domaine de l’éducation. Concernant votre proposition, nous sommes en train d’entreprendre les démarches pour y accéder. L’AEEM est le syndicat des élèves et étudiants, normalement elle doit vivre de la cotisation de ses membres, comme tout association normale. Si des budgets dépassent la capacité financière de l’AEEM, là on peut chercher des subventions. Mais cela n’est pas le cas. Regardez notre siège, même pas de salle de conférences. Nous ne méritons pas ce siège, l’AEEM se débrouille et on l’accepte car nous sommes des militants, c’est un sacrifice. Aucun élève ou étudiant ne peut dire je donne 50F à l’AEEM. Parmi les leaders de l’AEEM, certains apportent leur contribution parfois grâce au bénéfice de leur propre activité, juste par vocation pour l’AEEM. Nous avons réfléchi à une cotisation de 50F par étudiant par exemple et cela nécessite des mécanismes, qui rassureront les étudiants et leur permettront d’avoir confiance en l’AEEM de par notre travail. On les appelle à suivre les activités de l’AEEM, elle est là pour tous. Ceux qui le font finissent toujours par devenir les alliés de l’AEEM.

Je reviens aux dispositions que l’AEEM compte prendre pour l’arrêt des violences. Pensez-vous vraiment que cela va aboutir ? Quelles difficultés vous attendent pour les mener à bien ?

Les difficultés seront sans doute des problèmes de compréhension des uns et des autres. Une personne née depuis 10 ou 15 ans, éduquée à la violence depuis le début, cela peut constituer une difficulté. Car notre seul point de rendez-vous, c’est à l’école et cela n’est pas suffisant. Nous avons sollicité les autorités et parents d’élèves, que chacun essaye de cadrer son enfant dans le bon sens. Cela nous facilitera la tâche. Sinon, nous sommes rassurés de savoir que tous les militants de l’AEEM savent que l’heure est à la prise de conscience, c’est notre espoir et je sais avec quelle équipe je travaille, je connais la moralité des militants. Ceux qui sont minoritaires sont ceux qui pensent que la violence doit continuer. Les représentants du mouvement savent que notre génération a pour mission de corriger la culture de violence qui sévissait avant notre arrivée. La difficulté est que si la minorité ne comprend pas notre mentalité de culture de la non-violence, cela est dû à leur éducation.

Revenons sur les faits qui ont conduit, récemment, au décès d’Idrissa Doumbia dit Babylone qui était membre de l’AEEM ?

Effectivement l’assassinat de ce jeune étudiant militant de l’AEEM a eu lieu le lundi 23 janvier 2017. D’après les informations que nous avons eues, il a été tué dans la cour de la faculté des lettres et des sciences du langage vers 17h, heure à laquelle la fac est pratiquement vide. 5 ou 6 individus, dont 2 étudiants reconnus et les autres qui n’avaient pas l’air d’être des étudiants, sont arrivés. Ils ont demandé à Idrissa de les suivre pour discuter. Voyant les deux visages d’étudiants qu’il connaissait, il les a suivi à l’écart. Un peu plus tard, des témoins ont vu le groupe s’enfuir sans Idrissa. Ils ont accouru sur les lieux et ont vu ce dernier à terre, le côté transpercé par des coups de couteau. Ils ont pris le chemin de l’hôpital, mais Idrissa est décédé en route, malheureusement. Depuis ce jour nous essayons de faire la lumière sur cette affaire. Idrissa était membre de l’AEEM, et les deux jeunes sont des ex-membres de l’AEEM qui ont été radiés à cause de leur comportement violent depuis l’an passé. Ils sont connus et recherchés. De plus, les faits se sont passés à l’université et cela implique forcément l’AEEM. Nous sommes en contact avec la police et la famille du défunt, dès que nous mettrons la main sur les fugitifs, nous alerterons la police. Ainsi, nous saurons dans les détails leur motivation pour ce crime. Nous sommes tous victimes, et cela nous encourage à prendre les mesures évoquées plus haut. Si l’espace universitaire était sécurisé, ces jeunes ne seraient pas entrés avec des armes et le crime aurait pu être évité. L’espace universitaire doit être protégé et ce genre de choses ne doit pas arriver. Cependant, dans ce sentiment d’insécurité, les Maliens commencent à perdre espoir. Il y a des assassinats partout à Bamako, sauf à l’université. Beaucoup d’efforts sont fournis pour cela, mais des cas isolés peuvent survenir, nous appelons à être plus vigilants.

Dans l’espace universitaire, les professeurs ne se sentent plus en sécurité. Ils réclament le permis de port d’armes ou une sécurité permanente, comme une garde rapprochée. Les cours ont d’ailleurs été suspendus depuis l’assassinat d’Idrissa Doumbia. Prouvant, s’il en est besoin, que l’insécurité règne dans les universités.

Quand j’ai appris la réaction des professeurs après le décès du jeune, je les ai approchés pour comprendre ce qu’ils veulent. Celui qui est décédé est un étudiant, et les assassins pareillement. Alors je ne sais pas en quoi ils sont concernés. Ils ont parlé d’insécurité, moi je dis que l’insécurité frappe tous les Maliens. L’espace universitaire ne fait pas exception et tout le monde veut être protégé. Ce que nous déplorons, par contre, c’est de profiter d’une situation pour en engendrer une autre. Depuis le temps qu’ils enseignent, ils n’ont jamais demandé de permis de port d’arme. Nous luttons pour interdire le port d’arme en milieu scolaire et universitaire, et eux, les professeurs, le réclament. Veulent-ils créer un champ de tir !? Pour nous ce n’est pas la solution. Du moment où nous les étudiants pensons qu’il faut interdire le port d’arme, les professeurs doivent suivre également. S’il y a des armes, la violence sera accrue et nos efforts réduits à néant. J’ai personnellement parlé avec le syndicat des professeurs, en les suppliant de reprendre les cours. Je ne les contredis pas mais l’espace universitaire est une particularité, où il est rare d’entendre parler de vols et d’agressions comme dans la ville. Les profs ne sont pas attaqués dans leur bureau non plus. Dieu seul sait quel effort est fourni pour maintenir la sécurité, et moi je ne comprends pas cette mentalité. L’AEEM a dépêché une « police campus » l’an passé pour surveiller l’université, suite à des vols de portables, en partenariat avec la police. Alors sécurité oui, mais il faut réfléchir à la manière de l’instaurer pour ne pas créer de conflits et de blocages. L’école est le seul espoir, et l’AEEM a décidé de ne plus être un blocage, sinon nous pouvons nous plaindre aussi et bloquer les cours à cause du meurtre de notre camarade. Mais on ne le fait pas. Ces étudiants venus de leur village n’ont rien à voir avec ce qui se passe, et il ne faut pas en faire des victimes pour rien. Nous respectons nos professeurs, et ce qui se passe ce sont des cas isolés.

Une dernière chose à ajouter ?

J’interpelle d’abord la population malienne à veiller sur l’école. Elle n’est ni pour les étudiants, ni pour les autorités scolaires. Elle appartient à tous, et surtout les parents d’élèves. Je leur demande également à tous de suivre l’AEEM, de connaître réellement notre vision et de quitter les préjugés. Cela fait 26 ans que l’AEEM existe, et c’est vrai qu’elle a traversé des moments durs et violents, mais les temps changent et le fait de nous emprisonner dans le passé et les faits négatifs nous empêchent d’avancer. Attendons de voir ce que l’AEEM actuelle veut et savoir si elle mérite d’être accompagnée dans l‘intérêt du Mali. Que les gens jugent eux-mêmes. Si l’AEEM doit être contestée, que cela soit après cette analyse et ces réflexions. J’encourage les militants, nous sommes indexés et cela fait partie de notre histoire. Nous ne baisserons pas les bras et nous allons assainir l’espace universitaire comme cela est inscrit dans nos projets depuis les élections. Je remercie l’ancienne et la présente équipe pour leur participation et la sensibilisation dans cette idéologie. Je dis aux étudiants que l’AEEM nous appartient tous.

 

Source: journaldumali

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