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West africa leaks – Mali: Le candidat à la présidentielle, Dr Hamadoun Touré, s’est-il fait pieger par Mossack Fonseca ?

Pour « couronner » ses huit années passées à l’Union Internationale des Télecommunications (UIT), où il a occupé le prestigieux fauteuil de secrétaire général, Hamadoun Touré n’a pas résisté à la tentation du business offshore. La creation de 7Star holdings Limited, entre les quatre murs du bureau Seychellois de Mossack Fonseca à 6000 km du fisc malien, soulève les interrogations, d’autant que l’ancien patron de l’UIT vise désormais la présidence du pays en se présentant à l’élection du 29 juillet 2018.

« La solution aux maux de ce pays est simple, choisir un dirigeant qui n’est pas mouillé ». Cette phrase à forte résonance politique a été prononcée par Dr Hamadoun Touré dans le journal « Le Pays » en date du 29 mars 2018. Ce dernier est par ailleurs candidat à l’élection présidentielle malienne du 29 juillet 2018.

Court-il le risque d’être rattrapé par ses propres mots ? L’ancien secrétaire général de l’UIT, de 2007 à 2014, jusque-là au-dessus de tout soupçons, est en effet détenteur d’une société offshore immatriculée aux Seychelles à partir de Dubaï. L’opération a été facilitée grâce aux bons offices du tristement célèbre cabinet panaméen Mossack Fonseca, lequel a mis les clés sous le paillasson en juin 2017.

Spécialisée dans la technologie de télévision payante numérique (A digital pay-TV technology company), il ressort clairement de nos recherches que 7Star holdings limited est la propriété exclusive de l’ancien patron de l’UIT.

Le « Dr », celui là même dont le mandat à l’UIT instruisait de contribuer activement à l’atteinte des objectifs du millénaire pour le changement, fait-il désormais parti de ces « puissants » qui font de l’évasion fiscale la mamelle nourricière de leur fortune ?

Le porte étendard de l’Alliance politique « Kayira », qui multiplie des slogans d’intégrité dans la perspective de la présidentielle de juillet 2018, se définissait – jusqu’à preuve de contraire – dans le rang des hommes « nouveaux » du landerneau politique moralement exempts de reproches.

Mais, l’Ingénieur télécom semble comme tant d’autres personnalités avoir recouru au bureau seychellois de Mossack Fonseca.

L’acte de création mentionne le 23 février 2015 comme date de création : « Nous, MOSSACK FONSECA & CO. (SEYCHELLES) LIMITED, en notre qualité de cabinet spécialisé, avons enregistré 7Star Holdings Limited, une Société de Commerce International constituée conformément aux lois de la République des Seychelles le 23 février 2015 ».

Identifiée alors sous le numéro « 162231 » selon le protocole d’enregistrement de Mossack Fonseca, la Société commerciale internationale prend ainsi ses marques avec comme adresse comportant les mentions suivantes : Suite 13, First floor, Oliaji Trade Center, Francis Rachelle Street, Victoria, Mahe, Seychelles.

Le certificat d’enregistrement signé en mai 2015 laisse les traces d’un premier conseil tenu le 2 mars 2015, soit seulement quelques semaines après la création.

Il faut d’ores et déjà s’interroger sur les raisons qui ont motivé la création de l’unité en question dans cet archipel offshore d’Afrique orientale. Le titulaire d’une maîtrise d’ingénierie électrique de l’Institut technique de l’électronique et des télécommunications de Leningrad et d’un doctorat de l’Université d’électronique, de télécommunication et d’informatique de Moscou, semble bien vouloir camoufler sa nouvelle activité.

Lors de nos recherches, il s’est avéré que 7Star ne dispose d’aucun site Internet à même de clarifier ou d’édifier sur ses activités. Venant d’un professionnel des nouvelles technologies de l’information, cela parait tout de même surprenant. L’entreprise de l’homme qui a œuvré une trentaine d’années durant à promouvoir les TIC ne dispose pas de site. Une anomalie qui renforce sans doute l’hypothèse du soupçon et du camouflage.

Une propriété camouflée

Les « Panama papers » nous apprennent que la société est gérée par procuration, et immatriculée avec l’adresse suisse de Dr Hamadoun Touré, du temps où ce dernier était secrétaire général de l’UIT, entre 2007 et 2014, avec résidence à Genève.

Le Chevalier de l’ordre national, à deux reprises par les présidents Alpha Oumar Oumar Konaré et Amadou Toumani Touré, préparait visiblement ses arrières après l’UIT.

De nos recherches il apparait qu’aucun document, articles de presse ou biographie, de Dr Touré ou de sa femme ne mentionne 7Star Holding Limited. Sa biographie sur https://www.bloomberg.com/research/stocks/people/person.asp?personId=286423412&privcapId=3574059 l’indique.

Les documents montrent par ailleurs que le Dr Hamadoun n’est pas associé. En effet, selon les documents que nous possédons, le candidat à l’élection présidentielle de juillet 2018 est le seul actionnaire de 7Star Holdings. Le libellé formulé lors de la réunion du 2 mars 2015, l’une des toutes premières du Conseil d’administration, est sans ambages : « To authorize, as it is hereby authorised, the issuance of one share certificate (1) of fifty thousand (50,000) shares with a nominal value of one dollar (US$1.00) each share, in exchange of their nominal or value, in favour of Hamadoun Toure”. Cette réunion a en effet autorisé l’émission d’un certificat d’actions qui prévoit 50 actions d’une valeur nominale d’un dollar (1,00 USD) chacune en échange de leur valeur nominale, en faveur de Hamadoun Touré.

La méthodologie utilisée est des plus rusées. Le cabinet d’avocat panaméen, Mossack Fonseca, disposait en effet d’un bureau aux Seychelles. C’est là que l’ancien fonctionnaire des Nations unies semble avoir choisi de concocter l’acte de naissance de son entreprise. Le hic, l’administration de société est déléguée à ses proches. En témoigne sa décision de mettre aux commandes de cette « vache laitière » ses proches. Il faut notamment citer Coumba Diawara Touré, son épouse et Fatima Touré sa fille.

C’est la résolution adoptée à l’issue du Conseil d’administration du 23 février 2015, qui distingue Coumba Diawara Touré, Bocar Ba et Fatima Touré en leur conférant le statut d’administrateurs.

La notion de conflit d’intérêt peut surgir à partir du moment où la famille s’y met. Dans une interview réalisée par le magazine Nieleni diffusée le 19 septembre 2017, l’épouse du Dr Hamadoun, Coumba Diawara Touré, parle d’une Fondation (Appui au développement durable en Afrique) qu’elle dirige en octroyant des subventions dans le domaine de la santé, l’éducation et l’autonomisation des femmes.

« L’usage de la téléphonie mobile dans le domaine médical permet non seulement de gagner du temps dans la gestion des problèmes de santé, mais aussi de garder l’anonymat et la confidentialité », avance-t-elle. Et la transition est toute trouvée. Elle avoue disposer de « beaucoup de subventions d’entreprises du domaine des TIC ». Et de confier : « je mets aussi beaucoup de mes fonds propres pour la plupart des projets ».

 

Des propos qui peuvent laisser planer des soupçons de conflit d’intérêt entre son activité et celle de son mari, Dr Hamadoun, à l’UIT.

La légitimité des proches du Dr Touré est démontrée par des passeports. La base de données de Mossack fonseca dévoile 4 passeports. Deux maliens dont l’un pour Diawara épouse Touré Coumba et l’autre pour Hamadoun Touré lui même, un passeport américain appartenant à Fatima Touré, et un passeport français mentionnant Bocar Ba. Ce dernier document mentionne aussi les Emirats Arabes unis qui abriterait une partie des affaires de Hamadoun Touré.

La reunion du 23 février 2015 du Conseil d’administration de 7Star holding fixe en même temps le capital autorisé de la Holdings à 50 000 dollars US et prouve que l’ex patron de l’UIT en est le propriétaire attitré.

https://www.inmarsat.com/about-us/our-business/board-of-directors/

Toure Coumba Diawara donné comme administrateur principal est l’épouse du chef. « La diplômée en santé publique à Saint Petersburg ensuite Baltimore fondatrice et présidente de la Fondation Appui au Développement durable en Afrique (Advanced Dévelopment for Africa (ADA), n’a pas eu le choix de se convertir dans le business offshore, répondant aux sollicitations de son époux », témoigne une de ses proches qui a requise l’anonymat.

Régie par la Loi 24 de 1994 sur les Sociétés commerciales internationales aux Seychelles, 7Star Holdings ne pouvait que se porter si bien dans le milieu du business international. Le registraire des sociétés d’affaires internationales seychellois lui reconnait la satisfaction à toutes les exigences en matière de constitution en société dans le cadre des activités internationales.

Les documents de Mossack Fonseca signalent que 7Star Holdings fait dans l’import/export pour avoir opéré des achats à Dubaï dans le cadre de ses activités.

De la langue de boa à la fuite en avant

Face à la situation, Hamadoun Touré choisi de se recroqueviller. Impossible de recueillir sa reaction sur l’affaire, il ne décroche pas son téléphone quand on l’appelle depuis Bamako. Pour lui arracher un mot, il nous a fallu passer un coup de fil téléphonique à partir de Washington, ce 24 avril à 9h50.

« Je ne nie pas l’implication de ma famille. J’allais faire du consulting dans le domaine des satellites après que j’ai quitté l’ONU. Rien ne m’interdisait cela ». Et de poursuivre : « La société n’a pas fait de transaction financière car ne disposant pas de compte bancaire. Aujourd’hui 7Star Holding n’existe plus nulle part dans le monde », assure l’ancien patron de l’UIT.

Les documents montrent pourtant, très clairement, que Dr Touré a contacté le bureau de Mossack Fonseca à Dubaï, via « HELENE MATHIEU », qui est par ailleurs une avocate canadienne (http://hmlc.ae/about-us/).

Hamadoun Touré dément le contenu des documents de la base de données Mossack Fonseca. Pourtant ceux ci établissent clairement que le cabinet d’avocat qui gérait le dossier a agi pour le compte de Mossack Fonseca et que 7Star holding n’existait pas pour acheter des mobiliers à Dubaï.Et soudain, il lâche : « c’était un cabinet d’avocat canadien, dès que nous nous sommes rendu compte de ce qu’il faisait, nous avons arrêté. La société disait aux gens qu’elle était à Dubaï mais c’était de la fraude. J’ai aussitôt fermé la société. Je ne veux vraiment pas que ce sujet soit un objet de chantage ». Face à notre insistance, Dr Touré prefère nous interdire de le recontacter à ce sujet, et refuse de nous laisser une adresse email et se résout à nous raccrocher au nez. « La société n’était pas utilisée pour des raisons frauduleuses », jure-t-il.

Qu’à cela ne tienne, nous avons adressé un questionnaire, le 11 mai 2018, à « HELENE MATHIEU ». Une réponse via mail nous parviendra le 16 mai signée de Eric Alksibati, un collaborateur de Helene Mathieu : « …nous avons appris que M. Touré est à Dubaï cette semaine, nous avons donc demandé à le rencontrer et discuter de vos préoccupations avec lui, nous vous enverrons notre réponse dans la semaine », lit-on.

Dans le procès verbal d’une réunion tenue le 2 mars 2015, que nous détenons, les administrateurs de 7Star conviennent que la société est autorisée à acquérir des actions et / ou être actionnaire d’une autre société dans une zone franche ou tout autre pays. Que la Société pourrait acheter ou céder des propriétés dans les pays arabes Emirates et que Coumba Diawara Toure et / ou Fatima Toure et / ou Bocar Ba (conjointement ou solidairement) ont autorité à négocier et de compléter toutes les questions nécessaires à la préparation et à l’exécution de tous les documents, accords, instruments et actes concernant d’éventuels transferts et achats…

Aussi le PV notifie l’accord, au nom et pour le compte de la Société Générale, d’une procuration en faveur de : Hamadoun Touré détenteur d’un passeport malien. Et que ce dernier exerce un pouvoir sans limitation sur la vie de la société. Bocar Ba est vraisemblablement un ancien collègue (IUT) de Dr Touré appelé à la rescousse. Au-delà du statut de Directeur de 7Star a lui attribué, sa biographie laisse lire un éminent expert-conseil en gestion : (https://www.itu.int/en/ITU-T/Workshops-and Seminars/iot/201703/Pages/Bios/BA-Bocar-A.aspx).

Le même PV en son point 18 permet l’obtention et ou le renouvellement de l’enregistrement et la licence de la Société dans les Emirats Arabes Unis. « Obtenir le renouvellement et l’annulation des permis d’entrée pour l’emploi, transit et visas de tous les expatriés employés par la Société aux Emirats Arabes Unis et pour tous les expatriés dont la présence est jugée nécessaire pour tout ce qui concerne les activités de la Société aux Emirats Arabes Unis ».
Le point 20 de ce PV signale la possibilité pour 7Star Holdings d’importer des marchandises et matériaux dans les Emirats Arabes Unis.

Même si nos tentatives de recoupement sont restées vaines, l’on peut espérer que 7Star Holdings Limited fera l’objet de mention dans la déclaration de patrimoine de Dr Touré si d’aventure celui-ci venait à briguer la magistrature suprême du Mali.

Par David Dembélé

Cette enquête a été menée dans le cadre de « West Africa Leaks », la plus grande collaboration des journalistes de la région ouest africaine avec 15 journalistes de 12 pays.

Avec la collaboration exclusive du Consortium international du journalisme d’investigation (ICIJ)

et du Centre Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation au Sahel (CENOZO)

Encadré

De nombreuses entreprises à travers le monde ont contourné les lois fiscales de leur pays d’origine et ont recours à des stratagèmes douteux pour échapper ou éviter de payer des impôts. Les entreprises créent des filiales en leur nom dans d’autres juridictions (paradis fiscaux) comme un outil pour acquérir des actifs et mener des affaires secrètes sans être tenues de payer des impôts comme elles le doivent dans leur pays d’origine. Panama, les Bermudes, les Bahamas et de nombreux autres pays sont populairement connus comme des paradis fiscaux qui ont été utilisés par de nombreuses entreprises riches et les politiciens.

Les hommes d’affaires et les entreprises à travers le monde utilisent ou ont utilisé des sociétés offshore pour gérer leurs entreprises. Bien que certains soient transparents dans leurs activités et dans la conformité fiscale, d’autres l’utilisent comme un outil pour fuir les responsabilités fiscales. Comme nous pouvons le rappeler, Panama Papers est une fuite de données d’environ 11,5 millions de documents contenant des informations sur les clients de plus de 214 488 entités offshore. Une partie des documents date des années 70.

Ces documents ont été obtenus auprès de Mossack Fonseca, une société de gestion basée au Panama, et une source anonyme les a divulgués. Les documents contiennent des informations financières sur des personnes politiquement exposées, des représentants du gouvernement, des hommes d’affaires fortunés et certaines personnes liées à des organisations caritatives auparavant cachées à la sphère publique. Les entités offshore sont censées être légales, mais certaines entités offshore ont été utilisées à des fins illégales telles que le pillage des fonds publics, l’évasion fiscale, la fraude et le contournement des sanctions internationales.

Depechesdumali.com, le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et le Centre Norbert Zongo de journalisme d’investigation (Cenozo) ont collaboré à West Africa Leaks, la plus grande collaboration régionale de journalistes d’investigation de la région offre plus de place pour de nouvelles investigations et révélations liées à plusieurs fuites. La collaboration a amené de nouveaux partenaires ouest-africains du Niger, du Bénin, de la Côte d’Ivoire, du Ghana, du Libéria, du Sénégal, du Togo, du Burkina. Cette collaboration devrait renforcer les enquêtes transfrontalières et renforcer ainsi les nombreuses salles de rédaction dans la région.

Les fuites ont ébranlé de nombreux responsables gouvernementaux à travers le monde. Cela a conduit à des démissions, à des enquêtes et à des arrestations importantes dans de nombreux pays.

Mossack Fonséca, le cabinet d’avocats situé au Panama, à l’origine du scandale des « Panama papers » a cessé ses activités en juin 2017. Les motifs avancés par son directoire, « les dommages irréparables infligés à notre réputation, la campagne médiatique, la pression financière et les agissements irréguliers de certaines autorités panaméennes… ».

Il faut rappeler que le scandale des « « Panama Papers » avait éclaté le 3 avril 2016 avec la fuite de 11,5 millions d’archives digitales du Cabinet Mossack Fonseca, des documents sensibles analysés par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) qui ont provoqué une onde de choc mondial. Les documents ont permis la mise au jour d’un vaste système d’évasion fiscale transitant par des sociétés-écrans, dans lequel plusieurs centaines de banques ont aidé leurs clients.
Source: L’Investigateur

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