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Web activisme au Mali : Entre contestation sociale et menaces sur la toile

Elle a été le point de départ du printemps arabe de 2011, a permis de mettre en lumière les agissements peu reluisants des agences de renseignement dans le monde (Wikileaks) et donné naissance au mouvement « Y en a marre » au Sénégal.

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De par le monde, la contestation sur le Net a fait ses preuves. Au Mali, elle commence à prendre de l’ampleur et celle-ci inquiète au plus haut point, de sorte qu’on tente de lui imposer une muselière. Censure de Facebook, tentative d’assassinat d’un web activiste et menaces en tous genres, c’est aujourd’hui ce à quoi sont confrontés ces activistes derrière leurs écrans, eux qui dénoncent la situation dans l’espoir de la faire changer.

Dans la nuit du lundi 24 au mardi 25 juillet, Madou Kanté, plus connu sous l’appellation de « Maréchal Madou » est victime d’une tentative d’assassinat. Une ou des personnes non encore identifiées ont tiré sur le web activiste depuis une voiture, avant de prendre la fuite. Blessé à la poitrine, il est admis à l’hôpital. Après une intervention chirurgicale réussie, ses jours ne sont plus en danger. A l’annonce de l’attaque, des centaines de manifestants se sont rassemblés dans la rue dans la journée, pour dénoncer cet acte que certains d’entre eux imputent au laxisme du gouvernement. Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes ont posté des vidéos avec le message « Je suis Madou », slogan rendu célèbre après l’attentat de Charlie Hebdo en 2015. Depuis son lit d’hôpital, Madou a lancé un appel au calme, assurant n’en vouloir à personne. Une sortie que ses milliers de partisans n’ont que très peu goûtée, certains pensant qu’il était désormais à la solde du pouvoir.

Accusation que Sam Samabaly, l’un des intimes de Kanté, balaie d’un revers de la main. « Il était en état de choc, on lui a demandé de faire une déclaration pour que la situation ne s’envenime pas, mais il reste et restera toujours le Maréchal, celui qui dénonce et qui se bat pour le peuple. Dès qu’il sera rétabli, il reprendra là où il s’est arrêté » clame-t-il.

Changer la donne C’est ce qu’essaient de faire Madou et tous les autres web activistes maliens. Grâce à sa web chronique « Madou ka Journal », il n’hésite pas prendre à partie des hommes politiques ou des leaders religieux, dans un style à la Ras Bath, tout aussi virulent, le charisme en moins. « La plupart des Maliens, de l’intérieur comme de l’extérieur, passent plus de temps sur les réseaux sociaux que sur n’importe quelle autre support de diffusion. Qui plus est, la jeunesse dormante du Mali se retrouve sur Facebook. Nous voulons qu’elle prenne conscience de la situation alarmante du pays et qu’elle participe au changement » prône Samabaly. Sa chronique, il la débute en 2014, mais ce n’est qu’à la fin de l’année dernière, lors des opérations de déguerpissement, qu’elle prend la dimension qu’on lui connait maintenant. Depuis, ses vidéos totalisent en moyenne 70 000 vues, selon Samabaly, et une centaine de groupes Viber et Whatsapp en son nom ont vu le jour.

«Il faut que le web activisme soit lié à des actions qui sont issues d’une profonde réflexion et dont on a mesuré les conséquences. Il faut dissocier l’idée de la personne. Il ne suffit pas de crier dans le vide, il faut proposer des solutions concrètes » explique Dou Niangadou, très fréquent sur Twitter et qui tient également un blog sur lequel il se fait appeler « le polémiste ».

Front commun Evoluant pour la plupart en solo, les web activistes ont présenté un front uni contre la réforme constitutionnelle. Et le résultat a été probant. A leurs appels et à celui de certaines formations politiques, des milliers de manifestants ont pris d’assaut la rue pour protester contre la révision constitutionnelle. Certains faisaient mention de la présence de près de 100 000 personnes, du jamais vu depuis plusieurs années au Mali.

« La moitié des personnes qui sont venues étaient là pour Ras Bath et Madou principalement » affirme Samabaly, mais, « à eux deux seuls, ils n’auraient pas pu mobiliser autant de monde » nuance-t-il. Après cette démonstration de force, le projet a été reporté à une date inconnue, officiellement à cause d’un recours déposé par l’opposition auprès de la Cour constitutionnelle.

Pour les activistes, qui se sont regroupés sous la bannière de la plateforme « An tè a bana », c’est une bataille de gagnée, mais le combat continue toujours. « Nous pouvons faire de grandes choses, une fois unis. Ce n’est pas simple de se rassembler. Nous l’avons fait sur la réforme de la Constitution, car c’est un sujet capital, et, étant des patriotes, nous sommes concernés » explique Kibili Demba Dembélé, administrateur de plusieurs pages contestataires sur Facebook, et très fréquent sur le, très connu, groupe Ali24. « Que nous soyons politiciens ou de la société civile, nous avons constaté que nous avions un dénominateur commun : la révision constitutionnelle. Même si chacun de nous a sa manière de faire. Moi, je suis personnellement allergique aux insultes. Je pose mes actes selon mes convictions profondes » assure Djimé Kanté, web activiste connu pour être celui qui démontait les arguments du gouvernement sur les comptes sociaux lors de la sinistre grève des médecins de mars 2017.

Du bruit dans le vide Mais même si de plus en plus de personnes s’intéressent à la contestation sur le Net, les actions qui y sont menées aboutissent rarement à du concret. « A un moment donné, les conditions d’accueil et de soins étaient de telle nature que l’hôpital Gabriel Touré n’était pas conseillé pour des malades. C’était sale. Il fallait filmer et montrer ces réalités au monde. Nous avons eu des millions de réactions et le gouvernement du Mali a été interpellé, non seulement par les citoyens, mais aussi par la communauté internationale » explique Kanté, qui travaille à l’hôpital Gabriel Touré. Cela a eu pour effet, selon lui, de voir les autorités prendre des dispositions pour essayer d’améliorer la situation, même s’il regrette que les conditions d’hygiène soient toujours alarmantes. « Le jour où Internet sera plus accessible aux citoyens maliens, nous n’aurons plus besoin d’opposition. La démocratie se redressera automatiquement et chacun fera en sorte que les choses changent à son niveau » ajoute-t-il.

Un combat pour une meilleure connexion à moindre coût que mène Fatouma Harber, bloggeuse et web activiste. Depuis Tombouctou, elle ne cesse de dénoncer les agissements du principal fournisseur, Orange Mali, qui ne fait selon elle que du profit sur le dos des Maliens. Depuis 2013, elle a mis en place une association, « #mali100méga », qui tente de faire fléchir la multinationale française, sans succès. Un mur contre lequel Kibili Demba Dembélé, s’est déjà cassé les dents. L’année dernière, il était l’un des instigateurs du boycott d’Orange Mali. A coups de centaines de messages postés sur les réseaux sociaux, partagés et repartagés, il aspirait à ce que son action devienne virale. Raté.

« Ça n’a pas duré. Nous sommes des jeunes, nous avons besoin de financements. Nous n’en avions pas pour tenir tête à Orange. Nous avons donc commencé à nous décourager les uns après les autres, mais j’ai bon espoir que nous pourrons un jour relancer la lutte » concède-t-il.

« Le web activisme est un moyen et non une fin. Il ne suffit pas de dénoncer sur les réseaux sociaux, car ça n’a d’impact que sur des personnes qui se soucient de leur image et de leur réputation. Nous constatons aujourd’hui qu’il y a des personnes qui sont citées dans des scandales mais qu’on n’en tire pas les conséquences. Aucune sanction administrative. Il faut aller au-delà des dénonciations et se servir des réseaux sociaux pour mobiliser, afin d’arriver aux moyens d’expression traditionnels, tels que les manifestations » analyse Tapa Konté, du collectif Mains propres, qui avait occupé les locaux du consulat du Mali en France et obtenu le départ du consul. Une convention avait ensuite été signée avec le gouvernement, mais, des mois plus tard, elle ne serait toujours pas respectée.

Menaces et intimidations Les nombreuses chroniques et messages de ces web activistes commencent à déranger. L’agression de Madou Kanté ne fait que confirmer cet état de fait. Beaucoup d’autres affirment avoir reçu de nombreuses menaces. « Une de nos consœurs a reçu un message d’une personne qui ne maitrisait pas bien le français, pour lui dire d’arrêter son combat, que sa vie en dépendait. Deux jours plus tard, trois hommes en costume se sont présentés à son domicile, mais, heureusement, elle était absente » raconte Kibili Dembélé. « Ces menaces nous encouragent. Cela veut dire que nous tenons le bon bout » assure Kanté. « Des personnes nous appellent, donnent notre positionnement exact et la manière dont nous sommes habillés. Elles nous somment de nous méfier si nous voulons rentrer chez nous entiers » renchérit notre interlocuteur.

 

Source: journaldumali

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