Des agents d’EDM-SA et des chauffeurs de camions citernes ont été pris en flagrant délit de vol de carburant le dimanche dernier par la ministre de l’Energie et de l’Eau. Sur le plateau de l’ORTM, mercredi soir, Mme Bintou Camara a mis le curseur sur le réseau de vol organisé d’hydrocarbures et d’autres malversations. La justice attend les faussaires.
Des arrestations sont survenues le dimanche 22 octobre dans l’après-midi, à Faladié, suite à une disparition présumée de citernes de gasoil. Cela se passe dans un contexte de crise d’électricité sans précédent au Mali. Des coupures intempestives qui se passent pendant 10 h à 22 h dans certains quartiers de Bamako et dans les capitales régionales. Même les week-ends, le rythme des délestages ne baisse pas. La cause principale avancée est le manque de liquidité pour faire face aux dépenses quotidiennes d’hydrocarbures.
Au même moment, le gasoil chèrement acquis et qui fait tourner les centrales thermiques, s’évapore dans la nature ou plutôt dans la poche d’agents véreux. Un phénomène qui a été dénoncé maintes fois par des citoyens lambda, y compris par un audit dont le contenu a été révélé récemment par votre bihebdomadaire (cf. Mali Tribune n° 425 du mardi 12 septembre 2023).
Cela nous avait d’ailleurs valu d’être convoqués à la gendarmerie du Camp I, suite à une plainte contre X déposée devant le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de la Commune III, par l’ancien DG d’EDM-SA, Koureichy Konaré. Ce dernier demandait aux journalistes que nous sommes de l’aider à arrêter les présumés voleurs.
L’arrestation de ces présumés voleurs dimanche dernier, a été rendue possible grâce à l’implication personnelle du ministre de l’Energie et de l’Eau, Mme Bintou Camara. Celle-ci, de retour de son voyage gouvernemental en Russie, il y a quelques jours, a initié une visite inopinée à la centrale de Balingué à Sotuba.
Elle ne comprenait surtout pas le rythme effréné des coupures de courant pendant son absence du pays et même à son retour. Surtout que dans les prévisions, il y avait du stock de gasoil pour quelques jours encore avec des citernes attendues à Balingué prêtes à être reparties ailleurs.
C’est justement à Balingué où les citernes se retrouvent avant d’être dispatchées entre les centrales. Là-bas, il a été constaté le dimanche dernier, que 17 citernes manquaient à l’appel. Le responsable chargé de cette répartition n’avait pas la volonté de remettre les documents des citernes à la délégation du ministre de l’Energie et de l’Eau.
Il leur a fait croire que son imprimante était en panne et que son ordinateur ne peut pas prendre de clé USB ou faire de transfert de données non plus. “Nous avons transporté son ordinaire de bureau à notre ministère. Notre informaticien a pu débloquer en sa présence toutes les informations pour nous”. Des sanctions attendent tous les coupables anciens ou nouveaux qui seront identifiés, aux dires du ministre.
“Si on met deux citernes sur la centrale de Darsalam, une disparait ou les deux en même temps. Ces manquants, nous les qualifions de vols. En quatre jours seulement, nous avons constaté la disparition de 59 citernes entre Balingué et les autres centrales”, a témoigné l’invitée du jour de l’ORTM.
A ses dires, ce carburant souvent est revendu à des stations d’essence ou des industries de la place à des prix moins chers, quand bien même il est exonéré par l’Etat. Selon elle, “il y a des chauffeurs et agents de l’EDM qui sont complices dans ces vols de carburant”.
Le ministre expliquera que ce réseau de vol organisé existe même au niveau de la facturation. “Au niveau de l’EDM, il y a vol sur les carburants, sur les facturations. Nous n’avons pas encore terminé, mais nous avons constaté au niveau d’un seul fournisseur, sur deux mois de contrôle, 1,6 milliard de F CFA complémentaire. En 2022, nous avons constaté sur un autre fournisseur 52 factures supplémentaires, pour un montant de 18 milliards F CFA surfacturés. Ce qu’il ne faut pas oublier, EDM a 800 fournisseurs auxquels elle doit plus de 600 milliards F CFA. Ce sont tous des fournisseurs de carburant et le contrôle n’est pas encore fini”, a affirmé Mme le ministre. Selon elle, les plus gros fournisseurs auxquels EDM doit sont des fournisseurs de carburant (Maliens) et d’électricité (étrangers).
Pour la bonne marche de l’entreprise, le ministre a évoqué la mise en place de contrats de management pour la fourniture de carburant. “On a commencé par le fuel avec 19 citernes parce qu’il doit être utilisé dans les deux grosses centrales (Balingué et Sirakoro). EDM saura au temps T, la quantité de carburant livrée et utilisée”, indiquera-t-elle.
Ce qui est sûr, la ministre de l’Energie et de l’Eau qui est très au parfum des malversations en tout genre à EDM-SA, grâce à un travail de fourmi abattu depuis sa nomination, ne compte pas s’arrêter-là. Après le changement de directeur général la mi-octobre, d’autres initiatives allant dans le sens de la bonne gouvernance de l’entreprise et la distribution équitable et continue du courant électrique sont en route avec la mise en service de la nouvelle centrale de Sirakoro.
Mais le ministre de l’Energie et de l’Eau n’espère pas maintenant sur la fin totale des délestages dans notre pays avec des centrales thermiques qui fonctionnent par gasoil ou fuel. Mais, selon elle, des solutions existent à l’horizon avec le nucléaire en chantier grâce à la coopération avec la Russie ou l’énergie solaire.
Abdrahamane Dicko
Mali Tribune