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Visite de Macron au Mali : au-delà des polémiques stériles

Les réactions de beaucoup de Maliens que j’ai lues sur le voyage du nouveau président français Emanuel Macron au Mali m’incitent à fournir l’analyse suivante. L’émotion nous fait généralement perdre de vue l’essentiel. Cette situation ne date pas de maintenant.

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Un jour, pendant un débat sur les réseaux sociaux, un de mes interlocuteurs nous donne l’exemple du président Modibo Keita qui aurait refusé, pendant la famine, une aide des USA parce que sur les sacs de céréales données, il y était écrit «Don des USA au Mali». J’ai fait “l’hérésie” de répondre à mon interlocuteur que si cela est vrai, c’aurait été une faute grave du président Modibo Kéita. Parce que, ce jour, un Malien sorti de la famine valait mille fois toutes les fiertés du monde. Et la fierté qu’on aurait dû avoir avant ce jour ; c’était de créer les conditions de production qui nous auraient permis de nous nourrir nous-mêmes sans demander de l’aide.

Je fais partie des rares Africains qui ne soient pas en accord avec cette fameuse citation du président Sekou Touré : «…nous préférons la liberté dans la pauvreté…». Aucune liberté n’est possible dans la pauvreté. À l’école, on nous a malheureusement nourris de ces nombreuses assertions, aujourd’hui, qui nous meuvent quotidiennement.

J’ai largement senti ce logiciel dans la majeure partie des réactions de ma société sur l’accueil qu’a fait IBK à Gao au président Emanuel Macron. Beaucoup de personnes ont senti ce voyage d’IBK comme une capitulation de plus. Une humiliation de plus. Je n’ai pas ressenti ainsi la situation. Pour moi, le président IBK a été raisonnable d’aller accueillir à Gao le président de la France, le principal de nos partenaires dans la mise en place de la nouvelle dynamique du Mali post-crise. Même si je le soupçonne de surtout ménager son éventuel deuxième mandat auprès de la France, l’acte nous fait, quand même, l’économie d’une tension ouverte avec notre principal partenaire dans la sortie de crise.

D’après les informations que j’avais, je ne suis même pas sûr qu’on nous veuille là-bas. Car Emanuel Macron n’est pas venu visiter le Mali. Pour des questions de politiques internes et l’affirmation de son nouveau statut de chef de l’armée (étant le premier président de l’histoire de la France à ne pas avoir suivi de service militaire), il est venu visiter son «armée». Que le Mali a «officiellement» appelée à son secours. Cette armée qui, il faut le rappeler, est faite pour défendre la France et ses intérêts.

D’après mes informations et mes observations, l’administration Macron n’est pas en phase avec notre gouvernance actuelle. Elle est très réaliste. Elle nous renvoie à notre RESPONSABILITE dans la sortie de crise. Dans cette prise de responsabilité qu’elle va nous «exiger», sa coopération, au-delà des programmes sécuritaires en lien avec l’Allemagne, va se structurer autour de quelques axes forts dont l’immigration clandestine, la montée en puissance des PME et PMI, le dividende démographique, l’emploi, l’éducation, la culture…

C’est à nous de prendre nos responsabilités, de comprendre les intérêts du Mali, d’identifier les convergences avec les intérêts de nos partenaires dont la France et d’entrer dans une vraie négociation avec l’administration Macron. Nous devons en profiter pour interroger clairement l’Algérie, même si on a des milliers de kilomètres en frontière, sur son jeu à vouloir garder une partie du Mali comme appendice algérien.

Une perspective claire, avec un plan d’action, doit sortir de ces négociations et nous permettre, avec tous nos partenaires, d’enclencher une nouvelle dynamique du Mali post-crise. Si nous ne prenons pas notre responsabilité, d’autres la prendront à notre place, avec en tête la France. Et ce processus semble être en phase d’être déclenché. Dans ce cas, je peux affirmer que nous ne donnerons pas en héritage à nos enfants le Mali qui nous a été légué et que nous avions la responsabilité de rendre plus harmonieux, et d’en faire un instrument qui ne laisserait aucun de ses enfants en dehors du progrès. Est-ce que notre gouvernance actuelle le permet ?

Alioune Ifra N’DIAYE

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