Née le 19 janvier 1945 à Kadiolo, dans la région de Sikasso, Mme Manassa Danioko, présidente de la cour constitutionnelle du Mali, est une magistrate de classe exceptionnelle, une doyenne du corps. Jadis, connue pour son franc-parler, ses dénonciations fracassantes et impérissables surtout quand il s’agissait des violations de la constitution, du clientélisme, par Moussa Traoré, ex-président du Mali, l’ex-dame de fer s’est, de nos jours, laissée rattraper par son passé.
De nos jours, l’actualité dominante du pays nous oblige à nous intéresser au passé de l’ex-dame de fer, en l’occurrence Mme Manassa Danioko. Au Mali, ça fait un bon moment que la cour constitutionnelle, une institution sollicitée en matière électorale ; voire pour le respect des droits fondamentaux de la personne humaine au Mali, et les libertés publiques est chapeautée par Manassa. Pour qui connait, le passé de la dame, âgée de 75 ans cette année, sait pertinemment qu’elle fut une opposante farouche qui a combattu le système de Moussa Traoré. Cela, compte tenu des violations constitutionnelles que le régime de l’ex-président se serait permis.
Dans l’un de ces audios dont nous disposons, des choses qui se passent actuellement dans le pays ont été reprochées à Moussa Traoré par Manassa Danioko. « Ce qui m’étonne, c’est que rien ne fait mal aux Maliens. Le Malien n’avait plus de personnalité. Dans un État voisin du Mali, on nous appelait le peuple mouton. Durant 22 ans, nous avons assisté à des violations de la constitution dans des conditions énumérées. Dans cette gestion, les cadres du pays étaient vilipendés ; des licenciements et radiations abusifs s’effectuaient, il y avait des non-paiements de salaire des gens, des tortures, déportations, délations, clientélismes, voire toute chose contre la constitution », tels restent les propos de Manassa contre l’ex-président Moussa Traoré. A cette époque, la dame de fer n’en décoléra point et ajouta : « Malgré que les articles 12 et 13 de la constitution disposent : l’enseignement est un droit pour tous les Maliens, il est public et laïc, et que la République garantit le droit à l’instruction, les enfants n’avaient pas droit à l’éducation, à la santé. Les enfants des pauvres n’avaient pas droit à l’instruction ».
Maintenant qu’elle est présidente de l’institution chargée de défendre le droit à l’éducation des enfants, peut-on dire que les enfants des pauvres étudient comme le prévoit la constitution malienne ? La question est non, les écoles souffrent depuis l’année dernière. À la même période, l’ex-révolutionnaire dénonçait le fait que les enfants du pays étaient exposés à la délinquance ; les jeunes n’avaient pas d’emploi ; et les sociétés et entreprises d’État qui couvraient le taux de chômage étaient aussi bazardées. Par la faute de Moussa, elle se disait sûre que les jeunes anéantis n’avaient aucun sentiment patriotique puisque durant 22 ans, dit-elle, on n’a rien enseigné d’« instruction civique aux enfants qui n’ont pas appris à aimer leur pays ».
Des actes qui, pour elle, avaient créé toute sorte de difficultés dans le pays. Avant d’être appelée à occuper le poste de président de l’institution garante des droits et libertés du peuple, la doyenne Manassa avait fait ces révélations fracassantes. Dieu faisant les choses, la dame vaillamment acclamée pour ses dires, s’est retrouvée à la tête de la cour. De nos jours, de nombreuses questions se posent par le peuple : peut-on parler du respect de la constitution par Manassa et les huit sages de la cour ? Sa nomination à la cour a-t-elle permis de freiner, voire de réduire des violations de la constitution qu’elle reprochait au président Moussa Traoré ? Avec elle, l’institution est-elle encore crédible ?
La réponse est toute simple : le peuple ne fait plus confiance en cette dame. L’institution est actuellement plongée dans le discrédit jamais égalé dans l’histoire de la démocratie malienne. La preuve, c’est que depuis la présidentielle de 2018, des contestations postélectorales ne finissent pas dans ce pays. Partisans politiques comme simples citoyens, tout le monde retient que la décision de la cour a été, en raison des fraudes électorales, bourrages d’urnes et hold-up électoral déboutée par des partis politiques qui avaient participé à la présidentielle de 2018. Si cela a été pacifiquement résolu entre politiques, le pays vient, suite à l’élection des députés, d’assister au pire. Des pneus brûlés sur des voies publiques ; des routes coupées dans plusieurs circonscriptions électorales.
À Bamako comme dans d’autres zones, on parle « de la nomination » des députés par Manassa et ses pairs, voire « le vol » de la victoire des candidats du peuple par les neuf sages de la cour au profit du parti présidentiel.
Dans l’article 118 de la constitution, toute révision constitutionnelle est interdite lorsqu’une partie du territoire national est atteinte. Pendant que le territoire demeure toujours occupé par les rebelles, les Maliens ont été surpris de voir la cour qualifier l’occupation terroriste d’« insécurité résiduelle ».
Voilà autant de constats qui nous font dire que Manassa Danioko est présentement rattrapée par son passé, celui de ses propres dires.
Mamadou Diarra