La dernière session du Comité de Suivi de l’Accord( CSA) tenu le lundi 25 avril passé a démontré les difficultés dans la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus d’Alger. En effet, une année après sa signature, aucune avancée significative n’est notée dans son application. En plus de ne pas être compris par une grande frange de la population malienne, le bilan de l’accord de paix est négatif : les régions nord du Mali sont en passe de devenir un no man’s land à cause de l’insécurité généralisée et du terrorisme, le MOC (Mécanisme Opérationnel de Coordination) n’est pas toujours opérationnel, le cantonnement et le DDR ne sont toujours pas effectifs, le retour des refugiés n’est pas encore à l’ordre du jour, les mécanismes de mise en place des autorités intérimaires continuent à diviser les membres du CSA … Pas plus tard qu’avant-hier, jour d’anniversaire de la signature de l’accord, des affrontements entre le Gatia et Ganda Iso, deux groupes armés du Nord, se sont soldés par trois morts.
Dans un entretien accordé à l’APS, Ramtane Lamamra le ministre des affaires étrangères de l’Algérie, chef de file de la médiation internationale, à l’occasion du premier anniversaire de la cérémonie de signature de l’accord, s’est réjoui « des acquis significatifs du processus sur différents plans ». Au compte de ces acquis, le diplomate algérien a noté, entre autres, la mise en place et l’installation des Agences de Développement Régional (ADR), la nomination et l’installation des gouverneurs des deux régions nouvellement créées, Taoudénit et Ménaka, l’adoption en cours par l’Assemblée Nationale malienne des projets de textes relatifs aux autorités intérimaires, conformément aux dispositions y afférentes de l’Accord, la validation par la Cour constitutionnelle de la loi relative aux autorités intérimaires contribuera à faciliter la mise en place des autorités intérimaires et à favoriser l’avancement du processus de mise en œuvre de l’Accord, l’amorce de la révision constitutionnelle, à travers l’élaboration de projets de décrets destinés à prendre en charge les dispositions de l’Accord relatives à la création de la deuxième chambre du parlement. Le ministre Lamamra n’a pas manqué, cependant, de rappeler « que le processus de mise en œuvre de l’Accord est confronté à des difficultés qui freinent le rythme de son avancement et amoindrissent ses résultats. » Ces difficultés sont, selon lui, l’indisponibilité de tout le financement nécessaire à la réalisation des projets et programmes prévus à l’annexe 3 de l’Accord, la persistance de l’insécurité ambiante qui freine la relance des actions de développement, en particulier, au Nord du Mali, les menaces liées à la persistance du terrorisme et du narcotrafic, la complexité des procédures de décaissement du financement déjà acquis et, d’une manière générale, certaines lenteurs dans le processus décisionnel pour la concrétisation des mesures stipulées dans l’Accord. « Au regard de ces difficultés sérieuses dont le risque est grand de les voir hypothéquer ou, à tout le moins, continuer à retarder l’aboutissement du processus de paix et de réconciliation nationale, tous les partenaires du Mali sont, aujourd’hui, fortement interpellés pour apporter à ce pays, dans les meilleurs délais, toute l’aide et toute l’assistance, particulièrement dans les domaines financier et de la lutte contre le terrorisme et le narcotrafic, dont il a un besoin urgent et vital. », a indiqué le ministre algérien.
L’impasse
L’accord de paix d’Alger, concrètement, une année après sa signature, est confronté à d’énormes problèmes. Dans les régions nord du Mali, les bandits armés et les jihadistes dictent leur loi. Cette recrudescence de la violence n’épargne aucune partie du territoire national. Lesmécanismes sécuritaires dont l’opérationnalisation du Mécanisme Opérationnel de Coordination (Moc) ne sont pas effectifs, les sites de cantonnement, aussi, ne le sont pas, les réfugiés ne sont pas encore de retour. En une année de travail, le Comité de Suivi de l’Accord(CSA) n’a pu trancher jusqu’à ce jour que la question du budget et celle de la représentativité. Les questions cruciales de l’accord continuent à diviser les membres dudit comité. Comme pour dire que la paix n’est pas pour demain, des affrontements entre groupes armés (le Gatia et Ganda Iso), le dimanche 15 mai 2016 dans le nord du Mali, jour d’anniversaire de l’accord de paix, ont fait au minimum trois morts.
Au regard de ces lenteurs constatés dans l’application de l’accord de paix, la communauté internationale s’impatiente. Lors de sa dernière visite au Mali, Hervé Ladsous, le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix de l’ONU, le lundi 03 mai 2016, a déclaré à la presse que « la première des priorités est incontestablement la nécessité d’accélérer la mise en œuvre des accords signés le 15 mai dernier et complétés au mois de juin. » En plus des groupes armés signataires de l’accord, des leaders de l’opposition malienne, aussi, fustigent l’ « immobilisme » et le « manque de vision » du gouvernement malien dans la mise en œuvre de l’accord de paix. Tiébilé Dramé, ancien ministre du Mali et président du Parena qui milite pour une « malianisation » du processus de paix au Mali indique qu’ « un an après sa signature, au-delà de l’enlisement et de l’immobilisme, le Mali est dans une situation quasi-inextricable. ». Selon le négociateur de l’accord de Ouagadougou, des pans entiers du territoire national échappent au contrôle de l’Etat : « L’insécurité est là dans toutes les contrées du Nord. Les violences meurtrières survenues dans le cercle de Tenenkou il y a une dizaine de jours sont là pour rappeler que les 4e (Ségou) et 5e (Mopti) régions du pays sont également affectées. En résumé, le Mali est cerné, coincé, entre ceux qui n’étaient pas à Alger, c’est-à-dire les groupes terroristes qui étendent leurs activités sur l’ensemble du territoire, et ceux qui y étaient, c’est-à-dire les mouvements armés signataires de l’accord, qui ne parlaient pas le même langage mais qui se sont réconciliés depuis le processus d’Anéfis. Vous avez un gouvernement au leadership faible, qui est coincé entre les premiers qui continuent à mettre le feu au pays, et les seconds qui demandent qu’une chose : l’application de l’accord».
Madiassa Kaba Diakité
Source : Le Républicain