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Un an après l’enlèvement de son président Soungalo Koné : comment fonctionne le tribunal de Niono

Le soleil peine à se lever ce mardi sur la ville de Niono. Une brume épaisse enveloppe le quartier administratif. Le concert matinal des oiseaux qui gazouillent sur des arbres de la Cité du Kala rappellent à certains que c’est bientôt l’heure du travail.

Le tribunal de Niono est encore désert. Comme chaque jour, depuis l’enlèvement de son président, en novembre 2017. Les fidèles de ce vaste bâtiment, réceptionné et employé en 2015, sont néanmoins là, à l’heure du travail. Malgré le tableau des rôles (tableau d’affichage) qui trahit pourtant ! Il n’est pas à jour, certes (des rôles de janvier et février notamment), mais en dit néanmoins long sur le processus irrégulier de l’animation de cette juridiction.

Deux gardes dont les apparats semblent dissuasifs contrôlent l’entrée et l’intérieur du bâtiment. Une secrétaire fait office de greffier ad hoc. Un autre, Elie Togo, imbibé, comme jamais, dans la population locale, est comme un vaguemestre. Et les autres ?

Le président du tribunal, Soungalo Koné, est depuis un an, jour pour jour, entre les mains de ses ravisseurs proches du prédicateur Amadou Kouffa, abattu récemment. Son vice-président est une dame. Mme Doucara Julienne Ouattara a, depuis, pris ses quartiers à Bamako.

Le juge d’instruction Noé Thera est devenu, par la force des choses, président de séance du tribunal. Il joue avec le Procureur, Boureima Tamboura, le courageux, même s’ils ont déménagé à Ségou et avalent chaque jour deux-cents km en aller et retour, à leurs frais, lorsqu’ils décident d’occuper leurs bureaux. Le greffier en chef, M. Sogodogo, est parti en mission à Koulikoro.

Dehors, quelques usagers, surfant sur les nouvelles de tout ce beau monde, surveillent quotidiennement les lèvres d’Elie Togo lorsqu’il annoncera que les deux importants acteurs qui animent le tribunal de Niono (Thera et Tamboura) sont en route depuis Ségou.

La bonne nouvelle est pourtant annoncée vers 8 h, par Elie Togo. Elle se répand comme une traînée de poudre. Le tribunal est aussitôt envahi par des usagers. La sécurité est renforcée. On se croirait à une rentrée judiciaire. Ça vaut le coup, puisque les dernières audiences remontent au mois d’août.

Le jeune Noé Thera a une pile de dossiers et de tout ordre. On est mardi, donc pas d’audience correctionnelle. Cependant, avec son équipe, décidés à sérier les difficultés et autres surcharges, ils acceptent une audience extraordinaire (ce qui dans le jargon administratif appelle à des heures supplémentaires) et optent pour trancher les affaires, uniquement, d’hérédité. Quatorze sont au rôle du jour et seront vidés jusque tard dans la soirée !

Une prouesse appréciée par un grand nombre d’usagers, qui apprendront que la semaine d’activité est prévue pour certains détenus, mis sous mandat de dépôt, histoire de désengorger la maison d’arrêt devenue depuis peu intenable.

À l’audience extraordinaire, l’ombre du président Soungalo Koné plane et le dispositif de sécurité rappelle bien que quelque chose s’est passé exactement (il y a) un an dans ce local. Son bureau inoccupé est toujours ouvert : un PC neuf, couvert de sachet plastique transparent orne la table et le drapeau vert jaune rouge scintille dessus. Le réfrigérateur est vide. Le salon des visiteurs, aux couleurs noires, est encore propre et les documents du président sont encore bien ordonnés dans l’armoire chinoise qui jouxte le bureau de la secrétaire.

Mariétou Diarra se souvient bien de ce 16 novembre 2017, même si elle n’apprendra véritablement la nouvelle que le lendemain. Soungalo Koné avait des pressentiments, se souvient-elle. «Il me disait, pendant la semaine de son enlèvement, qu’il préfèrerait l’insécurité de Tombouctou d’où il venait à celle de Niono… Je le voyais, encore, après la prière de 16 heures, tirer de grosses bouffées de cigarette dans la cour. C’était ma dernière image de lui…».

Effectivement, puisque trois ou quatre heures après, il se fait enlever chez lui dans un quartier périphérique de la ville de Niono. On peut s’étonner qu’un juge, de surcroît le président du tribunal, loge dans un endroit géographique de ce genre, au moment où l’insécurité va crescendo.

Mais c’est là, dans le quartier Lafiabougou C3, en plein Sahel, à 3 km du centre-ville, dans une rue d’immondices où la seule bâtisse du juge fait office d’habitat modeste, que ses prédécesseurs avaient signé un bail avec le propriétaire, un certain Sékou Diallo, garagiste de son Etat.
Six inconnus à bord d’une voiture 4X4 blanche et de quelques motos l’ont violemment maîtrisé en dépit de l’interposition d’une de ses sœurs avant de l’embarquer pour une destination inconnue à ce jour.

Le procureur de la République près le tribunal de Niono joue à se donner un bon moral. Boureima Tamboura est conscient que l’atmosphère est lourde mais le sacerdoce doit prendre le dessus, se convainc-t-il.

Même la stagiaire Zeinab Touré, qui a reçu un SMS de menace de mort, au lendemain de l’enlèvement du juge, avant de passer des nuits au commissariat de police, croit savoir que la peur est derrière elle, pour ne pas arriver au travail.

Le procureur tient aux promesses du ministre de tutelle pour étoffer le tribunal de ressources humaines. Il est convaincu que son collaborateur est en vie, sûrement dans le secteur de Nampala, où des forêts bruissent de rumeurs.

L’audience extraordinaire du mardi 11 décembre qui se déroule à l’AN, un an après l’enlèvement du président de cette juridiction, est révélatrice de la nouvelle année qu’entament les rescapés des ravisseurs du juge Soungalo Koné.

Moustapha Maïga

Source : Le Wagadu

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