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Trump-Poutine : de l’entente cordiale au bras de fer

Les frappes américaines de la semaine dernière en Syrie ont compromis le réchauffement annoncé des relations entre les Etats-Unis et la Russie. Vladimir Poutine vient d’annuler l’entretien avec Rex Tillerson prévu mercredi à Moscou.

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Cela devait être un baiser aussi torride que celui échangé entre Leonid Brejnev et Erich Honecker en pleine guerre froide. Les magazines russes avaient déjà créé un montage des lèvres de Poutine et de Trump se fondant en 2017 comme s’étaient embrassés en 1979 le secrétaire général du Parti communiste soviétique et son meilleur allié en Allemagne de l’Est. Cette image fictive entre l’actuel chef du Kremlin, tout-puissant après dix-sept ans au pouvoir, et le président des Etats-Unis, fraîchement élu, devait symboliser le futur rapprochement Moscou-Washington. Un premier pas vers la refonte des relations internationales que promet Vladimir Poutine à son opinion publique russe et à ses admirateurs occidentaux. La presse moscovite avait même annoncé en janvier une imminente rencontre entre les deux chefs d’Etat. Avec poignée de main, faute de baiser torride.

Le cliché ne s’est pas matérialisé. A la place, c’est un nouveau bras de fer qui vient de commencer. Avec, comme au temps de Barack Obama, le même théâtre d’opérations : la Syrie. Après les frappes américaines vendredi contre la base aérienne militaire de Chayrat, Vladimir Poutine a contre-attaqué verbalement et dénoncé « une agression contre une nation souveraine ». Depuis l’offensive chimique la semaine dernière sur le village syrien de Khan Cheikhoun, le Kremlin s’est efforcé de nier le rôle de Bachar Al Assad. Alors que les terribles photos des enfants morts ont fait la une de la presse occidentale, la population russe n’est presque pas au courant : le sujet est à peine abordé sur les télévisions du Kremlin et aucune image de victimes n’a été diffusée.

Les diplomates russes continuent certes d’appeler à une coalition internationale en Syrie. Mais les désaccords sur Khan Cheikhoun et maintenant le bras de fer après les frappes américaines rendent les tensions entre Moscou et Washington plus vives que jamais. « Les missiles russes frappent les terroristes, et les missiles américains frappent les troupes gouvernementales qui mènent la guerre contre les terroristes », s’est plaint Konstantin Kossatchev, président de la commission des Affaires étrangères de la Chambre haute du Parlement russe. L’ambassadrice américaine à l’ONU, Nikki Haley, elle, a confié que Donald Trump considère désormais comme un « problème » les Russes qui « ont fait des choses avec la Crimée et l’Ukraine… et maintenant essaient de couvrir Bachar Al Assad ». Des déclarations résumant le fossé qui s’est creusé.

Les derniers événements en Syrie remettent d’autant plus en question tout réchauffement que cela intervient deux semaines après la réaction musclée de Washington au lendemain de la répression des jeunes manifestants anticorruption à Moscou et de l’arrestation d’Alexeï Navalny, leader de l’opposition au Kremlin. « Un affront aux valeurs démocratiques fondamentales », a rapidement réagi la diplomatie américaine. Les médias russes ont feint d’ignorer cette condamnation. Plus largement, depuis février, ils montrent beaucoup moins de ferveur envers Donald Trump, qu’en janvier, lors de l’investiture du nouveau président, qui jusque-là louait Vladimir Poutine en « dirigeant puissant ». Fait rare, dans les médias russes, Trump, était alors plus souvent mentionné que le président russe. Cet enthousiasme initial est vite retombé. Le chef du Kremlin a repris ses droits dans les médias. Et son premier sommet avec Donald Trump devra sans doute attendre juillet, en marge du G20 à Hambourg. Aucune initiative n’est venue concrétiser les espoirs de rapprochement. Pis, la démission de Michael Flynn, éphémère secrétaire américain à la Sécurité nationale, l’un des hommes de la nouvelle administration favorables à la levée des sanctions contre Moscou, a rendu toxique tout contact russe trop haut placé à Washington. Lors de son premier discours au Congrès, tout en répétant sa volonté de trouver à l’Amérique de nouveaux partenaires, Donald Trump n’a d’ailleurs même pas mentionné la Russie. Du coup, ces dernières semaines, le Kremlin ne cachait pas ses frustrations. « Russie et Etats-Unis perdent du temps », s’est agacé le porte-parole du président russe, Dimitri Peskov, avant même la montée de tensions en Syrie. Le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson, se rend certes mardi et mercredi à Moscou pour des entretiens au Kremlin. Mais la rencontre restera avant tout engluée dans les divergences sur la Syrie. Moscou a d’ores et déjà annoncé la suspension de l’accord avec Washington empêchant des incidents entre avions des deux pays dans le ciel syrien. Rex Tillerson, lui, a prévenu : « Il est temps que les Russes réfléchissent vraiment bien à la poursuite de leur soutien au régime Assad. » A Bonn, le 16 février, sa première rencontre avec Sergueï Lavrov, fidèle ministre des Affaires étrangères de Vladimir Poutine, avait déjà été glaciale. Le secrétaire d’Etat, ancien PDG du géant pétrolier ExxonMobil, est certes réputé pour avoir su travailler avec le Kremlin, signer des contrats et recevoir des honneurs. Mais, dans ses nouvelles fonctions, il a qualifié la Russie de « danger » et l’a accusée d’avoir « envahi » l’Ukraine.

Donald Trump, lui-même, dans un tweet au sujet de la Crimée « prise » par Moscou s’était interrogé : « Obama a-t-il été trop faible sur la Russie ? » Ce message avait renforcé le scepticisme russe sur la volonté d’apaisement prêtée à la nouvelle administration américaine. La frappe de vendredi en Syrie n’est pas faite pour le dissiper.
Benjamin Quénelle, Les Echos
Correspondant à Moscou

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