Terrorisme. La junte au pouvoir a décrété trois jours de deuil national à la suite de l’assassinat de plus d’une centaine de civils dans le centre du pays. Le gouvernement du colonel Assimi Goïta désigne un groupe armé affilié à al-Qaida dont les milices multiplient les exactions sur les populations sans défense.
C’est une tuerie perpétrée avec la sauvagerie habituelle des hordes de djihadistes qui écument le vaste territoire malien. Plus de 130 civils ont été tués il y a quelques jours dans une région du centre par des groupes armés affiliés à al-Qaida. C’est l’un des pires massacres commis dans ce pays. Le gouvernement accuse précisément la Katiba Macina, du prédicateur peul Amadou Kouffa. Il date les événements de la nuit de samedi à dimanche. Le chef de la junte au pouvoir depuis août 2020, le colonel Assimi Goïta, a décrété trois jours de deuil national.
Zone de violence sans limite
Le nombre de victimes serait plus élevé, selon des élus cités par l’AFP, qui rapportent des massacres systématiques ces derniers jours par des hommes en armes à Diallassagou et dans deux localités environnantes du cercle de Bankass, zone de violence sans limite aucune depuis des années. « On a perdu des proches, des grands frères, des tontons, du matériel a été détruit, des animaux emportés, des habits, tout », décrit un édile dont les propos ont été recueillis à Bamako sous le couvert de l’anonymat.
Le chef d’une formation politique présente sur le secteur parle de représailles sur les civils de la part de djihadistes après des accrochages avec l’armée. Des raids devenus fréquents sur des populations à portée d’armes et sans défense, abandonnées à la folie meurtrière des milices d’al-Qaida et de l’organisation « État islamique » (EI). « Ils sont arrivés et ont dit aux gens : “vous n’êtes pas des musulmans” (…). Ils ont emmené les hommes, une centaine de personnes sont parties avec eux. À deux kilomètres de là, ils ont abattu les gens systématiquement. Aujourd’hui encore, on a continué de ramasser les corps dans les communes environnantes de Diallassagou », relate-t-il. Ce même élu évoque la réaction très tardive des autorités, arrivées sur les lieux le lendemain seulement.
Deux fois plus de civils tués entre avril 2021 et mars 2022
Le nombre de ces tueries au Sahel central a quasiment doublé, selon une coalition d’ONG ouest-africaines, dans un rapport publié jeudi 16 juin. Environ 8 civils sont tués chaque jour dans des attaques au Burkina Faso, au Mali et au Niger, décompte cette source. Les groupes armés ont tué deux fois plus de civils entre avril 2021 et mars 2022 que pendant l’année 2020, indique le rapport de ces 49 organisations de la société sahélienne et ouest-africaine, soutenue par des ONG internationales.
Ces organisations mettent également en cause « la poursuite de stratégies essentiellement sécuritaires, qui ne parviennent pas à mieux protéger les populations civiles, qui continuent de perdre leur vie, leurs maisons, leurs moyens de subsistance, leurs écoles ». Elles dénoncent une « spirale de la violence », qui mine la vie de populations déjà exposées au dérèglement climatique et à la hausse du cours des céréales à la suite de la guerre en Ukraine. La junte au pouvoir au Mali se révèle incapable de freiner ce déferlement de fous de Dieu puissamment armés, qui s’acharnent sur les occupants de contrées isolées.
Selon un document de l’ONU publié en mars, près de 600 civils ont été tués au Mali, en 2021, dans des violences imputées principalement aux groupes djihadistes, mais aussi aux milices d’autodéfense et aux forces armées. « Les civils ont été exposés à de violentes attaques et à des violations croissantes des droits humains, qui ont fait le plus grand nombre de victimes civiles enregistré à ce jour au Mali », écrit le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, dans un rapport remis au Conseil de sécurité au sujet de l’intensification des opérations des soldats maliens soutenus par les milices Wagner en lien avec la Russie.
Hors de contrôle de l’État central
La Katiba Macina, mise en cause dans ces dernières tueries, est apparue dans le centre du Mali en 2015. Les populations sont, depuis lors, prises au piège des exactions djihadistes, des actions des milices d’autodéfense et des représailles intercommunautaires, sans compter les affrontements entre groupes armés rivaux, y compris entre ceux affiliés à al-Qaida et à l’organisation « État islamique », qui sévit au Mali et dans l’ensemble du Sahel. La zone est hors de contrôle de l’État central. Le 23 mars 2019, plus de 160 civils peuls avaient été massacrés dans le village d’Ogossagou.
« Ces dix-huit derniers mois, le Sahel central a connu de nombreux bouleversements », note Alioune Tine, fondateur d’Afrikajom Center. « Un gouvernement de transition en a remplacé un autre au Mali. Un président élu a été renversé au Burkina Faso. La région est devenue un terrain d’affrontements géopolitiques avec le redéploiement en cours des forces françaises “Barkhane” et européennes “Takuba” du Mali vers le Niger, notamment, et l’arrivée des Russes au Mali. Mais qu’est-ce qui a changé pour les populations de la région ? » s’interroge-t-il. Les Maliens n’ont pas fini de compter leurs morts.
Source: humanite