Le président du Parti pour la renaissance nationale (Parena), Tiébilé Dramé, donnant des précisions sur la situation sécuritaire au centre dont les victimes se chiffrent à 1814, a déclaré que le temps de se parler pourrait s’épuiser. “On ne peut pas continuer à banaliser la mort des innocents au quotidien“, prévient-il.
Comme une tradition en début d’année, le Parti pour la renaissance nationale s’est entretenu jeudi 14 février avec la presse sur la situation sécuritaire au centre et financière. Accueillant les hommes de média à la Maison de la presse, Tiébilé Dramé introduira qu’en ce début d’année 2019, le Mali est confronté à plusieurs crises dont la combinaison menace les fondations de notre nation. Il s’agit d’une crise sécuritaire persistante qui s’est étendue du Nord au centre et qui a causé en 2018 la mort de plus de 1800 personnes, d’une crise politique (née de la dernière élection présidentielle organisée sous “l’empire de la fraude”) et institutionnelle qui plonge dans un déficit de légitimité la quasi-totalité des institutions constitutionnelles, une multiplication vertigineuse des grèves des travailleurs et surtout financière résultant de la mauvaise gouvernance endémique du pays, dira-t-il.
Cette mauvaise gouvernance, précisera-t-il, est le principal ferment de la grogne sociale généralisée. “Sans bonne gouvernance, il est illusoire de stabiliser le Mali. L’année 2017 avait déjà enregistré 716 personnes tuées sur tout le territoire. Le nombre élevé de morts en 2018 est le reflet d’une situation sécuritaire particulièrement dégradée notamment au centre et au nord-est. Sur les 1814 victimes de l’insécurité en 2018, 1026 ont été tuées au centre du Mali. Parmi elles : 697 civils, 85 membres des forces armées et de sécurité du Mali, quatre soldats de la paix, 236 hommes armés ou présumés armés”, a indiqué M. Dramé.
Au centre du pays, il faut également signaler 70 enlèvements, rappellera-t-il. “Les familles sont sans nouvelles des disparus comme les cas de 21 pêcheurs enlevés, le 13 décembre dernier, à Mérou (Ké-Macina) par des hommes armés non identifiés. Des six pêcheurs enlevés à Touara (Ké-Macina) seul un, Lassine Téréta, a pu s’échapper, grièvement blessé puis soigné au centre de santé de Ké-Macina. Ces chiffres sont le résultat d’un travail de compilation, de recoupement et d’interviews de proches de victimes que le Parena effectue chaque année depuis 2013. Le Centre du Mali, c’est la mort au quotidien, les villages brûlés et rasés, les greniers pillés, les troupeaux razziés, les déplacements forcés de populations civiles”.
Selon lui, l’année 2018 a enregistré un niveau jamais égalé de violence. “Une centaine de villages ont été abandonnés par leurs habitants. Des greniers ont été pillés ou brûlés. Un nombre croissant de villageois, craignant pour leur vie, ont quitté leurs foyers pour se réfugier à l’extérieur ou dans plusieurs localités de l’intérieur. Le camp de réfugiés de Mbera (Mauritanie) a accueilli tout au long de 2018 des contingents entiers de Maliens fuyant le conflit au centre. L’insécurité a conduit à la fermeture de plusieurs centaines d’écoles dans les régions de Mopti et de Ségou : 543 des 817 écoles fermées au Mali sont situées dans les deux régions du Centre. L’année 2017 avait été considérée comme particulièrement meurtrière avec 716 victimes sur tout le territoire. L’année 2018 qui vient de s’achever a connu un nombre sans précédent de morts, de blessés, d’enlèvements et de disparitions forcées.
Du 4 janvier au 30 décembre 2018, 1814 personnes ont perdu la vie au Mali. Le centre a été, de loin, la région la plus ensanglantée pendant l’année écoulée…”
Les populations civiles visées
Sur les 1026 personnes tuées au centre, au moins 697 sont des civils visés du fait de leur appartenance ethnique. Dans plusieurs localités du Seeno, du Seenomango, du delta, dans les secteurs de Ké-Macina et Niono, c’est la tragédie : assassinats ciblés, exécutions extrajudiciaires, expéditions punitives, embuscades et poses d’engins explosifs improvisés. “Avant la tragédie du village martyr de Koulongo-Bankass, plusieurs autres localités avaient connu des tueries à grande échelle : la mare de Nawal Noumou en avril, Goumba, Gueréou-Peul , Nantaka/Kobada en juin, Tagari/Gama en juin, Koumaga en juillet, Gassel (Mondoro), Dorobougou, Soumeina, Mamba. Plusieurs habitants de la région ont signalé la violence des affrontements entre jihadistes et donsos, le 22 avril 2018, sur les rives de la mare de Nawal Noumou, à la jonction des villages de
Nouh Bozo (Djenné) Diawou (Ténenkou) et Toye (Ké-Macina). Le chiffre d’au moins 77 morts est évoqué par les riverains de Nawal Noumou…”
Le Parena recommande au régime de se démarquer en paroles et dans les faits de tous les groupes armés irréguliers et illégaux, mettre en place une commission indépendante d’enquêtes pour faire la lumière sur les graves violations des droits humains perpétrés au centre.
Pour la situation financière, le Parena juge la position du Mali inconfortable. Le Mali est au bord d’un effondrement financier, analyse le parti du Bélier blanc.
“Les tenants du pouvoir répètent à loisir que le Mali est la 3e économie de l’Uémoa avec un produit intérieur brut de 16 milliards de dollars US avec un taux de croissance annuel de 5 %. Cette propagande vise à masquer une faillite financière sans précédent imputable à la mauvaise gestion, à la mauvaise gouvernance du pays”, dénoncera-t-il. “Réagissant à la grave crise qui couve, le Premier ministre a annoncé des mesures d’économie de 14 milliards de F CFA sur le train de vie de l’Etat. Si ces économies de 14 milliards se réalisaient, elles ne seraient qu’une goutte d’eau dans l’océan du gap, du trou béant de 500 à 600 milliards de manque à gagner pour le budget d’Etat. En 2018, malgré leur bonne volonté, les principaux services pourvoyeurs de recettes n’ont pas été en mesure d’atteindre les objectifs assignés : un gap de 32 % pour les impôts, 33 % pour les douanes et 71 % pour les domaines, selon les chiffres officiels communiqués aux parlementaires par le ministère de l’Economie et des Finances. Sur les 253 milliards attendus des domaines, seuls 86 milliards ont été collectés. Ainsi la “pression fiscale” qui était de 16 % est tombée en dessous de 12 % faisant perdre au Mali 4 points. Que sont devenus ces centaines de milliards”, s’interrogera-t-il. “Alors qu’au Sénégal, cet effort fiscal est de 21 %. Au Togo, il est de 26 %. Quelques exemples d’évaporation financière grossière : – au niveau du secteur minier, les recettes fiscales sont passées de 48 milliards de F CFA en 2016 à 8 milliards de F CFA en 2018 alors que la production d’or n’a pas cessé d’augmenter…”
La situation du Mali est critique au plan sécuritaire. Elle est critique au plan des finances publiques du fait de la mauvaise gestion et du pillage en règle des ressources publiques.
Bréhima Sogoba
Source: L’Indicateur du Renouveau