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Surpopulation en milieu carcéral : Les parquets et les cabinets d’instruction mis en cause

Les rideaux sont tombés sur la 1ère Session de la Cour d’assises de l’année 2019. Ainsi, la cérémonie de clôture était présidée par le 1er président de la Cour d’Appel, Abdramane A Maïga, en présence du Procureur général près de la Cour d’Appel, Idrissa Arizo Maïga et de plusieurs membres de la famille judiciaire. 

Dans son intervention, le Procureur général près de la Cour d’Appel de Bamako a rappelé qu’au rôle de cette 1ère Session étaient prévus un total de 92 affaires dont quatre revenaient sur les intérêts civils, pour un total de 121 accusés. “Un dossier en particulier avait été prévu par anticipation, il s’agit en l’occurrence de l’affaire Moussa Guindo dans l’assassinat de l’lmam Yattabaré, dont nous avons caressé le mince espoir de pouvoir l’examiner courant cette session. L’instruction du dossier étant toujours en cours au niveau du Juge du 3ème Cabinet du Tribunal de Grande Instance de la Commune II, la prévision au rôle est restée sans effet, et comme on dit, à l’impossible nul n’est tenu”, a-t-il précisé.

Selon lui, l’examen des affaires soumises à l’appréciation de la Cour a donné les résultats suivants. Et de poursuivre que sur un total 121 accusés, 101 ont été jugés pour la plupart des détenus dans une proportion de 85 détenus jugés sur un total de 92 et 7 renvoyés à une prochaine session pour des raisons diverses. Il ajoutera que cela donne la configuration suivante des condamnations: Peine de mort (12), contradictoire (6), contumace (6), réclusion criminelle à perpétuité (2), réclusion criminelle à temps (19), condamnations à l’emprisonnement ferme (35), condamnations avec sursis (3), acquittements prononcés (18), condamnations à perpétuité par contumace (8), renvoi à une prochaine session (18) et une extinction de l’action publique pour cause de décès.

75 897 500 francs Cfa  d’amendes prononcées

Au chapitre des amendes prononcées, il dira que 50 250 000 francs Cfa de remboursement ont été ordonnés et 23 776 060 francs Cfa de dommages intérêts alloués, soit un total de 75 897 500 francs Cfa.

De son point de vue, le résultat de cette session à l’issue des dossiers examinés et à l’aune des réponses apportées est dans tous les cas louable, même s’il est vrai que des situations imprévues, tenant au manque de vigilance à certains niveaux notamment du Parquet, ont contribué à le rendre moins reluisant que précédemment. “Le formalisme consubstantiel de la Cour d’assises, qui en complexifie l’organisation, exige beaucoup plus d’aplomb pour obvier aux inévitables renvois, mal à propos, eu égard aux efforts laborieux, méticuleux accomplis dans l’absolu anonymat par des agents de tous ordres au niveau de la Cour, pour voir poindre les chances d’une session. Que d’efforts, que de concentration et d’attention pour la mise en état des dossiers.

C’est pourquoi, les renvois même quand ils sont largement justifiés, ne sont jamais appréciés, et c’est toujours avec un pincement au cœur, qu’on les appréhende”, a indiqué le Procureur général.

A ses dires, les motifs des renvois tiennent souvent à des manquements ou des omissions qui peuvent être évités en l’occurrence le défaut d’expertise médico- psychologique, les recherches infructueuses pour les accusés contre lesquels l’ordonnance de prise de corps n’est pas exécutée, les certificats de décès, les certificats médicaux…

Pour lui, malgré les contraintes du Ramadan et les difficultés liées à la surcharge des rôles, la Cour a accompli, dans l’ensemble, un travail remarquable. “En réalité, en pratique quand le siège veut renvoyer, elle ne manque jamais de motifs. Seulement, il faut le dire avec force et c’est à l’honneur des membres de la Cour d’Appel de Bamako, les renvois l’ont toujours été pour des empêchements dirimants et pertinents. A vrai dire, le résultat global a été aussi faussé par le renvoi d’une audience entière où six affaires de terrorisme étaient prévues, faute d’interprète en arabe et tamasheq”, a-t-il déploré.

L’impossibilité de recevoir d’autres détenus à la Maison  centrale d’arrêt (Mca)

De son analyse, en plus des insuffisances récurrentes constamment dénoncées dans les dossiers d’information, il faut sonner l’alerte car quand l’administration pénitentiaire, à travers le régisseur de la Maison Centrale d’Arrêt, dit qu’à Bamako, le seuil est franchi et qu’il est dans l’impossibilité de recevoir des détenus, malgré les acrobaties de transfert dans les autres prisons du territoire, il y a lieu de s’inquiéter, surtout quand on explique l’engorgement, par les détentions provisoires exponentielles de près des 2/3 des pensionnaires. Alors les parquets et les cabinets d’instruction sont nécessairement en cause. Car, dit-il, les premiers pour avoir failli dans l’accélération de la tenue des audiences et le mépris de la pratique maintes fois martelé, et fortement conseillée des procédures accélérées en matière pénale que sont le flagrant délit, la comparution volontaire ou la comparution immédiate, dont l’usage permet de réduire considérablement les détentions provisoires du parquet. Dans les cabinets d’instruction, l’explication reste la légèreté dans la distribution des mesures privatives de liberté, la lenteur dans le traitement des dossiers, les manquements fautifs récurrents, jamais, contrôlés pour être sanctionnés.

Donc, selon lui, il urge d’avoir au sein de l’institution judiciaire une vraie politique des ressources humaines. Pour cela, il propose de confier les fonctions de Juge d’instruction à des personnalités profilées parce que les exigences de cette exaltante fonction requièrent des personnalités équilibrées, distanciées, impartiales et fortement soucieuses des droits des citoyens.

“C’est à cette seule condition qu’on éludera certaines dérives préjudiciables qui ont pour nom subjectivité, personnalisation des dossiers, lenteur excessive et même fautive et une acception de l’indépendance manifestement galvaudée. Quand les juges d’instruction, pour les rares exceptions instruisent normalement, c’est bien souvent les parquets qui ne règlent jamais dans les délais requis les dossiers communiqués à cette fin en confisquant purement et simplement. De tous les côtés, comme dirait l’autre, le mal est infini. Les parquets et les cabinets qui font exception, sont rares, car il y en a qui font honneur à la justice. Il faut le dire et le reconnaitre”, a-t-il martelé.

A le croire, il y a donc lieu dans un mouvement d’ensemble, de se remettre en cause pour inverser la tendance de ses dysfonctionnements fâcheux dans l’intérêt de la sauvegarde des droits du citoyen, car la surpopulation carcérale est nuisible et intolérable et fait de la prison une marmite en ébullition, qui peut être de périls graves. Il a saisi l’occasion au-delà de ces constats déclamés pour remercier tous ceux qui se sont mobilisés autour de la présente session notamment les avocats, les magistrats, les huissiers-commissaires de justice, les interprètes, les secrétaires de greffes et parquets, les greffiers et tout te personnel d’appui, pour leur engagement.

Le nombre de juges de siège réduits à 12 du fait de l’insécurité

Pour sa part, le Premier président, Abdramane A Maïga, rappellera que le président IBK déclarait : “Nous sommes en guerre”. Et d’affirmer effectivement que le Mali est en guerre. Et de poursuivre que la Cour d’Appel devrait, dans sa composante siège ” fonctionner avec au moins une trentaine de militaires”. Or, dit-il, depuis près d’un an au moins, ce nombre est réduit à 12. C’est ce nombre réduit qui, depuis, fait face aux attaques régulières et répétées tenant au fonctionnement régulier de la Cour pour la tenue de huit audiences par semaine et simultanément.

A l’en croire, les audiences de la Cour d’assises, s’étendant généralement sur un mois et la tenue de toutes ces audiences, fait appel à l’indispensable présence des greffiers au nombre de 15, donc insuffisant, même avec l’appui des secrétaires des greffes et parquets, n’étant que six, également insuffisants. “Par la grâce de Dieu, ne manquant ni de courage, ni de détermination, nous avons, jusqu’à ce jour pu maintenir les rangs serrés et résister du mieux que nous puissions. Tiendrait-on encore longtemps ? Monsieur le Procureur Général. Vous comme moi, n’avons cessé de rappeler à toutes les occasions cette situation et d’appeler de tous nos vœux au renforcement de nos lignes. Aucun écho jusque-là. Mesdames, Messieurs les magistrats, Mesdames et Messieurs les greffiers en chef, Greffiers, Secrétaires des Greffes et Parquets, héros et patriotes, Vous l’êtes, nous le sommes et le resterons”, a-t-il laissé entendre.

                          Boubacar PAÏTAO

Source: Aujourd’hui-Mali

 

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