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Scandale des surfacturations : IBK va-t-il s’assumer ?

Après les conclusions des audits de la section des comptes de la Cour suprême et du Bureau du Vérificateur général (Bvg) sur l’achat de l’avion présidentiel (l’oiseau de malheur) et le contrat d’armement; après les scandales des surfacturations à propos de ces deux affaires ; après, enfin, les révélations fracassantes de l’ancien ministre de la Défense et des anciens combattants, Soumeylou Boubeye Maïga notamment la caution du chef de l’Etat tout au long des processus d’achat de l’avion; l’opinion nationale attend toujours des explications de Ibrahim Boubacar Kéïta, président de la République et chef suprême des armées. Va-t-il s’assumer ? Se lancera-t-il à la recherche de boucs émissaires pour se plier aux exigences des bailleurs de fonds, particulièrement le Fmi ? Ou bien, comme il en a l’habitude, le chef de l’Etat va-t-il sacrifier des menus fretins à la place des vrais auteurs de la magouille ?

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Pour une fois, avec le scandale des surfacturations qui défraie la chronique depuis des jours, IBK trouve une occasion rêvée de frapper un grand coup en sanctionnant les coupables, déjà formellement identifiés. Du coup, il redorerait son blason et ferait oublier aux Maliens ce à quoi il les a habitués, à savoir sacrifier des innocents triés sur le volet à la place des vrais coupables, blottis sous sa protection.

Avant de parler de ce caviar offert au chef de l’Etat, faudrait-il revenir sur le scandale en question.

 

Suite à l’affaire de l’achat de l’avion présidentiel à 20 milliards de FCA et à celle du contrat d’armement évalué à 69 milliards de FCFA, avec un avenant qui le porte à 108 milliards, plus une garantie de l’Etat à hauteur de 100 milliards, le Fmi avait exigé un audit international. Mais, pour des raisons de souveraineté avancées, le gouvernement avait pu arracher auprès de l’institution monétaire l’obtention d’un audit par une structure nationale. Le Fmi désigne alors le Bureau du Vérificateur général. Nous apprendrons par la suite que le gouvernement, de son côté, a commis la section des comptes de la Cour suprême pour le même travail.

 

Mais, dans l’un et l’autre cas, les conclusions des deux structures sont fatales à la crédibilité du gouvernement. Elles mettent à jour des irrégularités notoires dans les processus d’achat de l’oiseau de malheur et de contrat d’armement, mais aussi et surtout des preuves de surfacturations révélées de bout en bout dans la conclusion des deux affaires.

 

C’est la section des comptes de la Cour suprême qui a d’abord distillé le contenu de son rapport. Celui-ci révèle que l’avion présidentiel a été acquis à plus de 18 milliards de FCFA dans un contrat de gré à gré. « Ce n’est pas orthodoxe », qualifie le rapport.

 

Deuxième grief de la Cour : la faute grave engendrée par le fait que le contrat n’a pas été visé par le contrôleur financier.

Troisième reproche : l’existence de deux contrats dans marché d’armement qui vaut un peu plus de 69 milliards de FCFA. Pire, l’Etat a payé la caution à la place de l’adjudicataire (la société Guo-Star de Sidi Mohamed Kagnassy).

 

Enfin, le rapport de la section des comptes de la Cour suprême révèle des surfacturations de 29 milliards de FCFA.

 

Qu’en est-il du rapport provisoire du Bureau du Vérificateur général dont le rapport définitif est incessamment attendu par le Fmi ?

 

Par rapport à l’avion présidentiel, le Bvg affirme que « l’aéronef n’a pas été immatriculé au Mali, alors que dans le domaine de l’aviation civile, l’immatriculation vaut titre de propriété».

 

Le rapport provisoire du Bvg met également à nue, sur les deux affaires cumulées, des irrégularités financières de plus de 38 milliards de FCFA, dont plus de 29 milliards au titre de la fraude et près de 10 milliards au titre de transactions frauduleuses. Donc, les surfacturations passent de 29 à 38 milliards de FCFA entre la Cour suprême et Bvg.

 

IBK, un homme qui ne s’assume pas ?

C’est sur ces entrefaites qu’interviennent les révélations accablantes de Soumeylou Boubeye Maïga. Ces révélations enfoncent son ancien chef et son président, Ibrahim Boubacar Kéïta.

 

En effet, l’ancien ministre de la Défense et des anciens combattants révèle que dans la mise en œuvre des deux contrats, il y a eu une information et un accord préalable du président de la République, chef suprême des armées, à chaque étape.

 

SBM affirme et confirme clairement que le président de la République a été mis au courant des contrats relatifs tant à l’achat de l’avion présidentiel que sur les matériels militaires.

 

Le président de l’Asma va plus loin en lâchant ceci: « le président de la République, chef suprême des armées, a donné mandat le 5 novembre 2013 à monsieur Sidi Kagnassy, ainsi qu’à toutes les sociétés qu’il représente, pour faciliter l’acquisition des besoins des forces armées ». Et, la convention entre le Mdac et la société Guo-Star a été signée le 13 novembre 2013 sur cette base, poursuit-il.

 

Soumeylou Boubeye Maïga n’innove pas dans ses propos. Car, le chef de l’Etat l’avait déjà confessé dans une interview accordée en mai dernier à Jeune Afrique et dans laquelle il reconnaissait l’existence du contrat et apportait sa caution et son soutien à Sidi Mohamed Kagnassy, Pdg de Guo-Star.

 

Parlant du contrat d’armement, IBK s’exprimait ainsi : « Ce contrat existe bel et bien. Chacun sait que l’armée malienne est à reconstruire et je voulais que rapidement, dès le 20 janvier, jour de la fête de l’armée, nos militaires puissent défiler dans des uniformes neufs. Ce contrat, dont je ne me suis pas occupé, a été conclu dans les règles avec la société Guo-Star, connue sur la place de Bamako, qui a obtenu la garantie des banques. Les trois fournisseurs sont français et ont eux aussi pignon sur rue. Tout cela est clair ». A propos de Kagnassy, le chef de l’Etat juge : « C’est un entrepreneur malien qui a réussi, un bon spécialiste de l’ingénierie financière. Il a d’ailleurs géré cet aspect dans le contrat en question. Il peut nous être utile et de bon conseil. Je n’ai, par ailleurs, aucun lien particulier avec lui ».

 

Ces deux affaires sales avaient pourri les rapports entre le gouvernement malien et les bailleurs de fonds amenés par le Fmi. Celui-ci suspend son aide budgétaire au Mali jusqu’à y voir clair. C’est désormais chose faite avec les deux rapports produits par la Cour suprême et le Bvg (rapport provisoire).

 

Le Fmi accepte de lever ses sanctions avec la reprise de son aide budgétaire en décembre, à condition que le président publie les rapports des audits et sanctionne les « malfrats financiers ».

 

Justement, IBK va-t-il s’assumer pleinement ou bien va-t-il encore chercher un bouc émissaire comme il l’a fait après la débâcle de Kidal du 21 mai 2014 en faisant porter le chapeau à Soumeylou Boubeye Maïga (limogé, le terme du président) à la place du Premier ministre, Moussa Mara ? D’autre part, va-t-il encore se murer dans un silence coupable ?

 

On se rappelle que le 19 mai, à la veille du déclenchement de la bataille de Kidal, il s’était adressé à la nation (et avec quels propos !). Mais, après la débandade du 21 mai, il a observé un silence de carpe.

 

Aujourd’hui, le scénario se reproduit. Comme indiqué plus haut, le chef suprême des armées avait donné sa caution morale aux opérations d’achat de l’avion de commandement et d’armement. Après les révélations des surfacturations, il se réfugie dans un silence de mort.

 

Avec IBK, la stratégie est connue : quand ça marche, il se met en première ligne ; mais quand ça foire, ce sont les autres, il s’éclipse.

 

Dans le scandale des surfacturations, les Maliens attendent qu’il s’assume et qu’il assume toute sa part de responsabilité.

 

Sékou Tamboura

SOURCE: L’Aube  du   23 oct 2014.
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