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Sbaïty Ag Akado, membre du Conseil National de la communauté Bellah après l’adoption du règlement intérieur du comité de suivi de l’accord : « Qu’on le veuille ou non, on est en face d’un partage de gâteau entre des communautés »

L’élaboration de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali aura pris 11 mois. Et après la signature dudit accord, le 15 mai et le 20 juin par les parties, un comité de suivi pour sa mise en œuvre fut mis en place. Après deux réunions du comité de suivi, les parties ont pu adopter en début de semaine au Centre international de conférence de Bamako (Cicb), lors de leur troisième réunion, le règlement intérieur du comité. A peine ce règlement intérieur adopté, les langues se délient quand à sa composition. Hier, mercredi 22 juillet 2015, pendant que les acteurs étaient en pleins travaux, nous avons interviewé, Sbaïty Ag Akado, membre de la Plateforme et membre du conseil national de la communauté Bellah. Sans langue de bois, il nous livre ses sentiments sur la mise en place de ce comité. Selon lui, il est anormal que le gouvernement du Mali ait le même quota que les groupes armés. A l’en croire,  le comité de suivi sera composé majoritairement des communautés minoritaires, c’est-à-dire des communautés arabes et Touaregs. Et de poursuivre : « Qu’on le veuille ou non, on est en face d’un partage de gâteau entre des communautés. Il y a des communautés qui se sont taillé la part du lion dans ce comité-là. Il y a d’autres qui ne se verront pas dedans à commencer par la communauté Bellah». Lisez !

 

Sbaïty Ag Akado Conseil National communauté Bellah cncbLe Républicain : quel est l’ordre du jour de cette réunion ?

Sbaïty Ag Akado : la réunion d’aujourd’hui est une réunion qui a commencé depuis hier (Ndlr, mardi 21 juillet) par rapport à la mise en place du comité de suivi et surtout par rapport à la mise en œuvre de l’accord. Cette mise en œuvre sera suivie par un comité de suivi. Donc, c’est cette mise en œuvre du comité qui est en cours depuis hier (mardi 21 juillet). Aujourd’hui (mercredi 22 juillet), précisément, nous avons déjà adopté le règlement intérieur. Il reste simplement de designer les membres du comité de suivi, peut être ceux de la médiation et du gouvernement, ce n’est pas la peine de les connaître, mais au niveau des parties, c’est-à-dire Plateforme et Coordination, les mouvements en général, il s’agira de désigner ceux qui vont siéger dans le comité de suivi et ensuite les différentes commissions techniques qui vont travailler sur les aspects de l’accord. Le quota n’est pas totalement déterminé, il me semble que chaque partie va en fonction des thèmes de l’accord, donner un certain nombre de membres des sous commissions.

Quels sont ces thèmes ?

Il y a quatre grands thèmes à savoir : le politico institutionnel, la défense et la sécurité, les questions économiques et sociales mais aussi les questions de justice et de réconciliation. Donc sur les quatre thèmes, chaque partie va donner un certains nombres d’éléments qui vont siéger dans les commissions. Si je prends l’exemple sur la commission politico-institutionnelle, la coordination va donner des gens dans les sous commissions, la plateforme donnera ces éléments, le gouvernement en donnera, mais aussi la médiation internationale va donner des éléments.

Au delà de l’adoption du règlement intérieur, quelle grande décision a été prise par les parties ?

Il n y a pas de grande décision sauf que dans la mise en œuvre, disons que dans la composition même de la commission, les lignes ont un peu bougé depuis un  certain temps. Depuis la première et la deuxième réunion du comité de suivi, il était question de quota. On est parti de l’idée de trois et hier, on est arrivé à l’idée de six par partie, c’est-à-dire le gouvernement six membres, la plateforme six membres et la coordination six membres. Mais au-delà de ces parties, je crois qu’il a été admis d’intégrer d’autres pro-mouvements qui ne sont pas officiellement dans les parties : la Coordination des Mouvements et Forces patriotiques de résistance 2 (CMFPR2) qui est signataire de l’accord, mais aussi la CPA (Coalition du peuple de l’Azawad). Ce sont les dissidents des différentes parties, mais qui ont quand même signé l’accord. Je crois qu’au delà de cela, il y a d’autres représentants des mouvements qui sont dans les coulisses qui risquent d’être pris dans le comité ou dans les sous commissions. Ces décisions ont été prises hier (mardi 21 juillet), mais attendons de voir.

Quels sont vos sentiments par rapport au choix des membres de ce comité ?

Mon propre sentiment en tant que malien, est que certes, le gouvernement du Mali sera représenté par ceux là qu’ils vont designer pour siéger dans ce comité, mais il ne me semble pas déjà correct d’établir le même quota pour le gouvernement de la République et les regroupements du mouvement. Vous voyez la composition : six pour le gouvernement, six pour la plateforme, je crois que c’est quelque part anormal. Le gouvernement du Mali représente l’ensemble des régions du Mali, il était bien qu’il ait un quota un peu plus élevé que ceux des mouvements. Admettons que quand on est dans une situation de  vote, le gouvernement tombe, il est faible devant la volonté des mouvements, ce qui est déplorable. Ensuite sur la représentativité communautaire et régionale, j’avoue qu’il y a des inquiétudes. La première inquiétude est que nous avons constaté que ce comité de suivi sera composé majoritairement des communautés minoritaires, c’est-à-dire des communautés arabes et Touaregs. Elles seront plus représentatives que les autres communautés. Et je ne pense pas que ce soit la meilleure formule. C’est comme si seulement ceux qui ont pris les armes et les communautés arabes sont représentatifs et peuvent  gérer  ou suivre les affaires du Nord. Bien sûr qu’il y aura des sonrhaï et quelques peulhs etc, mais l’image qui va se dégager de ce comité de suivi est qu’il sera dominé, sur le plan des régions, par la forte présence des communautés Touaregs et les arabes. Nous, en tant que communauté Sonrhaï, Bellah, Bozo et autres, vous imaginez ce que cela peut nous donner comme sentiment? Un Bellah ne se sentira pas représenté par un Arabe ou un Touareg encore moins un Sonrhaï. Qu’on le veuille ou non, on est en face d’un partage de gâteau entre des communautés.  Ce n’est pas bon à dire, mais c’est à ça que ça ressemble. Il y a des communautés qui se sont taillé la part du lion dans ce comité-là. Et il y a d’autres qui ne se verront pas dedans à commencer par la communauté Bellah, la deuxième majorité dans le nord du pays. Il me semble anormal, sinon catastrophique qu’elle ne soit pas représentée dans ce comité de suivi.

Votre dernier mot ?

Mon dernier mot est un vœu pour la paix parce que si les gens n’ont pas battu le pavé, c’est parce qu’ils veulent la paix. Sinon beaucoup de choses qui font mal ont été observées: des tueries inutiles, des spoliations, des abus de toute part….Et il n’est jamais trop tard pour bien construire la paix. Quand on se rend compte qu’on a raté un certain nombre de marches, rien ne nous empêche de revenir en arrière et de corriger. Corriger dans le sens de donner satisfaction. Tout le monde a sa place dans cet accord-là. Tout le monde à sa place dans la construction de la paix. La paix ne peut pas être construite avec certains en marge. Elle se construit ensemble. Quand je ne me sens pas concerné par ce qui est en train de se passer, je ne peux pas adhérer à cette paix-là. J’espère que les autorités, la médiation, les mouvements, les Maliens…ensemble, nous pourrons faire l’effort de mieux construire, de parfaire  sinon de corriger souvent  un certain nombre d’erreurs.

Propos recueillis par Aguibou Sogodogo/ Madiassa Kaba Diakité

 

source :  Le Républicain

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