Après l’expulsion de l’Ambassadeur de l’Hexagone au Mali et le départ prochain de la force française Barkhane, au Burkina Faso, le départ de la France dans le pays est exigé dans un contexte de tension. En Centrafrique aussi, le ciel n’est pas dégagé pour l’ancienne puissance coloniale.
En Afrique, il semble que seuls les pays dits francophones ont des problèmes avec leurs «nations mères». Il est certes brandi une campagne de désinformation russe, mais une question mérite d’être posée : où était là France au moment où la Russie mettait en place son système d’information capable de battre celle de la France sur le continent ? Qu’est-ce qui a manqué à la France, le premier arrivé dans ces pays, pour qu’elle perde la bataille de la communication ? Une guerre de communication que visiblement l’Hexagone commence à perdre et de façon dangereuse. On a même vu des pays comme le Gabon rejoindre le Commonwealth. Par convenance ? Il faut toutefois se demander où-est-ce que le France a péché ?
Oui, la France a péché quelque part et lourdement même. Car aujourd’hui, il se pose un véritable problème de confiance entre l’ancien puissance coloniale est ses anciennes colonies. Il semble que sur le continent les dirigeants ont aujourd’hui peur d’avoir la France à leurs côtés. A juste raison ? Si on prend l’exemple des pays où les Présidents en exercice ont été tués, sans autre forme de procès, ils sont tous francophones et ont pour noms Tchad et Haïti. Sans compter Madagascar où le Président a indiqué avoir échappé à un attentat, avec deux Français impliqués. Une conspiration contre la France ?
Rien n’est moins sûr. Ce qui est sûr et certain est que l’Hexagone a perdu son lustre d’antan et perd du galon auprès de ses anciennes colonies. La Centrafrique tend à se débarrasser du franc CFA et le Président Touadéra a choisi des Russes, fussent-ils des mercenaires, pour assurer sa sécurité. Du fait de la «jurisprudence» du Tchad et d’Haïti ? Il y a une saignée qui semble s’amplifier avec la nouvelle manifestation initiée au Burkina Faso où la France, qui est accusée d’être le «parrain du terrorisme», est appelée à dégager à travers des pancartes brandies par les manifestants. Ils étaient plusieurs dizaines de personnes rassemblées, ce samedi 30 juillet 2022, à Ouagadougou pour protester contre la présence de la France au Burkina Faso.
Une nouvelle génération qui a pris conscience de son histoire
Un rassemblement qui s’est déroulé devant le mémorial Thomas Sankara. Ce dernier, est l’ex-Président du Burkina Faso, assassiné lors d’un coup d’Etat perpétré en 1987 par Blaise Compaoré, «proche de la France», emporté par un mouvement populaire en 2014. Selon VOA, les protestataires de ce jour ont brandi des pancartes avec les inscriptions : «France, parrain du terrorisme, dégage», «Tous ensemble pour la libération du Burkina Faso», «France impériale, tyran, sangsue, dégage», «Non aux accords de coopération avec la France». Des slogans les uns aussi hostiles que les autres.
Monique Yeli Kam, présidente d’une nouvelle coalition d’organisations rassemblées au sein du M30 Naaba Wobgo, du nom d’un ancien empereur mossi qui s’était opposé à la France au XIXème siècle, rappelle le journal, déplore que la France «s’agrippe de façon misérable à son ancien empire colonial africain dont elle pille, exploite à souhait les ressources, allume des foyers de terrorisme et alimente des guerres et des génocides». Sayouba Kindo, elle aussi membre du M30, confie que «nous sommes une nouvelle génération et nous avons pris conscience de notre histoire et sommes déterminés à nous assumer et mériter notre indépendance à travers plus de liberté et de vérité».
Une France qui semble trop viser ses intérêts
Il faut reconnaître que la position de la France sur le continent africain est difficilement compréhensible. N’est-ce pas la France qui a vivement dénoncé le troisième mandat du Guinéen Alpha Condé, tout aussi anticonstitutionnel que celui de l’Ivoirien Alassane Dramane Ouattara, pourtant reçu avec tous les honneurs par le Président français Emmanuel Macron au Palais de l’Elysée, à la veille du scrutin controversé. De surcroît, au plus haut de la pandémie de Coronavirus où la distanciation physique était le maître-mot. Se passer de, la visioconférence pour se dire quoi ? C’est aussi la France qui ferme les yeux sur le coup d’Etat au Tchad où le Président Idriss Déby tué «au front» a été remplacé par son fils Mahamat Déby. A travers ce qui est sans conteste un coup d’Etat constitutionnel.
Cette même France qui dénonce des putschs au Mali, en Guinée et au Burkina Faso où les dirigeants sont pourtant en vie. Au Tchad, la question du délai de la transmission du pouvoir aux civils n’est pas à l’ordre du jour. Du moins pour le «parrain» qu’est la France, alors qu’ailleurs, c’est une pression exercée sur les putschistes dont le pouvoir n’est pas reconnu par l’Hexagone. Difficile dans ces conditions de faire confiance la France dont le comportement apparait de plus en plus étrange aux yeux des populations africaines. Une France qui semble trop viser ses intérêts. A tout prix ? Au risque de perdre du terrain sur le continent ? En tout cas, le temps est grisâtre pour l’Hexagone sur le continent. Est-il trop tard pour rectifier le tir ?