Le Kremlin entend réduire au silence l’un des derniers groupes de presse qui avait révélé les transferts de fonds vers le Panama de proches de Poutine.
C’est un média indépendant qui sombre. La rédaction en chef du groupe RBK comprenant une chaîne de télé, un site internet et un quotidien a été décapitée sur injonction du Kremlin. La crise couve depuis plusieurs mois, mais l’affaire des Panama Papers a précipité la décision. L’administration présidentielle n’a pas apprécié la mise en cause du violoncelliste Sergueï Roldouguine, parrain de l’une des filles de Poutine et accusé d’avoir transféré deux milliards de dollars dans des banques offshore au profit des amis du chef du Kremlin. À l’étranger, la nouvelle a été largement relayée. Mais en Russie, seul RBK a osé en faire état.
Un crime de lèse-majesté. Un de plus. Car les journalistes du groupe ont franchi la ligne rouge à deux reprises dans les mois précédents. Une première fois lorsqu’ils évoquent une mystérieuse Ekaterina à la tête d’un important fonds financier consacré aux nouvelles technologies. Ils prennent soin de ne pas révéler son identité, mais chacun comprend qu’il s’agit de la fille de Poutine. Et puis une seconde fois à l’occasion d’un article sur le jeune oligarque Kirill Chamalov, à la fortune soudaine, et marié à Ekaterina.
Une perquisition en forme d’avertissement
Pour le Kremlin, la coupe est pleine. D’autant que grâce à ses enquêtes fouillées RBK se hisse au premier rang des sites du pays. À l’approche des élections législatives de septembre et à moins de deux ans de la présidentielle, les autorités décident d’agir. Le coup de semonce a lieu le 14 avril, deux semaines après les révélations des Panama Papers. Ce jour-là, les agents du FSB débarquent dans les bureaux du milliardaire Mikhaïl Prokhorov, le propriétaire du groupe. Motif invoqué : fraude et évasion fiscale. Une perquisition en forme d’avertissement. « Toute cette agitation a pour but de faire baisser la valeur de RBK et de le pousser à la vente », souligne Marina Litvinovitch, l’une de ses anciennes collaboratrices.
L’homme d’affaires, jadis engagé en politique et candidat à la présidentielle en 2012 fait une concession. Il sacrifie les trois piliers de la rédaction, Roman Badanine, Elizaveta Osetinskaïa et Maxime Solious. Quatre autres responsables s’apprêtent également à partir. C’est le début de la reprise en main de RBK.
Dans le paysage russe, les médias critiques disparaissent à tour de rôle. L’un d’entre eux, le site Meduza a même décidé de s’exiler en Lettonie. Certes, les journaux Vedomosti, Novaya Gazeta et New Times survivent encore. Mais soumis à de multiples pressions et contraints à une diffusion limitée. Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov l’assure néanmoins : Vladimir Poutine « est partisan du pluralisme en termes d’information ».
Source: Le Point