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Rétrospection : Commission dialogue et réconciliation: Erreur de casting

DIONCOUNDADécidément, rien ne réussit à Dioncounda Traoré, président par défaut de la République. Il ne réussit rien non plus. Est-ce toujours les séquelles de son passage à tabac? Peut-être. Toujours est-il que le chef de l’Etat par intérim a toujours des difficultés à faire passer ses initiatives, ou plutôt les initiatives que lui impose la communauté internationale. La dernière en date est la création de la Commission dialogue et réconciliation (Cdr). Dans ces colonnes, il a déjà été question de l’incidence financière de la Commission sur le budget national, mais comme promis, nous revenons sur sa composition qui fait désordre et est l’objet de contestations de toutes parts. 
Il y a d’abord le Collectif des ressortissants du nord (Coren) qui est monté au créneau pour dénoncer une structure dans laquelle il ne se reconnait pas. Il faut rappeler que ce collectif représente les ressortissants des trois régions du nord, Tombouctou, Gao et Kidal, plus ceux de la région de Mopti. Il est composé essentiellement des membres des communautés Songhay, Touareg, Arabes et Peulh. Mais malgré la présence dans la Commission des chefs traditionnels de ces communautés, notamment le chef songhay, Vieux Soumma Moussa Maïga, le chef Arma, Arougaya Touré, et le président de la communauté arabe à Bamako, l’ancien ambassadeur Al Omrany, le Coren la conteste. Il est vrai que le Coren, comme beaucoup de Maliens et d’étrangers, aurait préféré Ousmane Issoufi Maïga, ancien Premier ministre et haute autorité morale du nord, à la place de Mohamed Salia Sokona, illustre inconnu du public septentrional. Le Coren, du reste, ne s’en est pas caché et l’a proclamé haut et fort, y compris sur des chaines de radios internationales. Mais son président, Malick Alhousseïni, a juste oublié de préciser que le Coren est traversé depuis longtemps par des jeux d’intérêts personnels et individuels qui affectent rudement son fonctionnement normal et l’empêchent d’atteindre les objectifs qu’il s’était assignés à sa création. En fait, le Coren est devenu un collectif de clans qui cherchent, chacun, à se positionner au gré d’intérêts personnels et individuels. Ayant cessé de défendre les intérêts collectifs véritables de l’ensemble des ressortissants du nord et du centre, il est devenu inaudible sur la scène nationale, et les autorités ne l’écoutent plus, notamment en ce qui concerne la formation d’un gouvernement d’union nationale, la reconquête de Kidal ou la composition d’une Commission dialogue et réconciliation.
Concernant cette composition, une autre entité a montré son mécontentement et sa désapprobation. Il s’agit de l’association Temedt qui regroupe les Touareg noirs, les Bellah, victimes expiatoires des Touareg blancs. Eux aussi estiment avoir été oubliés dans la composition de la Commission et se disent victimes d’ostracisme et de mépris. Ils n’ont pas tort. Depuis des années, ils ont constamment élevé le ton pour dénoncer les brimades et exactions dont ils sont victimes de la part de leurs «maîtres», les Touareg blancs, qui continuent à perpétuer une société féodale et esclavagiste. Aujourd’hui qu’il y a l’occasion pour eux de s’asseoir à la même table de négociation que le «maître», on leur ferme la porte comme pour leur signifier que le plus important c’est de négocier avec les indépendantistes du Mnla, ceux-là mêmes qui sont accusés des pires atrocités commises dans le nord sur de paisibles populations. D’autres Touareg ont compris qu’il faut coûte que coûte se démarquer de ces indépendantistes terroristes. Ils viennent de créer leur association et réaffirment leur soutien indéfectible à la République une et indivisible, à la laïcité de l’Etat, à la démocratie. Ils viennent essentiellement de la région de Ménaka et n’ont pas été rejoints par les Ifoghas de Kidal, berceau de l’irrédentisme touareg.
L’autre communauté nordiste qui n’est pas demeurée en reste dans la contestation de la composition de la Cdr, c’est l’ethnie peulh. Elle l’a fait savoir récemment, disant ne pas avoir été consultée a fortiori associée à l’initiative de la communauté internationale imposée au président par défaut et à son gouvernement de transition. Or, les Peulh sont concernés au premier plan, originaires de la région centrale de Mopti, ayant de fortes communautés dans les régions du nord, notamment dans le Gabéro à Gao.
Si tout ce beau monde s’estime lésé ou sous représenté, c’est parce qu’il a compris que le travail de la Cdr se déroulera essentiellement dans le nord et que cela concernera précisément les communautés de cette zone. Il aurait été préférable de désigner au moins cinq représentants par région du nord plus au moins cinq places pour Mopti. Ce qui aurait fait un total d’au moins vingt commissaires en plus de la présidence et d’une vice-présidence.
Un autre aspect, c’est la qualité même des membres de la Cdr. La Commission, de par les missions qui lui sont assignées, a vocation à être une commission de «sages», c’est-à-dire une structure avec des membres qui ont suffisamment de personnalité, d’autorité et d’influence. Ces qualités peuvent être conférées par l’âge, l’extraction ou la profession. On peut, par exemple, comprendre la présence d’un chef traditionnel parce qu’il a l’autorité et jouit de la confiance de sa communauté ; la présence d’un journaliste, Makan Koné, président de toute une corporation qu’on assimile à un quatrième pouvoir parce qu’il est effectivement influent et incontournable. Mais que dire de la présence d’un militaire malien auquel on impute tous les maux survenus depuis mars 2012 ou de la présidente d’une association de femmes d’un camp militaire ? Que dire de la présence d’une féministe dont les propos quotidiens constituent une provocation aux yeux d’une société fortement traditionnelle et conservatrice ou de celle d’un diplomate à la retraite qui ne connait même pas les réalités du nord ? Que dire de la présence d’un ex-chef rebelle même reconverti qui est un proche d’Iyad Ag Ghaly et dont les semblables, les ex-intégrés, constituent le gros des troupes du Mnla ? Il n’y a rien à dire sauf que les autorités, comme d’habitude, ont voulu faire plaisir à quelques copains, parents, partenaires et alliés. A la Cdr, où Dioncounda Traoré et Diango Cissoko se sont accordé les privilèges de nommer qui ils veulent, il y a à boire et à manger. Et tant pis pour le dialogue et la réconciliation, surtout qu’il n’y a rien à dialoguer ni personne à réconcilier.
Cheick Tandina

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