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Rentée judiciaire/Réquisitoire du procureur général de la cour suprême « « La liberté est la règle, et la détention, l’exception »

« La restriction des libertés publiques se fait même en période normale. Elle se pratique davantage en période exceptionnelle ». La déclaration a été faite par Boya Dembélé, Procureur Général près la Cour Suprême du Mali. C’était lors de la cérémonie de la rentrée judiciaire, placée cette année sous le thème « La restriction des libertés en période exceptionnelle ». Elle a été présidée par le Président de la Transition.

 

A l’occasion de ces différentes crises, les autorités ont dû adopter de nombreuses mesures exceptionnelles parmi lesquelles l’état d’urgence et autres mesures administratives. A côté de ces deux mesures prévues par les articles 49 et 79 de la Constitution, il existe des mesures exceptionnelles que peut prendre le Président de la République sur le fondement des articles 29 et 50 de la Constitution.

Pendant cette période exceptionnelle, le Président de la République dispose d’une plénitude de compétence dans le domaine de la loi, comme dans celui du règlement, une forme de confusion de pouvoirs (exécutif et législatif). Ces pouvoirs du Président de la République sont si importants que Jean RIVERO (Libertés publiques-Les droits de l’homme, le régime des principales libertés, PUF 1978, p.287) a pu les qualifier « d’une dictature de salut public ».

Henri OBERDORFF (op.cit, p.159) tempère toutefois cette position, en affirmant que « C’est un pouvoir étendu, mais pas un pouvoir absolu ». Selon Boya Dembélé, le juge administratif doit contrôler les mesures et actes administratifs pris en exécution de l’état d’urgence et en sanctionner les abus.

De même, les Procureurs doivent veiller à ce que les mesures privatives de liberté, même dans ces périodes exceptionnelles, soient prises conformément à la loi. Les circonstances exceptionnelles n’impliquant nullement la violation de la loi.

« Les libertés peuvent être restreintes en période exceptionnelle, mais elles le sont au quotidien par les juges et les Officiers de Police Judiciaire seuls habilités, de par la loi, à priver les citoyens de leur liberté en cas d’infraction à la loi », a-t-il précisé. En ajoutant que, les OPJ agissent par le biais de la garde à vue, les juges par le biais du Mandat de dépôt. Mais toutes ces mesures privatives de liberté sont strictement encadrées par la loi et gouvernées par le principe, selon lequel « La liberté est la règle, et la détention, l’exception ». Les parquets doivent y veiller strictement.

« A ces niveaux, cependant, des abus sont souvent constatés et qu’il faudra circonscrire », a-t-il dit. Poursuivant que, la garde à vue et le mandat de dépôt ne sont pas indispensables dans tous les cas. Tant qu’une personne suspectée ou poursuivie dispose d’une garantie suffisante de représentation et que l’OPJ ou le Juge ne courent aucun risque à voir s’échapper celle-ci, la garde à vue ou le Mandat de dépôt ne doivent pas être systématiquement ordonnés.

Agir comme tel participerait d’une bonne administration de la justice et contribuerait à un désengorgement des lieux de privation de liberté. « Ni les OPJ ni les Juges ne doivent se comporter en justiciers, ils n’en ont que faire d’ailleurs ; les pouvoirs que la loi leur confèrent suffisent largement », a-t-il indiqué.

Par la suite de son intervention, il a révélé que, dans des affaires récentes qui défraient la chronique, il a été constaté que sur les réseaux sociaux, des OPJ s’adonnent à des publicités concernant l’arrestation de bandits pour se mettre eux-mêmes en valeur, souvent même au mépris de la présomption d’innocence.

Dans la même veine, il affirme que, la même pratique commence à gagner le milieu de la Magistrature à l’occasion d’affaires concernant les atteintes aux biens publics et l’arrestation de personnalités publiques brandie comme un trophée. Ceci est déplorable ! « Ni le Juge ni l’OPJ n’a besoin de publicité pour les actes qu’il pose, surtout dans la phase de l’enquête préliminaire ou de l’instruction préparatoire. La publicité à ces stades de la procédure ne fait que nuire d’ailleurs à l’efficacité de la procédure », a-t-il laissé entendre. A cela, il a ajouté que, les réseaux sociaux commencent à devenir une gangrène pour notre société. Ils sont utilisés pour régler des comptes personnels. Des pages sont ouvertes rien que pour servir à insulter des personnes avec qui d’autres ont maille à partir.

« Au lieu d’être une tribune d’échanges d’informations saines et crédibles, de communication et de convivialité, ils sont devenus un tribunal (usurpant ainsi aux juges leur mission), et des lieux de dérives de tous ordres. Il est temps de mettre fin à ces pratiques. En même temps, nous les invitons à une utilisation mesurée du mandat de dépôt en cette matière, sauf quand cela est absolument nécessaire », a-t-il conclu.

Bintou COULIBALY

Source : Notre Nation

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