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Renforcement des pouvoirs Présidentiels: le rapport qui blanchit IBK

L’un des principaux griefs des partisans du NON à la réforme constitutionnelle initiée par le président IBK serait qu’elle lui octroie trop de pouvoirs. Beaucoup trop qu’il n’en faut pour le confort de la démocratie.

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S’agirait-il de nouveaux pouvoirs constitutionnels antinomiques avec la pratique démocratique jamais exercée par le passé ? Pouvoir qui ferait de l’actuel président un « Mansa » ? Sur la short-liste brandie en épouvantail, on trouve : le droit de définir la politique de la nation, de révoquer le Premier ministre (sans avoir besoin de sa démission), de nommer le président de la Cour constitutionnelle et un tiers du Sénat.

Ces « nouveaux » pouvoirs sont-ils normaux en démocratie abstraction faite des exigences de l’application de l’accord pour la paix et la réconciliation ?
Remettons-nous à un expert avéré qui avait été commis pour conduire la réflexion devant aboutir à la révision de la Constitution du 25 février 1992, l’ancien ministre Daba Diawara. Aujourd’hui, éminent membre de l’opposition, dont le parti (PIDS), dans une déclaration datée du 12 juin, a appelé à voter NON au référendum, Daba Diawara, président du Comité d’Experts sous le président ATT a produit un rapport dont nous vous livrons des morceaux choisis (extraits) sur :

LES POUVOIRS PRÉSIDENTIELS

1.2.3. Les pouvoirs du Président de la République sont très importants.

La Constitution réserve une place prééminente au Président de la République dans le dispositif institutionnel et le système politique du Mali. Elle fait de lui le gardien de la Constitution, le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, du respect des traités et accords internationaux. Il incarne l’unité nationale, veille au fonctionnement régulier des pouvoirs publics et assure la continuité de l’État.
Elle lui confère également de nombreuses autres attributions. Les unes constituent des pouvoirs propres, c’est- à-dire qu’il exerce seul, comme la nomination du Premier ministre et la décision de mettre fin à ses fonctions, la dissolution de l’Assemblée nationale, la décision de soumettre un projet de loi au référendum, les actes qui interviennent dans le cadre de la procédure législative ordinaire, promulgation d’une loi ou renvoi au Parlement assorti d’une demande de nouvelle délibération, les messages à l’Assemblée nationale et au Haut Conseil des Collectivités, les actes par lesquels il participe à l’organisation et au fonctionnement de la justice constitutionnelle et ceux qui sont pris dans le cadre de la mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels, l’initiative de la révision constitutionnelle, la convocation des sessions extraordinaires de l’Assemblée nationale, l’exercice du droit de grâce et la proposition de lois d’amnistie .

Les autres attributions du Président de la République sont appelées pouvoirs partagés, parce que soumis au contreseing du Premier ministre seulement ou de ministres aussi. Il s’agit notamment de la nomination dans les fonctions de ministre et aux emplois civils et militaires de l’État, les actes adoptés par le Conseil des ministres, tels que les décrets et les ordonnances délibérés en Conseil des ministres, la déclaration de l’état d’urgence et de l’état de siège, les actes accomplis dans la conduite des relations avec les puissances extérieures (accréditation des ambassadeurs et envoyés extraordinaires, négociation et ratification des traités), ceux qu’il accomplit en tant que chef des armées et qui sont arrêtés en Conseil supérieur ou en Comité de défense de la défense nationale et en tant que garant de l’indépendance du Pouvoir judiciaire.

1.2.3.1. Concernant les pouvoirs propres du Président de la République, certaines préoccupations ont été exprimées devant le Comité. D’aucuns les trouvent exorbitants et appellent à leur réduction, espérant ainsi mettre un coup d’arrêt à ce qu’ils considèrent comme une présidentialisation « rampante » du régime.

Le Comité ne partage pas cet avis. Il souhaite que le Président de la République conserve les pouvoirs propres que lui confère la Constitution. Ils ne sont pas plus importants que ceux habituellement accordés aux présidents de la République dans les régimes semi présidentiels et l’article 51 de la Constitution lui donne la possibilité de déléguer certains de ses pouvoirs au Premier ministre. Mieux, dans certaines matières, ils peuvent être accrus.

1.2.3.2. Le Comité a entendu des avis divergents par rapport à la responsabilité de la détermination de la politique de la Nation.

Des personnalités entendues, les unes trouvent contraire à la Constitution, l’incursion de plus en plus marquée du Président de la République dans une matière dont la responsabilité est expressément confiée au gouvernement par le texte fondamental. À l’appui de leur assertion, elles évoquent les communiqués et autres directives par lesquels le premier Président de la 3ème République avait pris l’habitude de baliser l’action gouvernementale, les lettres de cadrage ou de mission et le Programme de développement économique et social (PDES) de son successeur et l’implication directe des deux dans la gestion d’activités qui ressortent habituellement des compétences des ministres. Elles y voient une présidentialisation du régime et demandent que la Constitution donne un coup d’arrêt à cette pratique.

Les autres, estiment tout à fait normal que celui qui a reçu, par la voie du suffrage universel direct, l’investiture du Peuple pour conduire les destinées de la Nation, puisse indiquer la politique à suivre. Pour elles, cette pratique, d’ailleurs conforme à notre perception du pouvoir, est une donnée permanente de notre pratique institutionnelle, un héritage des régimes précédents et elle se maintient, principalement, en raison de l’affaiblissement du fait partisan.

Le Comité partage cette lecture de notre histoire constitutionnelle. Dans la Constitution actuelle, l’Exécutif présente le dualisme caractéristique du régime semi-présidentiel consacré par la Constitution française de 1958, après sa première révision de 1962, c’est-à-dire, un Président de la République élu au suffrage universel direct qui partage le pouvoir exécutif avec un gouvernement chargé de définir et de conduire la politique de la Nation sous l’autorité d’un Premier ministre, chef du gouvernement. Le Mali n’avait jamais connu, sauf pendant un court intermède, sous le régime du CMLN, un tel système de gestion du pouvoir exécutif.

La Constitution du 22 septembre 1960 a fait de la 1ère République, un régime parlementaire dans lequel le Président du gouvernement était élu par l’Assemblée nationale à laquelle il présentait son programme, qui était celui de son parti, pour obtenir l’investiture. Il était également chef de l’État. Le titre de Président de la République lui a été attribué par la révision constitutionnelle de 1965 et, depuis, il est resté Président de la République et Président du gouvernement jusqu’à son renversement par le coup d’État du 19 novembre 1968.

L’acte fondamental N°1 du Comité militaire de libération nationale (C.M.L.N.), peut être en réaction contre ce que d’aucuns avaient considéré comme la concentration de tous les pouvoirs entre les mains d’un seul homme, à la fois Président de la République, Président du gouvernement, secrétaire général du parti dominant, unique de fait, et Président du Comité national de défense de la révolution (C.N.D.R.), a séparé les fonctions de chef de l’État, exercées par le Président du C.M.L.N, de celles de Président du gouvernement. Mais très vite, il a été mis fin à ce dualisme et le Président du C.M.L.N est devenu aussi Président du Gouvernement.

Dans ce système, le C.M.L.N. avait « un rôle de définition, d’orientation et de contrôle de la politique générale de la République » et le Gouvernement conduisait la politique de la République définie par le C.M.L.N. La Constitution de la 2ème République n’a pas rompu avec ce schéma. Elle a confié le pouvoir exécutif au Président de la République, qui était aussi, chef de l’État, Président du Gouvernement et Premier responsable du parti unique constitutionnel. Le Parti, autorité politique suprême du pays, définissait la politique de l’État que le Président de la République était chargé de conduire.

Une révision constitutionnelle lui a donné, en 1981, la possibilité de nommer un Premier ministre, mais il restait Président du gouvernement. L’exécutif dualiste, après la brève expérience des débuts du régime du C.M.L.N. est réapparu, pendant le régime de la Transition démocratique. L’Acte fondamental N°1/ CTSP du 31 mars 1991 a fait coexister le Président du Comité de transition pour le salut du Peuple (C.T.S.P.), chef de l’État, détenant, en plus de sa participation à l’exercice de la fonction législative, les pouvoirs habituels de Président de la République et un Premier ministre, chef du gouvernement.

Le C.T.S.P. était chargé de déterminer la politique de la Nation qui était conduite par le gouvernement. Ainsi, de 1960 à 1992, les compétences relatives à la politique de l’État ont été toujours partagées entre deux institutions dont l’une avait en charge sa détermination (le Parti, ou l’organe délibérant des régimes d’exception) et l’autre, celle de sa conduite, le gouvernement.

À la lumière de cette expérience, le Comité propose que le Président de la République détermine la politique de la Nation (proposition N° 6) et que le gouvernement en conduise la mise en œuvre (proposition N°7). La conséquence logique de cette nouvelle situation serait d’enlever la possibilité laissée au gouvernement d’engager sa responsabilité devant l’Assemblée nationale sur un programme ou éventuellement une déclaration de politique générale et de lui imposer de présenter obligatoirement un programme (proposition N° 8)

Ce qui conduirait à clarifier les compétences de chaque branche de l’Exécutif dans la détermination de la politique de la Nation: au Président de la République, la définition des orientations stratégiques, des objectifs généraux et des grandes orientations de l’action gouvernementale dans le court et le moyen termes et au Gouvernement l’élaboration d’un programme de gouvernement, c’est à dire un programme qui non seulement définit des actions, mais également retrace les objectifs spécifiques, les stratégies sectorielles et détermine les moyens de financement (…).

LA RÉVOCATION DU PREMIER MINISTRE

1.2.4. Le gouvernement a fait l’objet de débats au sein du Comité. Une autre préoccupation exprimée devant le Comité a concerné les conditions de nomination et de cessation des fonctions du Premier ministre et des autres membres du gouvernement. L’article 38 de la Constitution dispose que « Le Président de la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses fonctions sur présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement. Sur proposition du Premier ministre, il nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions. »

Il a été demandé de préciser par la Constitution que le Premier ministre est obligatoirement choisi au sein de la majorité parlementaire ou même qu’il est nommé sur proposition de ladite majorité.

Le Comité n’a pas jugé utile de retenir ces propositions pour la simple raison que la majorité parlementaire a la possibilité de peser sur le choix du Premier ministre en refusant de participer au gouvernement d’un Premier ministre nommé sans son accord ou en désapprouvant, comme l’article 79 le lui permet, le programme ou la déclaration de politique générale du gouvernement et de provoquer ainsi le départ du Premier ministre, obligé dans un tel cas de remettre au Président de la République la démission du gouvernement.

S’agissant de la nomination des autres membres du gouvernement, il a été fait allusion au caractère fictif du pouvoir de proposition que la Constitution accorde au Premier ministre, le Président de la République étant, en réalité, seul à décider ; et à la trop grande liberté qui lui est laissée pour ce faire.

Le Comité estime que la formation du gouvernement est un pouvoir partagé entre les deux têtes de l’Exécutif qui l’exercent de manière discrétionnaire. La tradition du régime semi-présidentiel est la liberté totale qui leur est laissée par rapport à la majorité parlementaire qui, comme déjà rappelé, dispose de moyens constitutionnels de faire connaître son appréciation des choix effectués.

Le premier Président de la 3ème a choisi et révoqué librement ses Premiers ministres et les membres de leurs gouvernements alors même que cette liberté prise par rapport à sa formation politique a été dénoncée par la Conférence nationale de l’ADEMA-PASJ, dès juillet 1993. Pour marquer son autonomie à l’égard du parti majoritaire, il a fait participer au gouvernement, dans le cadre de la « gestion concertée des institutions » de nombreux partis et nommé, sans considération de leurs attaches politiques ou de leur « apolitisme », des hommes et des femmes qui lui semblaient les mieux indiqués pour gérer les affaires publiques.

L’actuel Président de la République en fait de même.

S’agissant de la cessation des fonctions du Premier ministre, subordonnée actuellement à la présentation par celui-ci de la démission du gouvernement, il a été fortement souhaité qu’elle puisse intervenir sans ce préalable.

Le Comité y a accédé, trouvant que le préalable, s’il est envisagé comme une précaution, est peu utile en raison des possibilités de riposte dont dispose une majorité qui verrait « son » Premier ministre remercié, malgré elle (proposition N° 9). La conséquence logique est que la fin des fonctions du Premier ministre entraîne automatiquement la démission collective des membres du gouvernement (proposition N°10) (…).

NOMMINATION DU PRÉSIDENT DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE ET DE L’ORGANE DE RÉGULATION DES MÉDIAS

1.2.4.1. Un autre domaine dans lequel les pouvoirs du Président de la République peuvent être accrus est celui de l’exercice du pouvoir de nomination. Au Mali, le président de l’institution juridictionnelle chargée de veiller au respect de la Constitution et à la régularité des élections politiques ainsi que celui de l’organe de régulation des médias sont élus en leur sein par leurs membres alors que dans plusieurs pays, ils sont nommés par le Président de la République.

Cette pratique a l’avantage d’éviter que le fonctionnement de ces institutions ne se ressente des effets inévitables d’une « campagne électorale » menée dans des cercles si étroits.

Le Comité propose en conséquence la nomination par le Président de la République du président de la Cour constitutionnelle (proposition N°11). Il souhaite qu’il en soit de même pour le président de la future institution de régulation des médias (proposition N°12). En outre, le Comité propose que quelques uns des membres des organismes consultatifs comme le Conseil économique social et culturel soient désignés par le président de la République (proposition N°13).

Cette dernière proposition est strictement guidée par le souci d’assurer de la manière la plus transparente possible l’utilisation des ressources humaines exceptionnelles susceptibles d’apporter par leur expérience et leur réputation un concours irremplaçable au fonctionnement des institutions. Sans cette procédure, certaines compétences seraient très vite exclues de la sphère publique, que ces personnalités aient été ou non reconnues dans et par la compétition politique organisée (…).

INTRODUCTION D’UN SENAT

1.3.7. La constitution d’un Parlement bicaméral formé de l’Assemblée nationale et d’un Sénat, qui remplacerait le Haut Conseil des Collectivités (H.C.C.), est souhaitée par beaucoup des personnalités entendues

1.3.7.1. Le Comité a examiné avec la plus grande attention cette proposition. Il lui a trouvé quelques inconvénients mais ne l’a pas rejetée. Ces inconvénients sont le risque d’un allongement et d’une complexification de la procédure législative et celui d’un renchérissement du coût de fonctionnement des institutions pouvant provenir de la multiplication des sessions extraordinaires de chacune des chambres, de l’alignement des émoluments des éventuels sénateurs sur ceux des députés, de l’extension aux nouveaux membres du Parlement du régime de pensions des députés et de la mise en place au sein de la nouvelle assemblée d’une administration plus étoffée, donc plus coûteuse que celle du l’actuel Haut Conseil des Collectivités.

1.3.7.2. Le Comité estime cependant qu’avec la suppression du Haut Conseil des Collectivités, il est utile d’avoir dans le système politique du Mali une institution qui assure la représentation des collectivités territoriales et des Maliens établis à l’extérieur. Participant pleinement à l’activité législative, elle pourrait d’abord contribuer à l’améliorer, en donnant notamment une forte impulsion aux politiques de décentralisation et de promotion des Maliens de l’extérieur.

Une autre raison de l’acceptation de la création d’un Sénat est qu’elle ouvre une nouvelle perspective pour l’assouplissement de la procédure de révision de la Constitution. En effet dans de nombreux pays, l’implication des deux assemblées du Parlement permet de faire l’économie du référendum. Ainsi, par exemple, en France, « le projet de révision n’est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision n’est approuvé que s’il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. »

Pour toutes ces raisons, le Comité propose la création d’un Sénat qui deviendrait la seconde chambre du Parlement et partagerait l’exercice du pouvoir législatif avec l’Assemblée nationale (proposition N° 44). La création d’un Sénat a des conséquences en cas de vacance de la Présidence de la République. Il est admis que dans le cas d’empêchement définitif du Président de la République, le Président du Sénat le remplace et s’il est aussi empêché, c’est le gouvernement (proposition N°45).

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