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Quel est le quotidien des patients atteints de COVID-19 au Mali ?

Le témoignage d’un jeune de 26 ans, testé positif au covid-19. Lisez

« Il y a de cela quelques jours, j’ai commencé à avoir des douleurs musculaires et je me suis dit être surement pris de palu. Plus tard sont venues une perte d’odorat et de goût. A ce moment, le doute a commencé à s’installer. Instinctivement, dans la journée du samedi 25 avril, j’ai appelé le numéro vert. Après m’avoir posé quelques questions, ils m’ont demandé de passer faire un test dans un centre de dépistage. Donc vers 16heures, j’étais à l’hôpital du Mali avec mon ami.

A la porte, il n’y avait personne pour nous accueillir, et on s’est rendu dans un bureau pour prendre des renseignements. J’étais au début de ma surprise quand le personnel qui y était a été saisi de panique et s’est affolé en me voyant. Ils nous ont demandé de partir pour revenir le lendemain car l’équipe de test travaille entre 09 et 13 heures et heures.

Ce qu’on ne vous dira jamais, c’est que vous pouvez contractez le virus sur les lieux même du test. Comme convenu, le lendemain (Dimanche), je suis reparti à l’hôpital le matin vers 9 heures, et effectivement une équipe était là sous des tentes pour faire passer l’interrogatoire. Avant que ce ne soit mon tour, on m’a demandé d’aller patienter sous un arbre. Moi, comme beaucoup d’autres potentiels atteints de coronavirus, étions assis sur un même banc sous cet arbre et aucune mesure n’avait été prise afin de respecter les gestes barrières. Après mon interrogatoire, j’ai attendu encore une demi-heure sous l’arbre, avant qu’on ne vienne me chercher pour les analyses. Une fois les prélèvements finis, je devais rentrer et j’allais être contacté ultérieurement.

La mauvaise organisation de l’équipe d’intervention

Le lundi 27 Avril à 11 heures, j’ai été appelé et on m’a dit que mon résultat était positif. Le monsieur m’a demandé de rester là où j’étais et qu’ils allaient envoyer une équipe d’intervention me chercher. Vingt minutes plus tard, un autre me rappelle et me demande de me rendre à Point G. En chemin, il me sonne de nouveau pour prendre ma position parce que lui aussi était en route pour le Point G et que je ne serais pas accueilli sans un papier qu’il a en sa possession.

Quelques minutes plus tard, on était tous les deux sur place et il m’a mis dans une ambulance pour m’emmener au bâtiment dans lequel je devais être isolé. Et c’est là que le calvaire a commencé. A la réception, derrière une table un homme prenait les informations personnelles et par la suite nous a demandé d’attendre. J’ai attendu plus de deux heures sans que personne ne vienne me voir. Entre temps, 8 autres patients sont venus et ont été confrontés à la même situation que moi.

A un moment donné, j’ai vu un médecin passer, je l’ai abordé en lui expliquant la situation. Il est parti et m’a ramené deux boites d’Azithromycin. Il m’a dit qu’ils n’avaient plus de chloroquine pour le moment.

Un service inhospitalier et criminel

Sur les conseils du médecin, j’ai pris 4 des comprimés qu’il m’a donnés. J’étais en jeûne, et par conséquent, je n’avais rien mangé de la journée. Le médecin a bien fait de manquer de me dire que les cachets étaient lourds et qu’ils allaient me secouer d’une violente secousse. J’étais fatigué et affaibli. Mais, malgré cela, il n’y avait personne pour me dire quelque chose.

Je me suis retrouvé devant le fait accompli, personne ne me venait en aide. En marchant, j’ai croisé un homme de ménage et je lui ai demandé si je pouvais occuper un lit vide dans une chambre quelconque. La réponse était affirmative et c’est là que j’ai pu m’allonger. J’ai contacté un frère qui m’a amené des fruits. J’allais m’évanouir dans peu de temps. Et c’est jusque vers 20 heures qu’on a daigné nous apporter à manger.

La déprime et le mal être des infectés

Guérir du coronavirus est la règle, mourir en est l’exception. Mais ici, on mourrait plus vite de l’ignorance de ce qui se passe que de la maladie. Les malades ne sont pas rassurés, on ne bénéficie d’aucun soutien psychologique. Vu l’état des choses, je pense que ce serait trop demandé, étant donné qu’on ne nous parle presque pas. Ils nous donnent des comprimés sans nous dire quel effet ceux-ci auront sur nous et à quoi on doit s’attendre. Les docteurs passent rarement dans nos chambres.

Une fois, le chef de centre est venu nous rendre visite et nous a fait quelques examens de routine. Lui et moi avons échangé et je lui ai fait remarquer qu’on avait besoin de masque et forte fut ma déception quand il m’a dit qu’il n’y en avait pas et que s’il ne venait pas nous voir assez souvent c’est parce qu’ils n’ont pas les équipements nécessaires.

Le leurre du gouvernement

Imaginez le pire et vous serez encore bien loin. Derrière la couverture médiatique habilement dessinée pour faire croire au public à une bonne gestion de la crise, se cache une autre réalité. Les patients ont l’impression d’être entre les mains de leurs bourreaux. La faim règne, les mets servis sont incapables de rassasier des adultes comme nous. On se croirait à la cantine d’une crèche. On manque d’eau. Au début, on nous donnait des bouteilles d’un litre, finalement la donne a changé, c’est de petites bouteilles de 0,5litre. On est déshydraté et pourtant on est sous traitement.

Je suis sceptique et la question que je me pose est la suivante : où vont les sommes faramineuses débloquées pour la cause ?

 

Tant bien que mal, qu’on essaie d’être optimiste. L’insalubrité des toilettes nous expose à toutes sortes de maladies infectieuses. Faut-il rappeler, si on est là, ce n’est pas pour en ressortir souffrant. J’ai eu à échanger avec des employés qui m’ont dit être là pour travailler et qu’aucun salaire n’a été fixé. Ils ne sont pas payés et n’ont aucune idée de quand et à combien ils le seront. Eclairez-nous, et expliquez-nous ce qui se passe. A ce jour on compte dans les 500 cas positifs. L’Etat n’est-il pas en mesure de nous prendre tous en charge ?

L’irresponsabilité des autorités sanitaires

Vu tout le bruit qui est fait, on ne croirait jamais à une telle négligence de la part des autorités. La façon dont ils viennent chercher les infectés en parade se révèle comme étant un moyen pour amuser la galerie. Ce qu’ils aiment, c’est la panique qu’ils créent autour d’eux, sinon l’état des choses ne les préoccupe pas. Une fois que tu as été cherché avec l’ambulance, tu es assimilé à un déchet. Aucun professionnalisme, aucune implication du personnel.

Il ne faut pas faire preuve de mauvaise foi, mentionnons qu’il y a toujours des exceptions. Un médecin d’ici se démarque par son affabilité, mais malheureusement on ne le voit pas tout le temps. Je veux prendre le temps de le remercier, de remercier le chef de centre et toutes les autres personnes qui s’impliquent sincèrement afin de pouvoir combattre ce virus. Qu’Allah vous bénisse abondamment!»

Issiaka TRAORE

Bamako, le 2 avril 2020

Source: Le Témoin

 

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