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Que sont-ils devenus ? Laurent Diakité : Quand le micro forge le destin

” Il est 22h 45 mn, vous êtes sur radio Mali, c’est l’heure de votre émission “La balade du noctambule”“Samedi loisirs, c’est votre plateau de détente qui donne un sens à votre week end. Il se passe de tout commentaire”. Ces mots rappellent la voix de Laurent Diakité sur les ondes de Radio Mali et de l’Ortm. L’homme avait une voix radiophonique séduisante. Après plus de trois décennies derrière le micro à Bozola, siège de la radio, il a fait valoir ses droits à la retraite le 31 décembre 2014. Depuis, il fait des consultations pour les ONGs. Nous avons rencontré Laurent Diakité à son domicile aux “759 logements” de Yirimadio pour parler de son parcours, mais aussi des circonstances qui l’ont conduit devant le micro à un moment où il était sidéré par la fermeture des écoles au Mali en 1980. Regrette-t-il le micro ? Non ! Répond l’enfant de Ségou. Parce qu’au moins le micro lui a permis aujourd’hui de se faire un chemin. S’il ne l’avait pas choisi, qu’est ce qu’il serait devenu ? L’absence de réponse à cette question démontre à suffisance qu’il a choisi le bon chemin. Laurent Diakité est notre héros du jour dans le cadre de votre rubrique préférée ” Que sont-ils devenus ?”

Les téléspectateurs de la Radiotélévision du Mali ne cessaient de dénoncer ou même de critiquer le goût affiché de l’animateur vedette de l’émission Jouvence, feu Thierno Ahmed Thiam, pour les musiques européennes. Lui-même a l’habitude d’affirmer sur le plateau qu’on l’apostrophe en ville par rapport à ses choix de la musique occidentale. Puisqu’il avait sa conviction, une partie de son public se rabattra finalement sur une autre émission musicale “Samedi Loisirs”. Parce que l’animateur Laurent Diakité jouait plus de mélodies maliennes et africaines. Mais autant Thierno Ahmed Thiam avait une pédagogie enviable dans l’animation, autant Laurent Diakité avait aussi le secret d’une animation simple où chacun trouvait son compte dans un français facile. Pourquoi cette démarcation ?  L’enfant de Ségou donne les raisons : “Mon ami et frère Thierno Ahmed Thiam était un excellent animateur qui aimait beaucoup les musiques européennes, les concerts au stade de Wembley. Cela pouvait intéresser une autre génération. Je me suis dit qu’il faut choisir un autre angle pour gagner plus de public, en donnant une place de choix aux musiques maliennes et africaines. Un journaliste, un animateur, sont plutôt jugés par les téléspectateurs et les auditeurs. Ils n’hésitent pas à vous donner des directives sur votre émission, à chaque fois que l’occasion se présente. Mieux, j’ai compris aussi qu’il faut faire la promotion de notre propre culture.”

Evidemment, Laurent Diakité a fait la promotion de cette musique malienne en présentant des artistes inconnus comme Dogoba Seydou, Kalory Sory, le groupe Nawary, etc …

Un samedi de 1988, il a passé une prestation de Yah Kouyaté, très jeune à l’époque et qui est même montée sur une table. La jeune fille a séduit les téléspectateurs, au point que Laurent Diakité a prédit ce jour qu’elle sera dans l’avenir une grande vedette de la musique malienne. Le temps lui a donné raison aujourd’hui.

Quand nous lui avons rafraichi la mémoire sur ces déclarations, il ne s’est pas rappelé. Cela date de très longtemps, et en plus, il a fait la promotion de beaucoup de jeunes artistes.

L’un des côtés positifs de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”, c’est son aspect instructif, non seulement pour les lecteurs, mais aussi pour nous qui l’animons.

A travers nos recherches, nous apprenons et découvrons plus que nous en savions déjà. C’est le cas avec Laurent Diakité. En l’entendant sur Radio Mali ou en le voyant sur le petit écran, nous ignorions que Laurent justifiait d’un cursus supérieur après les deux parties du baccalauréat de la vieille Ecole du Mali, dans les années 1970.

Le tournant du destin

Originaire de Ségou, Laurent Diakité est né le 8 aout 1952. Il fit ses études primaires à l’école régionale, puis à l’établissement de la mission catholique de la cité des Balazans. Son échec au DEF en 1972 poussa son père à l’envoyer à San à l’école fondamentale Baboudjoni. Une fois le sésame en poche, il est orienté au lycée Askia Mohamed. Au bout de trois ans, il décroche les deux parties du baccalauréat (séries lettres modernes, philo-langues), et emprunta le chemin de l’Ecole normale supérieure (Ensup). A un pas de la fin de ses études, les autorités politiques du pays ont fermé les établissements scolaires, pour cause de grève. C’était en 1980.  Des milliers de jeunes se retrouvèrent dans les rues, d’autres retournèrent au village. Ce moment de flottement dévia le devenir du jeune Laurent Diakité. Comment ? “Plongé dans un chômage forcé en 1980, je n’avais rien à faire, sauf qu’à vadrouiller en ville. Je rendais visite à un ami à l’hôtel de l’amitié et de retour je bifurquais à la Radio Mali où mon cousin Vincent Traoré était chef de division des informations. C’est ainsi qu’il m’a dit un matin que l’Allemagne a ouvert une école à Ouagadougou qui s’occupe du monde rural. Pour la circonstance, le besoin portait sur un journaliste et un technicien. Vincent m’a conseillé de tenter ma chance. Puisque l’avenir paraissait incertain avec l’année de suspension des cours, je me suis inscrit immédiatement. Dieu merci, j’ai été admis. Voilà comment j’ai migré du chemin de l’enseignement vers le micro”.

Après deux ans de formation, Laurent Diakité retourne avec le Diplôme universitaire de technicien supérieur, option Production radiophonique. Il intégra la Fonction publique (FP) en 1983, c’est-à-dire juste avant que l’ajustement structurel imposé par les bailleurs n’aboutisse au  concours d’entrée à la FP, couronné par  une formation militaire sous la forme du Service national des jeunes. Ce n’est plus un Laurent Diakité à Bozola comme visiteur chez Vincent Traoré, son cousin. Il est maintenant un enfant de la boite, le destin l’a voulu ainsi.

De simple observateur, la Direction de la radio lui confia la tâche de régisseur d’antenne pendant quelques mois. Admis au test micro avec feu Samba Ousmane Touré, directeur des programmes, il commença réellement le travail d’homme de radio, avec les avis et communiqués en français, le choix des auditeurs de chaque dimanche matin sur la radio nationale. Les nostalgiques se rappelleront surement de l’animateur attitré de l’époque, feu Papa Oumar Sylla.

Doté d’une volonté de bien faire, Laurent fait un saut dans l’émission “Magazine-Jeunesse et Développement” animée par Tiémoko Macalou, en réalisant des rubriques et des interviews. La promotion de son mentor Macalou à d’autres fonctions lui offre l’occasion de s’emparer de ladite émission jusqu’en 1992, avec un pied à la télé qui a vu le jour le 22 septembre 1983. La voix radiophonique de Laurent, sa simplicité dans l’animation et son esprit de créativité feront de lui un animateur multidimensionnel avec sous sa coupe plusieurs émissions radio et télé, notamment “la balade du noctambule”“Samedi loisirs”“Cadence dimanche”“Ambiance midi”. Il a également animé l’émission “Jouvence” pendant six mois, au moment où Thierno Ahmed Thiam avait bénéficié d’une bourse d’études de six mois sur l’Angleterre.

Si l’enfant de Ségou a un totem dans la vie, c’est l’immobilisme intellectuel, raison pour laquelle il s’est toujours battu pour un perfectionnement dans le cadre de sa profession d’homme de média. C’est ainsi qu’il effectua un stage en 1987 à “Radio Caire” en Egypte, ensuite à Rabat au Maroc en 1995. Il retourne encore sur ses traces à Ouagadougou pour une formation sur la radio production. Ses études à l’Ehetc financées par l’Eglise catholique et sanctionnées par un Master en communication consacrent son ascension comme journaliste réalisateur. Paradoxalement, Laurent Diakité décline l’offre relative à la présentation du journal télévisé. Parce qu’il se sent mieux dans sa peau de producteur que de reporter. C’est-à-dire qu’il préfère travailler pour le journal, que de le présenter.

Comme bons souvenirs, Laurent en a beaucoup, mais l’enfant de Ségou retient surtout son premier contact avec le micro et en direct pour l’animation de “Jeunesse et Développement”. Tiemoko Macalou étant absent, Kerfala Kouyaté devrait animer l’émission. En plus d’avoir demandé au jeune Laurent de choisir les différentes K7 de musique, il le surprend en lui demandant d’animer l’émission. Certes, son ainé l’a mis en confiance, mais force est de reconnaitre que son cœur a tremblé. Qui ne risque rien, n’a rien. Laurent prend son courage à deux mains et frappe très fort. Ce qui fut un déclic pour le reste de sa carrière.

Autre bon souvenir, c’est le jour où il a remplacé dans la cabine le technicien du jour qui était en retard.

Avec Mamadou Tamboura, ils ont animé le choix des auditeurs du dimanche matin. Mais il a conseillé à l’animateur de ne pas prononcer le nom du technicien. Le chef des techniciens étonné par de tels faits inhabituels se rend à la radio pour s’enquérir des nouvelles qui lui paraissaient très bizarres. Sa surprise fut grande en apprenant que Laurent Diakité a dirigé la technique pendant un bout de temps et par tâtonnement, parce qu’il n’a aucune connaissance de la partie technique.

Après 32 ans de service, Laurent a fait valoir ses droits à la retraite en décembre 2014. Une longue et riche carrière administrative qui lui a permis de parcourir le monde et de côtoyer les grandes personnalités.

Le seul mauvais souvenir qu’il retient de son parcours à l’Ortm est consécutif à une suspension dont il a été victime, pour un fait qu’il n’a pas commis. Comment les choses se sont-elles passées ? Laurent Diakité revient sur cette suspension : “Cette suspension est intervenue en 1998, quand le journaliste Ibrahim Thiocary a profité d’une mission à Ségou pour réaliser un reportage dans une boite de nuit à Mopti.

En réalité, il voulait démontrer à travers cet élément que les jeunes n’auront plus à se déplacer jusqu’à Sevaré pour se divertir. Il m’a remis et j’ai fait passer le reportage dans mon émission “Samedi Loisirs”.

Les responsables ont pensé que nous avons pris de l’argent pour faire la promotion de la nouvelle boite de nuit. Thiocary, en répondant à la demande d’explication, dit clairement que je n’y étais pour rien. Peine perdue, j’ai écopé d’une suspension de trente jours et Ibrahim Thiocary a été suspendu jusqu’à nouvel ordre. Les téléspectateurs n’ont pas senti mon absence, parce que la période de suspension a coïncidé avec la coupe du monde de France 1998″.

La retraite est une chance, soutient-il, seulement faudrait-il être en bonne santé et avoir d’autres opportunités pour compenser la nouvelle aventure. Son statut de consultant confirme cette assertion.

O. Roger SISSOKO

Source: Aujourd’hui Mali

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