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Quand un diplomate français « se rebelle » contre le Quai d’Orsay

C’est un acte suffisamment rare pour ne pas être occulté : l’ambassadeur sortant de France à Bamako, Gilles Huberson, s’est délibérément affranchi des consignes écrites du ministère français des affaires étrangères interdisant la délivrance du visa d’entrée sur le territoire français aux sportifs africains mineurs. Fait tout aussi inédit, le diplomate assume sa décision avec une certaine fierté.

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« J’ai pris sur moi de continuer à délivrer le visa à des jeunes sportifs maliens. C’est ainsi qu’un jeune footballeur malien [Adama Traoré] à qui j’ai accordé le visa est devenu le meilleur joueur de la Coupe du monde de moins de 20 ans en 2015 », a expliqué à Paris M. Huberson, en marge de la traditionnelle rencontre des ambassadeurs de France, fin août à Paris.

Même s’il s’abstient de présenter sa posture comme un acte de rébellion, l’ambassadeur de France à Bamako n’en critique pas moins l’incohérence de la décision de priver les sportifs africains mineurs de visa pour la France.

« Si l’Espagne avait appliqué cette mesure, a-t-il soutenu, le jeune Argentin Lionel Messi ne serait jamais devenu la star qu’il est aujourd’hui. »

Censées combattre les réseaux mafieux qui exploitent les sportifs africains mineurs, les consignes du Quai d’Orsay privent tout autant la France de leurs talents. M. Huberson a donc trouvé une autre solution que la généralisation de l’interdiction du visa à tous les sportifs maliens mineurs.

Un dispositif qui fonctionne « à merveille »

« J’ai continué à accorder le visa en faisant de l’agent du sportif mineur le garant de son retour. Et, comme pour cet agent, l’enjeu c’est de continuer à pouvoir obtenir les visas pour les sportifs, mon dispositif fonctionne à merveille. Je n’ai enregistré aucun échec », s’est vanté l’ambassadeur de France à Bamako.

Dans le petit monde feutré de « leurs excellences », plus enclines à appliquer à la lettre et sans murmure les ordres venus de Paris, Gilles Huberson présente un profil atypique. Il a en effet été officier d’active dans l’armée française pendant quinze ans (1981 à 1996) après son passage par l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr.

Résultat, le diplomate n’a ni la réserve ni la langue de bois qui peuvent rendre indéchiffrables certains discours du Quai d’Orsay, y compris sur des sujets sensibles comme le terrorisme.

« Je suis responsable de ce qu’une partie du Mali est en zone rouge dans la rubrique “Conseils aux voyageurs” et je l’assume. Mais je refuse de mettre Bamako en zone rouge au motif qu’il y a eu l’attaque terroriste de novembre 2015 contre l’hôtel Radisson Blu. Car, si on étend la zone rouge à Bamako, on doit faire autant pour Paris », a martelé M. Huberson, ancien responsable de la lutte contre le terrorisme au Quai d’Orsay.

Pour avoir eu une telle franchise, Laurent Bigot, un des anciens collègues de Gilles Huberson, avait dû quitter, en 2012, le ministère des affaires étrangères. C’était sous le magistère de Laurent Fabius, qui n’a pas laissé que de bons souvenirs aux diplomates français, à en croire l’ouvrage de notre confrère Vincent Fauvet intitulé La Face cachée du Quai d’Orsay. Enquête sur un ministre à la dérive (éd. Robert Laffont, 2016).

Seidik Abba

chroniqueur Le Monde Afrique

Source: lemonde

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