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Projet de révision de la Constitution : ‘’Il faut être pragmatique !’’

Les pourfendeurs du projet sont très actifs. Leurs arguments sont concentrés sur une dizaine d’aspects qu’il convient de présenter afin de leur porter une réplique objective et utile à la bonne compréhension de nos compatriotes. 

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Nous devons tous nous investir, soutien ou opposant au projet, à expliquer à nos compatriotes que le referendum est pour ou contre la révision constitutionnelle, mais pas pour ou contre le président IBK ! Cette situation est malsaine et pollue l’atmosphère. Il ne faut pas confondre, ni faire d’amalgames, ou encore anticiper la campagne de l’élection de 2018 en cette année 2017. Chaque chose en son temps !

L’opposition politique reproche au processus son caractère unilatéral et non consensuel en dénonçant l’absence de concertation en amont du projet. Cela est dénoncé par l’opposition politique comme elle a dénoncé en son temps sa non implication au processus ayant conduit à l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus d’Alger. L’opposition politique confond concertation et acceptation de ses desiderata. Dans le processus de révision, ses leaders ont été conviés par la commission de loi de l’Assemblée nationale pour présenter leurs observations sur le projet.

Cette commission a écouté plus d’une centaine de responsables politiques et de la société civile, d’anciens Premiers ministres et Ministres, des groupes armés…Elle s’est rendue sur le terrain et a écouté les positions des représentants des populations. Pendant les débats à l’Assemblée, la plupart des amendements de l’opposition (37 sur 43 soit plus de 85%) comme ceux de la majorité ont été intégrés dans le texte dont la mouture finale est très éloignée de son avant-projet. Auparavant, le comité d’experts commis pour la préparation de l’avant-projet de révision de la Constitution avait auditionné plusieurs dizaines de cadres et responsables de notre pays. Ce processus de révision aura donc été au moins aussi consensuel que ceux de 2001 et de 2012. Cela est-il suffisant ?

Le second argument avancé par ceux qui dénoncent la révision porte sur l’Insécurité dans le pays et donc l’impossibilité d’organiser le scrutin sur l’ensemble du territoire. Cela est vrai, mais il faut mener cette réflexion en profondeur et reconnaitre que l’insécurité qui sévit dans notre pays perdurera encore quelques années. Faut-il pour autant suspendre toutes les consultations en attendant une sécurisation totale de notre territoire ? Cela reviendrait à reporter les élections locales et régionales annoncées, mais également, sans doute, les élections présidentielles et législatives de 2018. Cela est-il souhaitable pour notre pays ? Il faut être pragmatique et accepter des consultations électorales là où cela est possible tout en œuvrant à accroître la sécurité sur le territoire.

La question de l’article 118 de la Constitution qui stipule qu’aucune révision du texte fondamental n’est possible quand elle porte atteinte à l’intégrité du territoire, est un des arguments phares des opposants au projet de révision. Cet article, comme de nombreux autres, est un emprunt à la Constitution française de 1958 qui le tire de celle votée après la seconde guerre mondiale. Cette disposition faisait écho de l’attitude du régime de Vichy qui modifia la Constitution quand la France était occupée, sous la pression des Allemands et dans le but de satisfaire à leurs exigences. Les autorités d’après-guerre en France ont ainsi scellé dans la Constitution l’impossibilité de l’amender quand l’intégrité du pays est menacée, autrement dit quand une force donnée à des velléités d’occupation ou occupe effectivement une partie du territoire national pour y exercer sa souveraineté. C’est l’esprit de cet article 118 de notre Constitution actuelle.

La question qui se pose dès lors est la suivante : Est-ce que l’intégrité territoriale de notre pays est aujourd’hui menacée ? Les forces qui sèment le désordre dans certaines parties du territoire entrainant le repli de l’Etat de ces zones, peuvent-elles être assimilées à des forces occupantes ayant des ambitions politiques ou territoriales ? Les forces de la CMA qui occupent une partie de la région de Kidal peuvent-elles être assimilées à une puissance occupante alors qu’elles ont reconnu, à travers l’Accord d’Alger, l’intégrité du territoire national ? Il faut reconnaitre que non. Il n’est ni politiquement acceptable et ni juridiquement fondé d’arguer que l’intégrité territoriale du Mali est menacée comme c’était par exemple le cas dans la seconde moitié de l’année 2012.

La création du Sénat, seconde chambre du parlement, est un grief fait au projet de révision en raison du caractère budgétivore de cette Institution et de son utilité relative, quand on voit le peu d’impact de l’Assemblée nationale sur la vie publique dans notre pays. Ces arguments sont recevables et certains pays s’y sont basés pour supprimer leur Sénat. Dans notre cas, la légitimité du Sénat se trouve d’abord dans l’Accord de paix et de réconciliation issu du processus d’Alger. Mettre en place le Sénat est un engagement de l’Etat dans le cadre du processus de paix. Ensuite, il s’agit d’accroître la représentativité de nos institutions publiques afin qu’une bonne partie du peuple malien s’y reconnaisse. Certaines légitimités traditionnelles ou religieuses, certaines compétences de la société civile peuvent renforcer notre cadre institutionnel et contribuer à stabiliser le pays.

Le Sénat permet de leur attribuer des fonctions sans les forcer à arpenter le chemin politique. Si ces possibilités permettent d’inclure dans le processus étatique des personnalités pouvant s’engager dans des voies constructives et épargner ainsi au pays des secousses aux conséquences désastreuses, le Sénat en serait utile au Mali. Autrement dit, si une Institution qui coûte 10 milliards par an, permet d’épargner au pays des troubles qui lui coûteraient 100 milliards, elle doit être la bienvenue ! Il ne faut oublier que la création du Sénat était déjà prévue dans les deux précédentes tentatives de révision de la Constitution malienne.

Le président a une légitimité incontestable

La nomination du tiers des membres du Sénat par le chef de l’Etat est contestée au motif que cela accroît les prérogatives du Président de la République et lui servira à caser ses affidés sans aucune valeur ajoutée pour le pays. Ce mode de désignation de certains sénateurs est utilisé par certains pays comme la Côte d’Ivoire et anciennement le Sénégal. D’autres modes de désignation existent. Pour ce qui nous concerne, il est à mettre en parallèle avec l’une des raisons pour lesquelles le Senat est souhaité et qui a été développé plus haut. Les personnalités apolitiques ne pourront pas être intégrées au Sénat par des élections. Le Président, de par ses fonctions, est la première Institution du pays, élu au suffrage universel, garant de l’indépendance du pays et de l’unité nationale.

Il dispose en principe des relais sociaux, des informations adéquates et des capacités requises pour identifier et retenir les ressources humaines les plus appropriées pour exercer la fonction de sénateur dans la catégorie de celles, ne passant pas par les élections afin de siéger au Sénat. Les mêmes explications sont valables pour la nomination du Président de la Cour Constitutionnelle par le chef de l’Etat. On peut comprendre qu’en laissant les neuf sages de cette auguste Cour désigner parmi eux leur Président, on prendrait le risque de voir se développer des manœuvres et autres intrigues susceptibles d’entamer la cohésion du groupe et donc son fonctionnement optimal. Il est vrai que d’autres voies pouvaient être empruntées pour la désignation du Président de la Cour Constitutionnelle, comme celui de la Cour Suprême. On peut donc estimer que les griefs des opposants au projet, sur ce plan, sont objectifs quand ils estiment que cela présidentialise notre Constitution.

En revanche, la détermination de la politique de la nation par le chef de l’Etat et la possibilité pour lui de révoquer le Premier ministre sont tout à fait naturelles. Il faut là également, se rendre à l’évidence. Le Président a une légitimité incontestable. Le Premier ministre et le Gouvernement bénéficient eux d’une légitimité déléguée par la volonté du Chef de l’Etat et en rapport, théoriquement, avec la configuration de l’Assemblée nationale. Vu que le Président est la première Institution et dispose en plus du pouvoir de dissoudre l’Assemblée, il reste le Chef. Cela ne fait l’objet d’aucun doute, surtout dans nos pays. Ces nouvelles dispositions prises dans le cadre de la révision constitutionnelle ne sont donc que la traduction littérale des réalités institutionnelles et de fonctionnement de nos pouvoirs publics.

Il est reproché au projet de révision de la Constitution de consacrer l’impunité du chef de l’Etat par l’article qui stipule que le Président ne peut être traduit, durant son mandat, devant les juridictions et qu’il ne peut être entendu comme témoin ou encore qu’aucune action ne puisse être engagée contre lui. Il faut noter que cette disposition est classique et observée dans de nombreux autres pays en rapport avec la stature de la fonction présidentielle et de la nécessité de préserver l’Institution. Les poursuites éventuelles pour des infractions de droit commun sont gelées pendant le mandat et peuvent être réactivées à la fin de celui-ci. Il ne s’agit donc que de protéger le chef de l’Etat pendant son mandat afin de lui permettre d’exercer celui-ci dans la sérénité. Toutefois, la révision a innové en définissant un cadre pour mettre éventuellement en accusation le chef de l’Etat dans certains cas de figure. La haute trahison a désormais un contenu (violation du serment, cession d’une partie du territoire…). Ce qui accrédite l’idée, que contrairement à l’argumentaire des opposants, le projet de révision renforce l’arsenal juridique disponible pour mettre éventuellement en accusation le Président de la République.

La possibilité donnée au parlement pour amender la Constitution sauf dans certains domaines (nombre et durée du mandat du Président) est fortement contestée. Il faut noter que l’initiative de cette modification peut venir du Chef de l’Etat mais également du Parlement. La Constitution est un texte qui doit évoluer dans le temps et la pratique permet souvent de se rendre compte que certains de ses aspects sont à revoir. Il est difficilement envisageable d’organiser à chaque fois un referendum pour amender l’acte fondamental. On risque de figer la constitution et de rigidifier notre vie démocratique comme on l’a constaté ces vingt-sept dernières années dans notre pays. Permettre au Parlement d’amender la Constitution dans certains de ses aspects donne une marge de manœuvre utile qu’il serait dommage d’abandonner.

Toutes les parties de la Constitution ne sont généralement pas emblématiques. En prenant l’exemple sur les débats actuels, on se rend d’ailleurs compte que ceux qui critiquent la réforme ne s’appesantissent que sur une dizaine d’articles touchés sur plus de soixante-dix articles amendés. Ce qui veut dire qu’on aurait pu amender la Constitution sur plus de soixante articles sans susciter de débats dans le pays. Pourquoi, dans ces conditions, ne pas permettre au Parlement, directement ou sur initiative du Président de la République, de pouvoir modifier l’acte fondamental. Le débat devrait concerner le champ de cette modification.

Moussa MARA

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