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Problématique de l’emploi des jeunes au Mali (3è partie) : Impact de la Formation Professionnelle et difficultés de recrutement des entreprises

Au Mali, un certain nombre de facteurs fondamentaux ont induit ou exacerbé le chômage des jeunes, à savoir une poussée de la population jeune ; le déséquilibre des qualifications entre les produits du système éducatif et les besoins du monde économique ; une pénurie d’emplois décents et la crise économique mondiale. Le problème, en soi, ne date pas d’aujourd’hui, toutefois les récents événements survenus dans notre pays consécutifs à la crise dans les régions septentrionales ont, bien entendu, rendu plus impérieux, mais également plus problématique, la recherche de solutions au problème du chômage des jeunes. Cette crise a exercé une pression sur les jeunes populations déjà éprouvées. À cela, il faut ajouter le fait que la population jeune actuelle est entrée dans un environnement de l’emploi en pleine mutation : ils sont nés dans une période où les emplois garantis du secteur public étaient la norme, mais sont arrivés à maturité dans une économie de plus en plus globalisée où leur éducation et leur formation ne leur donnent pas les moyens de soutenir la concurrence.

Dans les 1ère et 2è parties du dossier consacré à la problématique de l’emploi des jeunes au Mali, la création et le développement des Très Petites et Moyennes Entreprises (TPME) surtout innovantes et compétitives et l’apport des entreprises ont été traités comme des facteurs importants dans la recherche de solutions liées à la réduction du chômage des jeunes. La troisième (3è) partie de cette contribution va examiner deux volets importants du dispositif de réduction du chômage des jeunes : l’impact de la formation professionnelle en termes de retour à l’emploi et les difficultés de recrutement des entreprises. Il est à noter que pour améliorer l’impact de la formation professionnelle en termes de retour à l’emploi et réduire les difficultés de recrutement, il est donc important de comprendre la manière dont les postes sont pourvus et de renforcer les capacités de recrutement des entreprises. Comme à l’accoutumée, après analyse des difficultés, des pistes de solutions seront proposées pour mieux prendre en compte cette dimension dans l’analyse des dysfonctionnements sur le marché du travail.

  1. IMPACT DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

La mauvaise articulation entre formation et monde professionnel combiné à un marché du travail compétitif et rigide entraînent une longue période de précarité entre fin des études et premier contrat d’embauche au Mali. Les employeurs, tout en déplorant une pénurie de compétences “soft skills” (en anglais), disent ne pas être satisfaits avec le niveau de compétences de jeunes diplômés qui sortent de nos écoles. En fait, le problème qui se pose au Mali, c’est que des emplois n’ont pas été créés assez rapidement pour absorber la population jeune en forte augmentation et le niveau de capital humain qui est produit ne correspond pas tout à fait aux besoins du marché de l’emploi.

Pourtant, depuis plus d’une vingtaine d’années, les politiques en faveur de la formation professionnelle se sont multipliées. Elles sont, en effet, perçues comme un des principaux leviers de la lutte contre le chômage puisqu’elles sont censées réduire les difficultés de recrutement liées à l’inadéquation entre l’offre et la demande de compétences sur le marché du travail. Au demeurant, l’accès à un emploi peut, en effet, s’opérer par plusieurs voies : soit après une formation initiale ou continue, par exemple ; soit privilégier certains profils de jeunes débutants, actifs expérimentés ou de demandeurs d’emploi. Étudier ces chemins vers l’emploi permet d’éclairer la nature du lien entre formation et emploi. Cependant, force est de constater que les plans massifs de formation et l’élévation du niveau de diplôme ont eu peu de prise sur le taux de chômage des jeunes.

2°) Propositions de solutions

A la lumière des difficultés enregistrées, nous dégageons quelques solutions qui sont les suivantes :

1- Lier études et apprentissage du métier dès le 1er cycle

C’est un système innovant dans la lutte contre le chômage des jeunes et contre les sorties prématurées du système scolaire : le cumul travail (job d’étudiant ou apprentissage) et études. La raison est simple : l’apprentissage permet de créer un lien privilégié entre les jeunes en particulier et les entreprises qui les forment et qui pourraient les garder ensuite, selon leurs besoins. En motivant les jeunes et en leur offrant une formation et une voie alternative à l’école pour qu’ils s’insèrent sur le marché du travail, l’apprentissage dès le scolaire permet aux jeunes de déterminer l’orientation de leurs métiers futurs et même s’ils n’arrivent pas à terminer les études, les bases nécessaires à son apprentissage lui permettent de s’en sortir. L’important, ici, est d’accompagner les plus défavorisés. Car ce sont les plus susceptibles de subir une longue période d’inactivité.

2- Renforcer les contrats d’apprentissage et de professionnalisation.

Dans ce volet, qui nécessite la création de comités d’insertion, il faut tout d’abord adapter le système éducatif aux évolutions de la société et outiller les jeunes non-qualifiés pour qu’ils aient quelque chose à proposer sur le marché du travail. Ensuite, il faut faciliter l’insertion professionnelle des chômeurs rencontrant des difficultés sociales et professionnelles d’accès à l’emploi. Enfin, il faut promouvoir un accompagnement financier pour favoriser la formation et le retour à l’emploi.

3-    Inciter les universités à publier les statistiques d’insertion professionnelle.

Ce volet, ayant pour objectif de favoriser les formations en adéquation avec le monde professionnel, consistera à mettre en place une transparence systématique comprenant éventuellement la durée de la recherche du premier emploi, le pourcentage des anciens élèves ayant trouvé un premier emploi en moins de quelques mois à la sortie de l’école, le classement des salaires à la sortie de la formation…

4 – Inciter les universités à promouvoir des études plus modulaires avec le monde professionnel.

Ce volet est destiné aux étudiants dont les formations sont finalement peu adaptées à ce qu’ils souhaitaient entreprendre ou qu’il y a peu de débouchés dans leur secteur d’activité. De plus, on pourrait imaginer une formation universitaire plus souple sous forme de modules permettant d’insérer plus facilement des stages quand les étudiants en ont financièrement besoin et de reprendre aisément leurs études par la suite. Chacun de ces modules serait de courte durée (quelques semaines ou mois) et autonome, ce qui permettrait aux jeunes de personnaliser eux-mêmes leurs formations dans l’ordre qu’ils souhaitent et selon leurs aspirations professionnelles.

5- Promouvoir davantage  l’apprentissage.

Les employeurs peuvent aussi jouer un rôle en promettant des emplois aux jeunes (à la suite d’un rigoureux processus de recrutement) et assumer la responsabilité de payer l’intégralité ou du moins une partie des coûts de certains diplômes. C’est-à-dire accorder aux étudiants une allocation mensuelle à partir de la deuxième année des études. En retour, ceux-ci s’engagent (pendant un nombre d’années égal à celui durant lequel ils auront perçu l’allocation) à choisir une spécialité moins représentée ou à s’installer dans une zone où le profil est rare ou introuvable. Et Dieu seul sait qu’ils n’en manquent pas dans notre pays.

  1. DIFFICULTES DE RECRUTEMENT DES ENTREPRISES

Le développement de la formation professionnelle et son adaptation au plus près des besoins des employeurs sont considérés comme un instrument central des politiques de l’emploi. L’absence de résultats positifs quant à l’insertion professionnelle des jeunes peut donc traduire le fait que, dans les processus de recrutement des entreprises, les caractéristiques individuelles jouent un rôle plus important que l’acquisition de savoirs et d’aptitudes. C’est pourquoi un des leviers pour améliorer l’appariement entre offre et demande de travail, au-delà du développement de la formation, consiste à améliorer la qualité de la gestion des ressources humaines des entreprises. De fait, les pratiques de gestion représentent un outil crucial pour améliorer l’appariement entre offre et demande de compétences et permettre ainsi aux entreprises d’accroître leur compétitivité.

1°) Difficultés des entreprises

Les pratiques de gestion de la main-d’œuvre demeurent sans doute un déterminant important des modes d’accès aux métiers. Ce changement de point de vue modifie considérablement le regard porté sur la relation entre emploi et formation professionnelle.

Dans ces conditions, la nature des difficultés reste très variable selon les critères souvent évoqués par les entreprises. Il s’agit de :

– la pénurie au profil adéquat des candidats ;

– le recours privilégié aux profils expérimentés ;

– le manque d’adaptation des formations aux besoins des employeurs ;

– la faible attractivité de certains métiers ;

– l’indisponibilité d’une main-d’œuvre compétente ;

– l’incertitude liée à la situation économique.

Autre constat qui entrouvre la porte à une autre interprétation des difficultés de recrutement, fondée non plus sur les défauts de compétences des actifs mais sur la qualité de la gestion de la main-d’œuvre pratiquée par les entreprises. Cette approche, complémentaire à la première, appelle la mise en œuvre de politiques de formation différenciées, selon les secteurs ou les profils.

Reste que cette gestion de la main-d’œuvre est complexe à appréhender car de nombreux facteurs entrent en ligne de compte. Quelle doit être la structuration des Ressources Humaines (RH) d’une entreprise (c-à-d procédures mises en œuvre pour la sélection des candidats, la catégorie du “recruteur” (chef d’entreprise, responsable des RH, etc.), mais aussi son niveau d’implication dans les recrutements)? Quelles sont ses pratiques en matière de recrutement et de formation ? Avec d’importantes variations selon les métiers et les secteurs, ces entreprises tendent à privilégier l’expérience et la motivation comme indicateur de la capacité des candidats à satisfaire aux exigences d’un poste. Dès lors, les difficultés de recrutement ou les pénuries invoquées changent de visage : elles pourraient refléter non pas une inadéquation entre compétences détenues et compétences attendues mais plutôt les propres difficultés des employeurs à identifier la capacité des candidats. En améliorant en amont la gestion des ressources humaines, il deviendrait dès lors possible d’améliorer l’impact de la formation sur le retour à l’emploi. Pour les pouvoirs publics, il deviendrait possible de mieux cibler les réponses aux besoins en ressources humaines des entreprises, qu’ils relèvent de la formation initiale ou continue, de dispositifs d’emploi ou d’appui et d’accompagnement.

Promouvoir une telle démarche suppose que les acteurs institutionnels (l’État et les partenaires sociaux) sortent d’une logique “adéquationniste” axée sur le “tout formation “. Cela suppose aussi que le monde de l’entreprise prenne ses responsabilités dans l’identification de ses besoins en compétences.

2°) Propositions de solutions pour les entreprises :

1-    Impliquer l’Etat à faire assumer aux entreprises leur rôle de transition professionnelle.

La solution la plus simple serait que les entreprises partent du postulat que les étudiants ne peuvent avoir des compétences en parfaite adéquation avec ce qu’elles recherchent et qu’elles acceptent de les former en créant des liens entre formations et entreprises.

2-    mettre en œuvre une réelle gestion des compétences ;

3-    identifier et anticiper les besoins de compétences ;

4- évaluer le “potentiel” des candidats, c’est-à-dire leurs capacités à s’adapter aux différentes situations et aux évolutions possibles de l’activité ;

5- Proposer à l’Etat d’alléger la fiscalité des entreprises

6- Renforcer la mobilité des salariés de l’entreprise ;

7- Inclure systématiquement un volet sur les jeunes à chaque négociation entre les entreprises, l’Etat et les partenaires sociaux.

Toutefois, la responsabilisation et l’accompagnement des entreprises restent souvent traités de manière secondaire, avec des efforts qui portent essentiellement sur la seule phase de recrutement : aide à la définition des profils de poste, au processus du recrutement proprement dit ou encore à l’accueil du nouvel embauché. Pour lever ce paradoxe apparent, certains travaux mettent en avant l’idée que l’inadéquation entre les compétences attendues par les employeurs et celles détenues par les individus est en partie due au manque de structuration des RH de certains employeurs et à leurs difficultés à mettre en place une réelle gestion des compétences.

Mohamed Sacko

 Journaliste

 

Source: Aujourd’hui-Mali

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