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Primature : Un Maïga peut en cacher un autre

Le Colonel Abdoulaye Maïga, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, porte-parole du gouvernement depuis décembre dernier, a été désigné le 21 août 2022 pour assurer l’intérim du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, malade depuis maintenant un mois. Le nouveau chef temporaire du gouvernement a affirmé rester dans le sillage des instructions du Premier ministre, mais pour beaucoup sa présence pourrait marquer un nouveau tournant dans la transition.

Le Colonel Abdoulaye Maïga, 41 ans, qui ne faisait pas partie du « cercle des 5 colonels » qui ont pris le pouvoir en août 2020, est devenu sans conteste au fil des mois le visage des déclarations fortes des autorités de la transition.

Nommé ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation depuis le gouvernement Moctar Ouane, il est l’un des hommes de confiance du Colonel Assimi Goita. C’est donc sans grande surprise que le président de la transition l’a désigné pour assurer l’intérim à la Primature, le temps que le Premier ministre Choguel Maïga se remette de son indisponibilité.

Le Colonel Maïga imprime sa marque

À la tête du gouvernement, Abdoulaye Maïga n’a pas tardé à poser son empreinte. Quatre jours après sa désignation, dans une lettre circulaire en date du 25 août 2022, il exige des ministres l’observation de plusieurs mesures, dans le cadre de « l’efficacité du travail gouvernemental et de l’amélioration de la qualité des textes adoptés par le gouvernement en conseil des ministres ».

D’abord, la tenue des réunions de cabinet autour des dossiers inscrits à l’ordre du jour du conseil des ministres le lundi à partir de 08h00 au niveau des départements respectifs et la transmission des observations formulées sur les dossiers au secrétariat général du gouvernement le même jour avant 14h00.

Ensuite, la centralisation et la transmission au Premier ministre desdites observations par le secrétaire général du gouvernement. Par ailleurs, un conseil de cabinet doit se tenir le mardi à 10h00 à la Primature sur les observations des départements sur les dossiers du conseil des ministres et le secrétaire général du gouvernement doit tenir un procès-verbal de réunion faisant ressortir les observations pertinentes et les recommandations formulées. Ce procès-verbal du conseil de cabinet doit être transmis par le secrétaire général du gouvernement le même jour au Premier ministre par intérim.

Enfin, les communications verbales doivent être impérativement déposées au secrétariat général du gouvernement au plus tard le mardi à 8h00. Le Premier ministre par intérim a également interdit dans la foulée, sur instruction du président de la transition, les téléphones, montres et tout autre appareil électronique en conseil des ministres.

Rappelons que cette interdiction, qui n’est pas nouvelle, n’était plus vraiment de rigueur depuis le départ du Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga, qui l’avait instaurée en 2017.

« L’intérim exige une double mission : rester dans le sillage des instructions du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga et faire face aux défis quotidiens », a déclaré le colonel Abdoulaye Maïga le 29 août dernier, lorsqu’il a rencontré les membres du cabinet du Premier ministre. Depuis, le nouveau locataire temporaire de la Primature s’attelle à la tâche.

Audiences le 25 août avec le Président mondial de la Jeune chambre internationale (JCI) et le 2 septembre avec le ministre algérien des Affaires étrangères et de la communauté nationale à l’étranger. Présidence le 30 août d’un conseil de cabinet sur les dossiers à l’ordre du jour du conseil des ministres du mercredi 31 août 2022 et de la cérémonie de lancement de l’opération de recensement des agents des fonctions publiques de l’État et des collectivités le 1er septembre. Le chef du gouvernement par intérim ne fait que suivre le rythme effréné qu’il s’était jusque-là imposé à l’Administration territoriale, où, selon l’un de ses collaborateurs, le volume horaire a presque doublé au département depuis qu’il en a pris les rênes.

« C’est un grand travailleur, quelqu’un de très humble par rapport à ses connaissances intellectuelles. Il est très vigilent et très sociable avec ses collaborateurs. Il reconnaît la valeur de tout le monde et a une grande capacité d’écoute. Très assidu et rigoureux, il est très exigeant par rapport au rendement », nous confie cette source.

Un intérim bien accueilli

Le colonel Abdoulaye Maïga, qui a fait une partie de ses études en France, où il a notamment décroché un doctorat en sécurité internationale et défense à l’Université Jean Moulin de Lyon en 2011, et a travaillé notamment pour la CEDEAO, est un interlocuteur habituel des politiques, avec lesquels il a plusieurs fois échangé autour de de la mise en œuvre des réformes électorales en cours sous la transition.

Au lendemain de sa désignation pour assurer l’intérim du Premier ministre, la plupart d’entre eux l’ont bien accueillie. Le Rassemblement pour le Mali (RPM), après en avoir pris acte, a souhaité que ce tournant soit « une occasion de renforcer et d’étendre à l’ensemble du gouvernement l’esprit d’inclusivité que le colonel Maïga a imprimé au département de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, en vue d’une transition véritablement inclusive, apaisée et respectueuse de nos engagements ».

« Nous lui faisons confiance, le soutenons et lui souhaitons bonne réussite », dit pour sa part Bréhima Sidibé, Secrétaire général du parti de l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé, Fare An Ka wuli. Même son de cloche à l’ASMA-CFP, où l’on est convaincu que le colonel Maïga « est aujourd’hui celui qui incarne le plus la transition et est à même de maintenir le cap à la hauteur des défis du jour ».

« Le choix du Colonel Maïga me semble un choix cohérent, avec le fait qu’à travers son ministère il sera l’acteur principal des actions politiques en cours et à venir, telles que la mise en place de l’autorité indépendante de gestion des élections (AIGE), l’adoption d’une nouvelle constitution et le marathon électoral. Jusque-là il semble donner satisfaction pour attaquer les défis politiques à venir », relève également Dr. Amidou Tidjani, analyste politique et enseignant-chercheur à l’université Paris 13 (Sorbonne-Paris-Nord).

Pour Abdoul Sogodogo, vice-doyen de la faculté des sciences administratives et politiques (FSAP) de l’université de Bamako, il est important aussi de noter que cette désignation intervient à un tournant décisif de la gouvernance publique et que le choix porté sur le colonel Abdoulaye Maïga pourrait s’expliquer par plusieurs raisons.

« On observe une confiance croissante du président de la Transition en la personne du colonel Abdoulaye Maïga. D’abord, le Premier ministre avait été littéralement déchargé de fonction de porte-parole de fait du gouvernement. Ensuite, c’est bien le ministre de l’Administration territoriale qui livrait le contenu des messages du gouvernement, bien qu’il ne soit pas un véritable idéologue comme le Dr. Choguel Kokalla Maiga », rappelle-t-il.

AIGE, la mauvaise note?

Même si le Premier ministre intérimaire semble bénéficier d’un état de grâce de la part des acteurs politiques et de la société civile, la décision qu’il a prise au niveau de l’Administration territoriale de recourir à un tirage au sort pour désigner les représentants des partis politiques et de la société civile au sein du collège de l’AIGE continue d’être controversée chez les politiques et pourrait mener à une dégradation des relations jusque-là apaisées entre lui et eux.

« Nous pensons que ce sont des manières de faire qui sont de nature à réinstaurer une crise de confiance entre l’Administration territoriale et la classe politique. Nous ne voulons pas d’une crise pré-électorale, c’est pourquoi nous interpellons le président de la transition sur ce dossier de l’AIGE », avertit Sékou Niamé Bathily, chargé de la communication du RPM.

« Ce n’est pas la personne du colonel Abdoulaye Maïga qui compte. Ce sont les actes posés par l’administration elle-même. C’est elle qui doit veiller au respect des textes, mais si c’est elle qui viole en premier les lois, c’est inquiétant », clame-t-il.

« La gestion de la mise en place de l’AIGE peut avoir des lourdes retombées sur la gouvernance du Premier ministre intérimaire, en ce sens qu’elle peut nuire aux relations entre la classe politique et lui », affirme Abdoul Sogodogo.

Mais, selon Amidou Tidjani, cela ne devrait pas être un problème pour le locataire intérimaire de la Primature, parce que, soutient-il, « le colonel Maïga semble être quelqu’un d’intelligent, qui laisse les politiques mener leurs discussions dans un cadre d’échange qu’il met en place sans y participer directement et les laisse s’entre-déchirer ou se mettre d’accord avant de trancher à la fin ».

Le colonel Abdoulaye Maïga entre-t-il dans les critères d’un Premier ministre longtemps réclamé par une partie de la classe politique, notamment le cadre d’échange ? « Pour le cas d’un Premier ministre neutre, consensuel, rassembleur, nous attendrons avec intérêt l’évolution de l’état de santé du Premier ministre et la suite que le président de la Transition donnera à tout cela », répond Sékou Niamé Bathily pour le cadre, précisant que le Colonel Abdoulaye Maïga est là, selon ce qu’il a déclaré lui-même, pour continuer dans le sillage de Choguel Kokalla Maïga.

Choguel Maïga toujours hospitalisé

Absent depuis un mois, Choguel Kokalla Maïga a, selon nos informations, fait un accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique. Il est depuis le 9 août dernier hospitalisé à la clinique Pasteur de Bamako, où il a été admis suite à son malaise. Il y occupe depuis la chambre 114, une chambre VIP à 125 000 francs CFA la nuitée. Face aux flots d’informations parus sur son état de santé le 13 août, la cellule communication de la Primature a dans l’urgence fait une publication affirmant qu’il avait été mis au « repos forcé » pour une reprise de ses activités la semaine qui suivait. Mais, depuis, très peu d’informations circulent le concernant, ce qui a le don d’exaspérer certains « vidéomen » réputés proches de lui. Selon nos informations, si un temps, vers les 22 – 23 août, la possibilité d’une évacuation vers Johannesburg avait été évoquée, la décision a finalement été prise de le garder à Bamako, et, d’après notre source il se porterait mieux mais a encore des difficultés à s’exprimer. « Il parle lentement » assure-t-elle. Dr. Allaye Bocoum, l’un de ses proches, confie avoir reçu un message du chef du gouvernement le vendredi 2 septembre 2022, où il disait se remettre « de mieux en mieux ».

« Il y a vraiment de quoi se réjouir, car il est entre de très bonnes mains, dans une très grande sécurité et aucun laisser-aller dans le domaine de son intimité familiale n’a été permis », glisse celui qui révèle que le Premier ministre n’avait pris qu’une semaine de repos l’année dernière alors même que ses médecins lui avaient imposé un mois.

À l’en croire, Choguel Kokalla Maïga, dont le black-out total autour de l’état de santé découlerait de sa volonté personnelle, récupérera une bonne forme physique avant de reprendre toute activité publique, chose sur laquelle ses médecins sont « intraitables ».

En attendant, le retour aux affaires du leader du M5-RFP semble improbable pour certains observateurs, qui n’excluent pas sur la durée un scénario à la guinéenne, où le Premier ministre intérimaire a fini par être nommé de manière définitive pour la suite de la transition.

Source : Journal du Mali

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