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Présidentielle malienne : Qui voter ?

Jamais élection présidentielle n’aura suscité autant d’intérêt. Car la grande majorité silencieuse semble décidée à jouer, désormais, sur le cours des évènements. Tant mieux pour la démocratie.

 interrogationPour qui sonnera bientôt le glas ?

Pus souvent guidés par l’émotion que par la raison, les Maliens ont pour la plupart pris l’habitude soit de voter les yeux fermés courant ainsi le grand risque de se cogner dans l’isoloir, soit de ne pas voter du tout, abandonnant le pouvoir politique à des minorités actives. Aujourd’hui, ulcérés et déçus d’être les éternels dindons de la farce électorale, ils ouvrent grand les yeux pour que les prochaines élections les réconcilient d’abord avec eux-mêmes. Parce qu’ils se sentent responsables à des degrés divers de ce qui est arrivé au pays. Ces élections seront, ensuite, l’occasion de montrer aux politiciens qui, jusque – là n’ont pas eu de compte à rendre que le véritable pouvoir émane du peuple et que, d’une façon ou d’une autre, un mandataire finit  par répondre de son mandat. Puisqu’une crise sociopolitique comporte toujours une part non négligeable d’opportunités, la nature et l’ampleur de celle en cours aideront certainement à préciser le profil du futur président de la République. Celui-ci devra, avant tout, être capable de rassurer des populations désabusées et traumatisés, être à même de s’élever au dessus des contingences immédiates et de proposer une thérapie de choc pour le grand malade qu’est malheureusement devenu le Mali. Comme accusés et accusateurs seront sur la ligne de départ, la campagne électorale risque d’être agressive et chaude. Les modérés auront, certainement, du mal à se faire entendre. Et ce sera tant mieux pour le débat politique, qui doit être l’occasion de faire comprendre pourquoi nous sommes tombés si bas, au point de mobiliser la compassion et la charité internationale. Alors, pour qui sonnera le glas dans le ciel politique?

Une bipolarisation du jeu politique

La future élection présidentielle se déroulera dans un contexte particulier, d’autant plus qu’au terme du scrutin, le président sortant ne passera pas le témoin du fait de l’interruption du processus constitutionnel le 22 mars 2012. Cette interruption, vécue comme une lourde contrainte par les héritiers putatifs de l’ancien régime, apparaît au contraire pour les autres acteurs comme une véritablement opportunité d’aller à une compétition loyale. Deux camps pourraient donc se retrouver face à face au cours des échéances à venir, entrainant une bipolarisation nette du jeu et du débat politique. Ce sera une aubaine pour les électeurs, dont le choix sera mieux éclairé ; mais aussi pour les prétendants eux-mêmes au fauteuil présidentiel, entre ceux qui défendront le bilan de leur participation ou de leur soutien inconditionnel à la gestion d’ATT et ceux qui, critiques ou tout simplement nouveaux sur la scène politique, rendent les premiers responsables de la grave crise ayant conduit à la déconfiture de l’Etat et à la partition du pays. Belle empoignade en perspective pourvu que les acteurs soient à la hauteur et que le peuple fasse preuve de maturité. On s’intéressera aux candidats dans leur vie privée et publique, à leur projet et aux moyens qu’ils proposent pour le mettre en œuvre. Ils seront interpellés sur leur degré de maîtrise des problèmes du pays, sur leur part de responsabilité personnelle et celle de leur parti dans la gestion de la crise. De ce fait, le débat sera tour à tour sécuritaire, économique, politique mais surtout moral. Oui, cette crise est profondément morale, parce que l’homme malien a perdu ses repères, c’est-à-dire ce qui lui a permis à travers les siècles de rester digne dans l’adversité, solidaire des autres dans la souffrance, confiant dans l’avenir. Le Mali est un pays vaste par sa géographie, cosmopolite, riche de son patrimoine culturel, dont il est particulièrement jaloux et fier. Il peut  compter sur une forte communauté expatriée dont le sens patriotique, le courage et l’assistance économique sont unanimement reconnus au service du pays. Hospitalier, tolérant et pacifique par vocation, le Mali partage une communauté de destin avec tous ses voisins. L’homme qui aspire à diriger un tel pays doit être, socialement, porteur de valeurs, doté de qualités humaines et politiques particulières.

Un président moralement faible est une menace

L’euphorie créée par la démocratie naissante durant les années 1990 avait fait oublier l’essentiel que la crise a rappelé, sans ménagement : science sans conscience n’est que ruine de l’âme ! Les citoyens sont certes libres et égaux en droit ; mais tout le monde ici comme ailleurs, n’est pas fait pour diriger un pays. Il faut des dispositions particulières au plan humain d’abord, au plan politique ensuite. Au plan humain, le président doit, suffisamment, connaître le pays, son histoire, pour imaginer au quotidien les moyens de préserver la coexistence pacifique entre ses différentes composantes, sans favoritisme, sans faiblesse, dans la justice et l’équité qui consolident la paix. Il doit être proche et solidaire de tous pour mieux protéger les communautés les plus vulnérables contre l’arbitraire, en exigeant une bonne administration de la justice et en menant une lutte implacable contre la corruption à tous les niveaux. Il ne doit rien chercher pour lui-même ou pour sa famille politique qu’autant que cela découle de la satisfaction de l’intérêt général. Au plan politique, en tant que premier responsable d’un pays ouvert au monde et sur le monde, il doit cultiver avec les autres pays, des relations de confiance pouvant fortifier notre indépendance économique, la complémentarité avec nos partenaires, la lutte pour un monde libre débarrassé de toute menace terroriste et extrémiste. Par delà tout, il doit pouvoir décider et s’assumer pleinement dans le cadre de la constitution parce que nous savons, désormais, qu’un président faible ou léger est une menace pour la démocratie. Plutôt que de gouverner sagement dans le respect du droit, son souci constant sera de neutraliser les opposants et de trouver un homme lige pour sa succession afin de couvrir ses arrières. Tirant la leçon des expériences passées, les Maliens devraient élire, cette fois-ci, un président de rupture pour répondre à la volonté de changement. Certaines conditions seront nécessaires pour y parvenir. D’abord, que les forces aspirant effectivement au changement se retrouvent dans une plateforme politique. Ensuite, qu’un accord clair soit signé reconnaissant le droit à chaque entité de la plateforme d’aller à la compétition électorale, si telle est son choix. Enfin, que tous les autres signataires s’engagent à soutenir sans condition le candidat de la plateforme le mieux placé au second tour. Les forces du changement pourront ainsi apparaître comme alternative crédible, face à des politiciens ayant préféré l’auto-stop à la politique constructive. Il ne faut pas occulter le rôle que vont jouer les religieux qui, même s’ils n’appellent pas à voter un candidat précis, pourraient donner des signaux forts pour orienter le vote. Pour la crédibilité des élections, l’organisation matérielle et le système de proclamation des résultats demanderont une vigilance accrue. L’utilisation du fichier biométrique reste une réponse partielle au défi organisationnel. Et l’exemple du Sénégal, en matière de proclamation des résultats, est une piste à explorer.

Qui prendra l’initiative de regrouper les forces du changement pour en faire une machine électorale en vue d’une alternative crédible? C’est le défi lancé aux leaders politiques, qui ont formulé, à un moment ou à un autre, des réserves sur tout ou partie de la gestion passée avec peu de chance d’être entendus. Seront-ils à la hauteur ou nous feront-ils assister à un nouveau bal des sorciers?

                                  Mahamadou Camara 

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