De chef des armées, Emmanuel Macron est devenu chef de guerre. En ordonnant des frappes navales et aériennes sur la Syrie, le président de la République a, pour la première fois, pris la responsabilité d’engager la France dans un conflit armé. Bien que l’exécutif assure qu’il ne s’agissait là que d’une opération ponctuelle, l’Élysée n’a pas manqué de mettre en scène, dans la nuit de vendredi à samedi, un chef de l’Etat au sommet de la hiérarchie militaire.
“Domaine réservé”
Sur Twitter, une photo montre ainsi Emmanuel Macron installé, comme Barack Obama dans sa “Situation room” lors du raid contre Oussama ben Laden, au sein du PC Jupiter de l’Élysée.
“J’ai ordonné aux forces armées françaises d’intervenir”, peut-on lire en légende de cette image. Une formule relevant de ce que François Mitterrand appelait “le domaine réservé” du chef de l’Etat.
Davantage encore que son prédécesseur, à qui le rôle de chef des armées a pourtant servi de bouée au fil d’un quinquennat chaotique, Emmanuel Macron a dès le début de son mandat fait savoir qu’il exercerait pleinement ses attributs militaires, notamment en exfiltrant le puissant Jean-Yves Le Drian, véritable Etat dans l’Etat sous François Hollande, de l’hôtel de Brienne.
En passant de la “Défense” aux “Armées” dans l’intitulé du portefeuille gouvernemental, le message d’Emmanuel Macron était clair: la gestion courante au ministre, les décisions stratégiques au président – une lecture très conforme à la lettre de la Cinquième République.
De sorte que le rôle de chef des armées ne va pas sans celui de chef de la diplomatie. Avant le déclenchement de ces frappes, Emmanuel Macron s’est donc longuement entretenu avec ses homologues, allemand, russe et américain notamment.
“Emmanuel Macron a toujours dit que s’il se lançait sur une opération militaire, et c’est la première, il fallait qu’elle s’inscrive dans une feuille de route diplomatique”, rappelle-t-on à l’Élysée.
Communication régalienne
Héritier de plusieurs opérations extérieures – notamment Chammal au Levant et Barkhane au Sahel -, Emmanuel Macron avait donné une dimension martiale aux premières heures de son quinquennat, visitant les troupes engagées au Mali ou se rendant à bord du sous-marin nucléaire Le Terrible. Le premier président de la République à ne pas avoir été appelé sous les drapeaux avait alors multiplié les rendez-vous régaliens pour se mettre au plus vite à la hauteur de son poste, faisant des armées un instrument – qui plus est docile – de communication politique.
Les gages symboliques donnés aux armées n’avaient toutefois pas empêché qu’éclate une violente crise de confiance, quelques mois seulement après le début du quinquennat. L’annonce de la baisse du budget de la Défense et la démission consécutive du général Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées, avaient donné l’image d’un président plus arbitraire qu’autoritaire.
En ordonnant les frappes contres les installations syriennes soupçonnées d’abriter des armes chimiques, Emmanuel Macron se confronte à une nouvelle facette du pouvoir, décrite par son prédécesseur comme touchant à l’essence de la fonction présidentielle.
“La mort habite la fonction présidentielle”, confiait ainsi François Hollande au magazine Society en 2015, expliquant ne pas avoir fermé l’œil le jour où un premier soldat français fut tué au Mali.
Source: bfmtv