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Politique et religion : Le Mali au bord du chaos !

Quel rapport a-t-il existé entre le pouvoir politique (temporel) et le pouvoir religieux (intemporel) du 10ème siècle à nos jours dans nos pays ? Cette question a son pesant d’or dans le contexte actuel malien, où certains hommes religieux exercent un chantage sur la classe politique.

L’empire du Ghana dirigé par l’idolâtre Kaya Maghan Cissé s’effondra en 1076 sous l’offensive des almoravides berbères qui avaient entrepris l’islamisation de l’Afrique occidentale. Jusqu’au XVIIème siècle, « l’Islam de cour », confiné dans les affaires royales, restait une affaire d’élites. À partir du XVIIIème siècle, l’Islam va devenir une religion des masses sous l’action des chefs spirituels : un Islam des confréries. Celles-ci sont des communautés de fidèles regroupés autour de chefs spirituels charismatiques.

La confrérie va ainsi devenir le cadre privilégié des musulmans du Mali, de la Guinée, de la Mauritanie et du Sénégal. Elle va aussi imprégner toutes les sphères de la vie des fidèles du fait notamment d’un mode d’organisation spécifique. En effet, chaque maître spirituel (Chérif, Cheikh, Thierno,…) rassemble et anime une communauté de disciples. Entre le marabout et ses disciples existe une relation de dépendance qui peut entrer dans le cadre de ce que AbdellahHammoudi nomme « la dialectique maître/disciple ». Ce lien transparaît notamment dans la soumission totale du talibé (disciple) à son marabout. Cette soumission, qui ne se limite pas seulement au domaine spirituel mais qui concerne également le domaine séculier, confère aux chefs religieux des différentes confréries un pouvoir considérable. Cette naissance des confréries et le développement de leur mode d’organisation en Afrique occidentale en général et au Mali particulièrement sont contemporains de la colonisation (un projet initié par la franc-maçonnerie) à laquelle les populations locales trouvent différentes formes de résistance.

L’Islam confrérique en sera notamment une et cette étape marque l’entrée des confréries religieuses dans la sphère politique. Les chefs spirituels à l’image d’Almamy Samory Touré, El Hajj Omar Tall, Cheikh Hamalla, Mohamed Lamine Dramé, Cheikh Amadou Bamba,… mènent alors une farouche résistance contre l’armée coloniale. Cependant, l’action de l’administration coloniale va être guidée par le pragmatisme qui l’amène à établir une collaboration avec les chefs spirituels dont elle a pris la mesure de l’emprise sur les populations locales. Si l’administration coloniale avait établi un pouvoir effectif en milieu urbain, elle avait toutefois besoin du soutien des chefs religieux en milieu rural aussi bien pour mieux tenter de légitimer son pouvoir que pour bénéficier de relais locaux. En contrepartie, les chefs spirituels ont bénéficié de la reconnaissance du pouvoir politique et des avantages économiques considérables. Ceux-ci concernaient notamment les retombées de l’artisanat, du commerce, de l’agriculture, de l’élevage ou de la pêche. Christian COULON résume cette collaboration en ces termes : « Les chefs spirituels avaient la haute autorité sur une grande partie de la population et jouissaient partout d’un grand prestige moral et social. Les autorités coloniales, quant à elles, dominaient l’appareil d’Etat. Les uns contrôlaient donc le centre, les autres la périphérie ».Si l’indépendance du Mali en 1960 avec le socialiste Modibo Keïta constitue un tournant politique majeur, fondamentalement, elle n’en constitue pas un pour les rapports entre les confréries religieuses et le pouvoir public. Lorsque se met en place le nouvel Etat du Mali et bien que la constitution stipule que «la République du Mali est laïque», les nouveaux gouvernants savent qu’ils doivent s’appuyer sur les chefs spirituels. Et comme au temps des colonies, ceux-ci sont appelés à assurer deux fonctions substantielles dans le système politique, celle de légitimation et celle d’intermédiation avec les populations locales.

Le rôle important des imams dans la vie politique malienne va s’accentuer sous le régime militaire du Général Moussa Traoré surtout avec les programmes d’ajustement structurel imposés par le FMI et la Banque mondiale dans les années 1980. Après les événements de mars 1991 l’instauration du multipartisme lors de la réforme constitutionnelle de 1992 va davantage contribuer à placer les imams dans la position d’arbitres constamment sollicités dans la gestion des pouvoirs publics et au moment des échéances électorales. À travers leur fameuse consigne de vote, on leur prête un pouvoir redouté. Certains imams ont cependant su garder un certain devoir de réserve tandis que d’autres préféraient troquer leurs habits religieux pour les apparats de la politique. Depuis l’arrivée du Président Ibrahim Boubacar Keïta au pouvoir en 2013 après le putsch de la junte militaire en mars 2012 certains sont devenus au grand dam de la démocratie malienne de véritables imams politiques. Il n’est pas interdit que les imams fassent de la politique puisque ce sont des citoyens à part entière, mais il est très dangereux qu’ils se servent de la religion pour faire de la politique dans un pays à majorité pauvre et analphabète. L’exemple de l’Algérie, de la Tunisie, ou de l’Égypte,… doit inspirer les Maliens qui, s’ils acceptent de laisser les religieux faire la politique sous le couvert de la religion, alors, il n’y aurait qu’un seul vainqueur : le chaos. À bon entendeur…

Tientigui

 

Source: Le Démocrate

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