Le paradoxe, ou du moins, le ridicule n’a pas de limite au Mali. Seulement une semaine après l’adoption de la loi portant création des pupilles de la Nation et de la République, 300 familles et plus de 2.000 enfants de militaires dont des orphelins ont reçu la notification d’expulsion du camp Para de Koulouba. 

Les familles du Régiment de la Garde Présidentielle (RGP) de Koulouba ont effet reçu hier la notification formelle de quitter le camp dans les plus brefs délais, au profit de la Garde Nationale.  La décision a été confirmée hier aux intéressés par un Colonel, Chef de Corps, au camp Para de Djicoroni. Et pourquoi cette expulsion ? Aucune motivation sérieuse n’a été évoquée.

L’affaire remonte au coup d’Etat de Mars 2012 lorsque les putschistes décidèrent de mettre fin à l’existence du Régiment des paras ayant organisé et exécuté un prétendu «contre coup d’Etat». Selon toute évidence, la même velléité est aujourd’hui d’actualité.

Il s’avère que la plupart des époux et chefs de familles concernés se trouvent à l’heure actuelle, tenez-vous bien, sur le champ de bataille au Centre et/ou au Nord du pays, défendant, au prix de leur vie, les intérêts vitaux de la Nation et de la République.  Les malheureux ont d’ailleurs été officiellement informés de la situation qui prévaut à Koulouba dans leurs familles respectives. Et l’on imagine leur état d’âme en ce moment.

Plus de 300 familles sont concernées par l’opération. Et parmi elles, plus de 2.000 enfants scolarisés mais également des orphelins. Les épouses ne savent plus à quel Saint se vouer. Elles ont demandé en vain audience avec la hiérarchie.

«Nous demandons juste que l’on nous indique un endroit où aller»indique Mme Mariko Coumba Traoré, une mère de famille. Mais rien ! Elles doivent quitter, un point, c’est tout ! Bénéficient-elles d’une prime de logement comme cela a été instauré ? «Aucunement ! », déplore-t-elle.

Il nous revient que le camp en question sis à Koulouba a été tout le temps affecté à l’Armée de Terre. Jamais à la Garde Nationale. Et aucune décision officielle ne l’a, à ce jour, transféré au compte de celle-ci.

Le plus comique, voire le plus triste dans cette affaire, c’est que le Chef Suprême des Armées, à savoir le Président de la République IBK se réjouissait, à l’occasion de la commémoration de la fête nationale, de l’adoption d’une loi portant sur les pupitres de la Nation et de la République.

Et son Directeur de la Communication, Racine Thiam se joignait à lui en ces termes : «La loi instituant les pupilles de la République est une réponse positive aux préoccupations des soldats engagés sur les théâtres d’opération pour la sécurisation des populations et de leurs biens… Cette mesure constitue une avancée significative dans le cadre des actions sociales au sein des forces armées et de sécurité. Elle traduit, la volonté du chef de l’Etat de redonner l’espoir à nos militaires pour qu’ils n’aient plus le sentiment de mourir pour rien dans la mission qui leur a été confiée».

La qualité de pupille de la Nation, faut-il le rappeler, offre aux enfants concernés une protection supplémentaire en reconnaissance des mérites de leurs parents tombés sur le champ d’honneur.

Mais l’on constate avec regret ici, qu’encore vivants, ces héros voient leurs familles subir les pires injustices de la part de cette même République, il y a de quoi douter de la loi portant création des Pupitres.

Il nous revient, de sources concordantes, que les épouses et enfants concernés par l’expulsion ont décidé de battre pavé en début de semaine prochaine. Malgré les menaces qu’ils ont reçues.

Voilà une question qui interpelle à la fois le chef suprême des Armées pour des raisons de justice militaire, et le Président de la République pour des raisons de crédibilité, de morale et de justice, tout court.

A suivre

Batomah Sissoko

Source: Le Sphynx