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Paix au Mali : l’espoir fragile

Tant bien que mal, les étapes de l’accord d’Alger signé par les groupes armés du Nord et le gouvernement se succèdent. Pourtant, les attaques jihadistes n’ont jamais cessé et les violences ont désormais gagné les territoires peuls.

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Le drapeau du Mali n’a pas été hissé à Kidal. Il était sans doute trop tôt, et un tel geste aurait risqué de gâcher la fête. Mardi, l’ex-commandant rebelle touareg Hassan Ag Fagaga a été intronisé en grande pompe président de l’assemblée régionale : une cérémonie en apparence anodine, mais qui représente une avancée symbolique importante dans l’application de l’accord de paix signé en juin 2015 entre les groupes armés du nord du Mali et Bamako. Depuis un an demi, la désignation de ces «autorités intérimaires» – censées être le résultat d’un consensus entre les ex-rebelles et le gouvernement – fait l’objet d’interminables tractations.

A Gao, la nomination de cette autorité a bien failli être bloquée : l’assemblée régionale était occupée depuis trois jours par un mouvement armé dissident, qui contestait l’arrivée de l’homme désigné pour en prendre la tête, Djibrila Maïga. Mercredi soir, les protestataires ont accepté de vider les lieux. Le président de l’assemblée a pu être investi le lendemain. «La population est inquiète, elle ne veut pas se retrouver avec une administration aux mains des groupes armés, affirme Mohamed Attaïb Sidibé, président du Ganda Izo, une importante milice peule du Nord. Nous sommes des rebelles, nous ne connaissons rien au fonctionnement des collectivités, nous ne sommes pas formés pour ça !» «Le blocage vient surtout du fait que certains groupes, créés récemment, ne se sentent pas représentés et quémandent des places dans l’administration,corrige un connaisseur de la région. Par ailleurs, ce narratif des manifestations contre les autorités intérimaires est instrumentalisé par le gouvernement, qui traîne des pieds pour éviter d’avoir à composer avec les mouvements armés.»

Patrouilles mixtes

L’installation des autorités intérimaires, attendues également à Tombouctou et Taoudeni (elle a déjà eu lieu à Menaka), est pourtant scrutée de très près par la communauté internationale, à bout de patience devant le retard pris par le processus de paix. La seconde «jambe» de l’accord d’Alger est l’instauration des mécanismes opérationnels de coordination (MOC) : des bataillons de 600 hommes composés à parts égales d’ex-combattants rebelles, de miliciens progouvernementaux et de soldats de l’armée malienne. A Gao, près de 80 d’entre eux avaient été tués, le 18 janvier, dans un attentat à la voiture piégée revendiqué par Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi). Un mois plus tard, pourtant, les premières patrouilles mixtes, des combattants aux uniformes dépareillés mais portant un brassard commun, défilaient pour la première fois côte à côte dans les rues de la ville.

«Ces patrouilles ne sont pas vraiment prévues pour être efficaces sur le plan sécuritaire, explique le même spécialiste. Elles pourront peut-être faire légèrement baisser la criminalité dans les villes, mais la lutte contre le trafic de drogue ou le terrorisme, il ne faut pas y compter ! Leur vrai objectif, c’est de ramener la confiance entre les combattants. Et ça serait déjà pas mal…» Lors de sa tournée d’adieu au continent africain, samedi, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a salué ces patrouilles «si symboliques, si importantes, […] qui sont des gages importants pour l’avenir», en passant en revue les troupes du MOC à Gao.

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Des bataillons similaires doivent être installés à Tombouctou et à Kidal. Mais dans ces deux villes des sables, les retards s’accumulent. Le retour des soldats de l’armée malienne à Kidal, fief de la rébellion touareg, est encore un sujet très sensible. Certes, les groupes armés empruntent tant bien que mal le chemin de la paix dessiné par l’accord d’Alger, mais les violences, en premier lieu celles des organisations jihadistes, ne retombent pas. Depuis quelques mois, elles s’étendent même vers le centre du Mali, voire au Niger et au Burkina Faso voisins. Deux commissariats de la province du Soum, dans le nord du Burkina, ont été attaqués par des hommes à moto dans la nuit de lundi à mardi. Les assaillants se sont repliés en direction du territoire malien. Une semaine plus tôt, quinze soldats nigériens avaient été tués dans une embuscade près de la frontière. Le 16 décembre, ce sont douze membres de l’armée burkinabée qui avaient trouvé la mort dans la même région.

 

Jean-Yves Le Drian a annoncé le déploiement d’un détachement de liaison et d’assistance opérationnelle (DLAO) dans la province nigérienne de Tillabéri, «à la demande du président Issoufou». Entre 50 et 80 Français, des forces spéciales notamment, seraient concernés, selon l’Agence France Presse. Depuis, le ministère de la Défense refuse de communiquer sur le sujet. «L’armée française est en train de tomber dans un piège : l’approche uniquement sécuritaire est la pire chose qui puisse arriver à cette région,commente un universitaire spécialiste du Sahel. Le premier problème, par exemple, dans cette zone de peuplement peul, est l’accès aux pâturages. Depuis toujours, les éleveurs sont en conflit avec les sédentaires : mais avec la croissance démographique, les champs s’étendent au détriment des pâturages. Par-dessus le marché, la sécheresse et l’insécurité, qui obligent les troupeaux à se déplacer, déciment le bétail.»

Célèbre prédicateur peul

Des groupes armés peuls sillonnent désormais le centre du Mali, qui échappe peu à peu, à son tour, au contrôle des autorités. Tous ne sont pas jihadistes. «Il y a des bandes de jeunes dont les familles ont été victimes d’exactions de la part de l’armée, qui fait trop souvent l’amalgame entre Peuls et terroristes. Il y a aussi des individus qui en profitent pour régler de vieux comptes avec l’administration, estime Mohamed Attaïb Sidibé, lui-même à la tête d’une puissante milice“d’autodéfense”. Souvent, la religion n’est mise en avant que pour mobiliser la population.»

Les dernières attaques ont toutefois été revendiquées par un nouveau groupe, Ansarul Islam, lié à l’une des organisations islamistes les plus meurtrières du Nord-Mali, Ansar ed-Dine. Ansarul Islam, qui compterait moins d’une centaine de membres, est dirigé par un célèbre prédicateur peul de Djibo (Burkina Faso), Malam Ibrahim Dicko, qui mène «un jihad local avec en toile de fond la renaissance du Djelgodji, une ancienne théocratie peule», détaille le journaliste sénégalais Abdou Cissé, spécialiste des mouvements islamistes sahéliens. Malam Ibrahim Dicko, qui exige notamment des écoles qu’elles cessent l’enseignement en français, est désormais l’homme le plus recherché du Burkina Faso.

L’Etat islamique, qui avait annoncé cet automne la création d’une nouvelle branche baptisée «Grand Sahara», a également choisi de mener ses premières attaques dans cette région située à l’entrecroisement du Mali, du Niger et du Burkina Faso. Après l’Azawad (le nom qu’utilisent les autonomistes pour désigner le Nord-Mali), où les brigades d’Al-Qaeda au Maghreb islamique s’étaient greffées sur des vieilles rébellions touaregs en 2012, le pays peul pourrait devenir le nouvel horizon du jihad africain.

Célian Macé

Source: liberation

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