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Oumar Hamadoun Dicko : « Nous avons une stratégie de pacification durable du climat social »

Dans l’interview ci-dessous, le ministre du Dialogue social, du Travail et de la Fonction publique revient sur les efforts du gouvernement pour satisfaire les doléances des enseignants en grève depuis plusieurs semaines et donne des éclaircissements sur la décision du gouvernement de recruter 15.000 enseignants contractuels

L’Essor : Les enseignants sont en grève depuis des semaines. Peut-on savoir les efforts faits par le gouvernement pour satisfaire les doléances des grévistes ?
Oumar Hamadoun Dicko : Le gouvernement ne nie pas les dispositions de l’article 39. Bien au contraire, il les reconnaît. Lors des négociations, la partie gouvernementale a attiré l’attention de la commission de conciliation et des syndicats de l’éducation signataires du 15 octobre 2016 sur le fait que l’application de l’article 39 du statut de l’enseignant, telle que souhaitée par la partie syndicale, engendrerait une incidence financière de plus de 58 milliards de Fcfa. Or, à ce jour, cette incidence financière n’est pas supportable par les finances de l’État à cause de plusieurs difficultés parmi lesquelles la situation sécuritaire et financière. Pour autant, la partie gouvernementale a proposé de porter la grille des enseignants, en ce qui concerne la catégorie A, à l’indice plafond 1.100 pour compter du 1er janvier 2020 et l’indice plafond 1.200 pour compter du 1er janvier 2021.
Cette proposition fut rejetée par la partie syndicale qui a exigé l’application stricte de l’article 39 devant donner l’indice plafond de la catégorie A : 1.272 pour compter du 1er janvier 2019 et l’indice plafond de la catégorie A : 1.387 pour compter du 1er janvier 2021. En réponse, la partie gouvernementale a fortement insisté sur les impacts possibles de l’application de l’article 39. Primo, on assistera à un engrenage sans fin. Car une fois que l’augmentation demandée sera accordée aux enseignants, il faudra s’attendre à une levée de boucliers de la part de toutes les corporations disposant d’un statut autonome (enseignants-chercheurs, policiers, fonctionnaires de la protection civile, surveillants des services pénitentiaires et de l’éducation surveillée, magistrat, greffiers et secrétaires des greffes et parquets, membres du corps préfectoral). Et quand ce cycle sera bouclé, c’est l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) qui ne sera pas contente des nouveaux écarts creusés entre le statut général et ces statuts autonomes. Inévitablement, elle déposera un nouveau préavis de grève. Ainsi, un autre cycle reprendra. Secundo, l’incidence financière de la doléance n’est pas supportable par l’État à cause du fait que le pays est en guerre.
Sur la base de ce qui précède, la partie gouvernementale a réitéré sa proposition de l’indice plafond 1.100 en 2020 et l’indice plafond 1.200 en 2021. Il faut préciser que cette proposition a une incidence financière de 15,765 milliards de Fcfa.

L’Essor : L’année scolaire 2018-2019 a été fortement perturbée à cause des grèves à répétition des enseignants. Quelles sont les leçons que le gouvernement a tirées de ce qui s’est passé l’année dernière?
Oumar Hamadoun Dicko : Les leçons tirées des grèves à répétition des enseignants sont des leçons de vie, celles de dialogue social. Je veux dire par là, mettre en avant la VERITÉ ! C’est crucial ! Il ne s’agit pas de se mentir et reporter les problèmes pour les recevoir dans la figure avec plus de force. C’est pourquoi depuis le départ, les choses doivent être claires.
À cela, il faut ajouter que dès qu’un mouvement de grève se déclenche, il faut mettre tout en œuvre, selon les possibilités financières et/ou les moyens législatifs et réglementaires, pour que la crise ne s’installe pas dans la durée.

L’Essor : Une certaine polémique est née suite à la décision du gouvernement de recruter 15.000 enseignants contractuels. Que répondriez-vous à ceux qui disent que cette décision n’a fait qu’envenimer les choses ?
Oumar Hamadoun Dicko : Il faut préciser qu’il ne s’agit pas d’un recrutement d’enseignants contractuels, mais plutôt d’un programme de volontariat. Ce n’est pas un chantage. C’est tout simplement une mesure concourant à l’application des articles 17 et 18 de la Constitution faisant de l’éducation et de l’instruction des droits reconnus. Ainsi, il est un devoir pour l’État d’œuvrer à la jouissance de ces droits par tout citoyen. C’est pourquoi, le gouvernement, parallèlement à la voie du dialogue, a fait appel au volontariat pour renforcer le dispositif éducatif.
Il est important de souligner que les 15.000 volontaires ne vont pas remplacer les enseignants grévistes. Ça ne saurait être le cas. Même numériquement, cela ne peut se faire. En effet, vous conviendrez avec moi que 15.000 volontaires ne peuvent pas remplacer 63.000 enseignants. Ils interviendront pour assurer le service obligatoire de l’éducation, un droit constitutionnel. Comme déjà dit et j’insiste là-dessus, c’est pour renforcer le dispositif éducatif.

L’Essor : Outre l’éducation, d’autres corporations comme la police, la santé pour ne citer que celles-ci, sont touchées par les mouvements sociaux. En tant que ministre du Dialogue social, du Travail et de la Fonction publique, comment expliquez-vous cette situation ?
Oumar Hamadoun Dicko : Le tableau peint dans votre question est réjouissant sous un certain angle. En effet, les mouvements sociaux des corporations citées sont la preuve que la liberté syndicale, si chère à l’Organisation internationale du travail, est une réalité au Mali.
Par ailleurs, les travailleurs au Mali sont confrontés à d’énormes difficultés parmi lesquelles on peut citer le niveau des salaires, les inégalités de rémunération selon qu’on relève d’une autorité administrative indépendante ou non, d’un statut autonome ou non, d’un service de recettes ou non, j’en passe.
En gros, toutes les doléances de tous les secteurs tournent autour de la question de l’amélioration des conditions de vie et de travail. La conférence sociale et toutes les autres mesures prévues dans la stratégie de pacification durable du climat social au Mali (évoquée ci-après) permettront de trouver une réponse appropriée aux différents problèmes posés.

L’Essor : En plus du dialogue social qui est permanent, qu’est-ce que le gouvernement a concrètement fait ou compte faire pour résorber la crise et sauver l’année scolaire 2019-2020 ?
Oumar Hamadoun Dicko : Le gouvernement est inscrit dans un cadre de dialogue social. En d’autres termes, nos actions prioritaires, pour résorber la crise, sont des actions de dialogue social. Nous ne sommes pas fermés au dialogue. Loin de là.
Il faut se rappeler qu’en 2018, le gouvernement a octroyé un statut autonome au personnel enseignant de l’enseignement secondaire, de l’enseignement fondamental et de l’éducation préscolaire et spéciale à la suite d’un mouvement de grève très pressant. En 2019, les débrayages ont failli causer la perte de l’année scolaire. Dans les deux cas, les mouvements ont perduré parce que la satisfaction des doléances, surtout celles à incidence financière, étaient difficilement soutenables, voire insoutenables. Face à la persistance de la grève et dans le souci d’apaiser le climat social fortement éprouvé du monde du travail, le gouvernement a donné satisfaction aux grévistes, malgré les difficultés évoquées. Les incidences financières résultant de ces accords étaient encore une fois à la limite du soutenable. La situation sécuritaire et son corollaire de difficultés financières se sont accrus. C’est cela qui fait que le gouvernement ne peut pas aujourd’hui répondre favorablement à la revendication. Cela a été signifié à la Synergie des syndicats d’enseignants. Mais malgré tout, le mouvement se durcit. Nous pensons qu’il s’agit certainement d’un manque de confiance. Par conséquent, un accent particulier sera mis sur la communication pour faire comprendre à nos partenaires enseignants la situation réelle du pays et les conséquences socio-économiques dangereuses d’un engagement qui va au-delà des possibilités financières du pays. Le dialogue social est donc de mise.
Avant la survenue de la présente crise scolaire, mon département avait élaboré une stratégie de pacification durable du climat social, fondée sur les axes qui suivent : le court terme, le moyen terme et le long terme. La mise en œuvre de ladite stratégie est en cours.
Elle passera, notamment, par l’inventaire des syndicats, la compilation et l’examen de tous les procès-verbaux (conciliation et non conciliation) conclus dans le secteur public aussi bien que dans le privé, la création des conditions d’une trêve sociale, l’organisation d’une conférence sociale, la signature d’un pacte social, l’organisation des élections professionnelles, l’adoption d’une politique nationale de dialogue social, la mise en place de structures nationales du dialogue social, le renforcement du cadre juridique du dialogue social, le renforcement des capacités des acteurs et des structures.
La concrétisation de cette stratégie a déjà commencé avec les partenaires sociaux. Elle sera bouclée avant la fin de l’année. Ainsi, tout conflit social, actuel ou latent sera résorbé ; et cela durablement. Du moins, nous l’espérons.

Propos recueillis par
Massa SIDIBÉ

Source : L’ESSOR

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