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Opinion : Le Mali, la crise en Afrique de l’Ouest et les mandats présidentiels : Quelle lecture ?

 Les élections frauduleuses, le déficit de libertés, la justice aux ordres tout comme les manipulations constitutionnelles relèvent tous de la même origine : le système postcolonial en vigueur depuis l’avènement des « indépendances » en 1960. Nous nous efforcerons, dans les lignes qui suivent, de soumettre notre approche pour une relance concertée de la lutte pour la libération et l’émancipation des peuples d’Afrique, pour mettre fin aux stratégies occidentales de prédation.

Manifestement, les forces qui dominent et pillent l’Afrique et celles qui se battent pour sa libération et son émancipation ne parlent pas de la même Afrique. Les appareils idéologiques dominants de l’Occident ont toujours joué un rôle essentiel dans le formatage des consciences en Afrique. Des officines puissantes, dotées de moyens conséquents avec des experts à la pointe de leur domaine de connaissances y travaillent tous les jours sans désemparer.

Les conséquences de cette stratégie dans nos esprits et nos formes de consciences sont d’une profondeur insondable. Noam Chomsky, linguiste, philosophe, politologue américain de renommée mondiale et enseignant au Massachussetts Institute of Technology (MIT), l’une des plus prestigieuses écoles des Etats-Unis d’Amérique, a produit une réflexion pénétrante sur la manipulation des consciences qu’il intitule : « les 10 stratégies de manipulation de masses». https://nospensees.fr/les-10- strategies-de-manipulation-demasse-selon-noam-chomsky/ Il s’explique ainsi : « Au cours des 50 dernières années, les progrès fulgurants de la science ont creusé un fossé croissant entre les connaissances du public et celles détenues et utilisées par les élites dirigeantes. Grâce à la biologie, la neurobiologie etla psychologie appliquée, le « système » est parvenu à une connaissance avancée de l’être humain, à la fois physiquement et psychologiquement.

Le système [nous soulignons] en est arrivé à mieux connaître l’individu moyen que celui-ci ne se connaît lui-même. Cela signifie que dans la majorité des cas, le système détient un plus grand contrôle et un plus grand pouvoir sur les individus que les individus eux-mêmes. Pourquoi croyez-vous que les grands politiques utilisent et payent largement des instituts importants des sciences humaines ou des grandes sociétés de publicité » ? Fin de citation.

Ce mécanisme fonctionne merveilleusement bien en Afrique où les « élites » s’entre-déchirent, entrainant dans leur sillage des franges importantes de la population, autour des notions de constitution, de lois, de république, de mandats présidentiels, d’état de droit etc. Or ces notions n’ont pas grande signification pour ces populations qui résument le tout dans leurs propres notions comme celles de “buur” (le roi) et de “ngur”(la royauté). C’est pourquoi lorsqu’on nous dit que la loi est là pour tous et que la constitution protège et promeut les droits et libertés de tous, nous répondons qu’il n’en est rien.

Dans toute société, la loi n’a jamais été rien d’autre que la codification d’un rapport de forces entre classes et groupes sociaux à l’intérieur de cette société, à une période donnée de son histoire. La loi est toujours au service de ceux d’en haut au détriment de ceux d’en bas. Si ceux qui exercent le pouvoir sont au service du plus grand nombre, alors les lois serviront le peuple. Dans le cas contraire, les lois serviront la minorité au détriment du peuple.

Hitler, arrivé au pouvoir par des voies démocratiques, a réussi à imposer une dictature fasciste et à embraser le monde grâce à un corpus juridique et un puissant appareil idéologique répondant à un besoin d’embrigadement de la jeunesse allemande autour d’objectifs aux antipodes des intérêts fondamentaux de celle-ci et de ceux du peuple allemand dans sa globalité. Plus près de nous, le régime d’apartheid en Afrique du Sud avait également élaboré ses lois qui établissaient la séparation des races. Ces lois ont permis, entre autres ignominies, de déposséder les noirs pourtant majoritaires dans le pays de leurs terres. Elles ont permis de parquer les noirs dans des réserves, les transformant ainsi en étrangers sur leurs propres terres, celles de leurs ancêtres.

Lorsque Nelson Mandela et les autres Walter Sisulu, Oliver Tambo, Govan Mbeki, Robert Sobukwe, SteveBiko … se sont rebellés contre ces lois, ils ont été arrêtés au nom des lois en vigueur, torturés, condamnés et envoyés croupir des décennies durant dans les geôles du système ou simplement assassinés.

Dans les anciennes colonies françaises d’Afrique (hormis la Guinée qui avait voté ‘NON’ au référendum Gaullien de 1958), ont été implémentées, en 1960, des avatars de la constitution de la Vème république en France, qui y consacraient des monarques républicains, tout puissants vis-à-vis du peuple, mais très accommodants pour la métropole. Ces constitutions et ces lois sont ignorées de 80% des populations auxquelles elles s’appliquent parce que libellées dans une langue qu’elles ne parlent ni ne comprennent. Elles auraient dû être, à tout le moins, rendues dans nos langues maternelles et largement vulgarisées par les tenants du pouvoir postcolonial si l’objectif était réellement inclusif. Ce silence à lui tout seul illustre à suffisance l’exclusion délibérée et planifiée des populations de tout processus qui se met en place. Aujourd’hui, après 60 années « d’indépendance » nous avons 150 millions d’africains dans l’espace francophone africain, qui sont gouvernés par des constitutions et des lois dont ils ne savent rien.

L’Afrique est le seul continent où on vous attrait devant la barre, vous juge, vous condamne et vous envoie en prison dans une langue que vous ne comprenez pas. Chez nous au Sénégal, alors qu’un pluralisme politique vivant était en vigueur à l’époque coloniale, le pays bascula au bout de cinq ans seulement après les indépendances dans l’ère du parti unique et de la répression féroce de l’opposition.

Mais l’explosion socio-politique de Mai 68 et la poursuite des mouvements de contestation du système postcolonial ont fortement secoué les milieux économiques français et fait évoluer le rapport de forces en faveur des secteurs démocratiques au cours de la décennie 70.

Le Président Senghor fut obligé de lâcher du lest en autorisant l’existence de trois puis quatre partis politiques à travers la loi des courants politiques. D’ailleurs, le maintien de la pression des forces démocratiques a fini par entraîner le départ de Senghor le 1er janvier 1981 et l’avènement d’Abdou Diouf qui institua, quelques mois plus tard, le multipartisme intégral. L’on voit ici que lorsque le rapport de force évolue en faveur des revendications démocratiques, la loi aussi évolue pour s’ajuster au nouveau rapport de forces.

Ces rappels illustrent parfaitement cette vérité de base selon laquelle, pour l’essentiel, les constitutions et les lois qui nous gouvernent depuis les « indépendances » ont pour vocation la protection des intérêts étrangers et ceux de leurs représentants locaux et non ceux des peuples auxquels elles s’appliquent. Pourquoi dans nos prisons croupissent des jeunes gens reconnus coupables de vente de quelques cornets de chanvre indien tandis que ceux, épinglés pour trafic de drogue dur portant sur des dizaines ou des centaines de milliards CFA en sont extraits pour aller vaquer librement à leurs occupations ?

Si la loi n’était pas en faveur de la minorité, des centaines de milliers d’ha à travers tout le pays auraient ils été arrachés à leurs ayants droits (ceux d’en bas), dans les conditions les plus obscures au profit de privilégiés y compris des étrangers qui ne sont même pas africains ? N’est-ce pas encore la constitution et la loi qui ont été modifiées ici au Sénégal pour exclure une vingtaine de candidats sérieux et crédibles à l’élection présidentielle de février 2019 parmi lesquels Karim Meïssa Wade et Khalifa Sall tous deux privés de leurs droits d’élire et d’être élus ? C’est sur la base de ces faits que l’on doit examiner la problématique des mandats présidentiels en Afrique de l’Ouest. C’est aussi sur cette base que le combat du peuple africain doit rester centré sur son objet qui consiste à mettre fin au système postcolonial pour l’avènement de véritables alternatives populaires. L’on dit souvent que tout ce qui brille n’est pas de l’or.

Le mouvement actuel de contestation des troisièmes mandats et, d’une façon générale, contre les dérives autocratiques des pouvoirs en place en Afrique est, certes, à vocation démocratique mais son contenu, progressiste ou rétrograde, est déterminé, en dernière instance, par les forces qui l’impulsent et le dirigent.

En effet, nous avons en son sein des courants contradictoires avec d’un côté, le courant démocratique et, de l’autre, un courant en osmose avec le système dominant. Ce denier courant peut soutenir, dans la compétition électorale, des candidats différents mais à l’intérieur du système. C’est pourquoi, pour les populations, « ils sont tous pareils”. Au Sénégal, ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui étaient hier d’ardents défenseurs de la démocratie dans l’opposition. Mais, une fois installés aux commandes de l’État, on les voit s’efforcer d’annihiler nombre d’acquis démocratiques qu’ils prétendaient vouloir renforcer. Oui !

L’alternance en soi ne change pas qualitativement le sort du peuple. Dans de telles circonstances, quelle que soit l’âpreté des luttes entre factions pour le pouvoir, les mandats restent des mandats « ay-ayloo* », c’est à dire des mandats au service des mêmes intérêts concubins, ceux de la bourgeoisie bureaucratique agglutinée autour de l’appareil d’Etat et ceux de ses commanditaires c’est-à-dire les puissances extérieures.

Les forces progressistes ont le devoir d’éclairer la jeunesse sur ces caractéristiques des mouvements politiques en cours afin de l’amener à s’organiser pour que leur combat démocratique y compris les batailles autour des mandats ne soit dévoyé et finalement récupéré par des fractions de cette bourgeoisie compradore et bureaucratique mais servent de tremplin pour promouvoir des alternatives populaires. Sinon, il ne restera alors à la chèvre qu’à choisir entre l’hyène et le chacal, c’est-à-dire non pas sa survie mais plutôt son genre de mort.

Cette exigence est d’autant plus actuelle que c’est toute l’Afrique de l’ouest qui est assise sur des braises comme le montre le tableau ci-dessous : Tout d’abord le géant de la région, première puissance économique du continent, le Nigeria est fortement contrarié par Boko Haram qui lui impose une guerre civile sans merci et qui métastase jusqu’en Afrique Centrale (Cameroun, Tchad).

Le Président en place a déjà indiqué qu’il faisait son dernier mandat mais il est clair qu’aussi longtemps que le Nigeria sera dans cette situation de guerre, toute perspective de stabilité et de prospérité dans la sous-région sera fortement hypothéquée. Au Niger, le Président ne briguera pas de troisième mandat certes, mais l’opposition nigérienne indique que la constitution est déjà piégée pour exclure le principal opposant de la compétition.

D’ailleurs, celui-ci vient à peine de sortir de son deuxième séjour en prison. Le Niger qui vit la pire crise sécuritaire de son histoire postcoloniale et que ses immenses richesses notamment l’uranium n’empêchent pas d’être le dernier pays au monde dans l’indice de développement humain (IDH) avec 75% de sa population vivant sous le seuil de pauvreté.

Le Burkina Faso aussi est dans l’œil du cyclone avec des ennemis armés insaisissables, semant la mort et la désolation au nom de l’islam, y compris en massacrant des musulmans rassemblés en prières dans les mosquées. Tandis que l’Etat tente de donner le change et d’évoquer des échéances électorales, des zones entières du pays semblent échapper au contrôle de l’Administration centrale. En Côte d’Ivoire, le Président sortant non seulement va briguer un troisième mandat, mais a obtenu l’exclusion de la compétition d’adversaires parmi les plus redoutables.

La Côte d’Ivoire du café-cacao et des autres richesses du sous-sol pourrait ainsi connaître des troubles et des souffrances auprès desquels ceux de la décennie 2000 ne seraient qu’un détail dans l’Histoire du pays. En effet, certains observateurs considèrent que les comptes politiques et personnels entre acteurs n’avaient pas été entièrement soldés en 2010-2011 en dépit de la guerre civile et ses trois mille morts. Ils estiment qu’en conséquence, chaque camp a mis ces dix dernières années à profit pour se préparer à ce qui pourrait arriver.

Le thème de la réconciliation nationale brandi par le pouvoir et qui aurait dû structurer toute la décennie post-guerre civile est resté un slogan creux alors cette réconciliation aurait pu stabiliser le pays et écarter tous les vieux démons qui sont aujourd’hui hélas, plus présents qu’hier. Au Mali, le mouvement démocratique et populaire a réussi à destituer le Président de la République en exercice ouvrant ainsi une transition.

Dans ce pays, avec son or et ses autres minerais qui seraient en quantités astronomiques, quelle direction prendra la transition ? Si la concertation qui s’est tenue à Bamako avec une représentation adéquate de toutes les composantes du peuple pouvait déboucher sur une nouvelle constitution, reflet des aspirations profondes du peuple malien dans sa diversité, un grand coup de boutoir serait donné au système postcolonial pour de nouvelles relations bâties sur de nouveaux paradigmes plus durables parce que plus équitables.

Mais les divergences sur le contenu de la transition publiquement assumées par le M5-RFP initiateur et organisateur de la contestation ayant emporté Ibrahim Boubacar Keïta avec le CNSP (l’Armée), auteur du coup de force qui a déposé Monsieur Keïta, indiquent que dans le processus en cours, on ne peut exclure l’hypothèse que d’autres intérêts puissent l’emporter sur ceux du peuple malien. (A suivre)

 

Pour le Secrétariat permanent d’Ànd-Jëf/Parti africain pour la démocratie et le socialisme

Mamadou Diop DECROIX

Secrétaire Général

Source: AMAP

 

 

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