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Nonuplés maliens nés au Maroc: de Tombouctou à Casablanca, récit d’une épopée médicale

Après cet accouchement hors normes mardi 4 mai au Maroc, la mère et les bébés « se portent bien », selon le gynécologue-obstétricien de la clinique privée Aïn Borja. La mère, Halima Cissé, avait été évacuée fin mars du Mali.  Neuf bébés nés vivants d’une même grossesse, une première rendue possible par la mobilisation de plusieurs médecins de Tombouctou à Casablanca en passant par Bamako qui ont tout fait pour donner à la mère et aux bébés toutes leurs chances de survie. 

 

L’histoire commence à Tombouctou, dans le nord du Mali. Halima Cissé, étudiante en secrétariat, et son mari, Abdelkader Arby, comptable dans l’armée, souhaitent un second enfant. Ils sont déjà parents d’une petite fille de deux ans. Les mois passent, l’attente leur semble longue.

Le Dr Seydou Sogoba, chef du service de gynécologie de l’hôpital régional de Tombouctou qui avait suivi la première grossesse du couple, leur propose un accompagnement thérapeutique par induction d’hormones injectables.

Lorsque la nouvelle grossesse commence, le Dr Seydou Sogoba pratique une échographie et compte alors, à sa grande surprise, sept embryons.  « Je me suis dit “ah il y a quelque chose que je ne comprends pas”. J’ai appelé un collègue radiologue. Nous avons refait l’échographie ensemble. Il m’a dit “ah mon cher collègue ce que tu as vu, c’est ça”. Nous avons alors expliqué la situation à Mme Halima Cissé. Elle a dit “c’est extraordinaire !” et elle s’est mise à rire. »

Sept embryons repérés, mais le Dr Sogoba sait qu’il peut y en avoir plus. La qualité de l’appareil utilisé pour les échographies à l’hôpital régional de Tombouctou est limitée et dans de tels cas de grossesses multiples, il est très difficile de distinguer avec certitude tous les embryons.

Le Dr Sogoba, conscient du risque d’interruption spontanée de la grossesse, décide de procéder à un cerclage à treizième semaine et même s’il décrit Halima Cissé comme une patiente « souriante, confiante et sereine », il sait que c’est une grossesse à haut risque. D’un commun accord, il est décidé avec les futurs parents de privilégier la discrétion et de ne pas médiatiser cette situation médicale hors normes avant d’en connaître l’issue.

Premier transfert : de Tombouctou à Bamako 

Les semaines passent. Les embryons continuent à se développer normalement. Le Dr Sogoba contacte son « maître » comme il l’appelle, le Pr Tiounkani Thera, chef du service maternité au Centre hospitalier universitaire du Point G à Bamako.

Les deux médecins conviennent que pour le suivi de Mme Cissé, les capacités du CHU de la capitale malienne sont plus adaptées. Le Dr Sogoba propose à la famille un transfert vers Bamako. Les fonds sont rassemblés. Nous sommes courant mars. Halima Cissé est dans son cinquième mois de grossesse. Elle prend l’avion pour la première fois de sa vie, accompagnée du Dr Sogoba.

Une fois à Bamako, elle est prise en charge au sein du service du Pr Thera qui alerte le ministère de la Santé et demande à son collègue, le Dr Drissa Diarra, gynécologue-obstétricien, d’assurer le suivi de la patiente. « Halima(il l’appelle par son prénom) était dans sa 23e semaine, elle allait bien, elle souffrait seulement d’anémie et a été transfusée pour cela. »

Rapidement, la situation est réévaluée par l’équipe médicale. « Il fallait peser le risque encouru pour la mère comme pour les fœtus », explique le Dr Diarra. L’utérus de Halima Cissé qui accueille sans qu’elle le sache encore à ce moment-là neuf fœtus est si grand que le risque d’hémorragie post-partum est important. Le diaphragme est de plus en plus compressé, menaçant de provoquer une détresse respiratoire. De plus, pour son premier enfant, Halima Cissé a déjà subi une césarienne, la cicatrice utérine est fragile.

L’équipe médicale du CHU de Bamako sait aussi qu’en cas de naissance imminente, le plateau technique du Point G n’est pas adéquat pour prendre en charge des prématurés nés si petits et si tôt.

Une évacuation vers le Maroc décidée entre médecins 

Le Pr Thera active ses contacts dans plusieurs pays. C’est au Maroc, que la réponse sera la plus rapide. Le directeur de la clinique Aïn Borja de Casablanca, qu’il a déjà visitée, confirme pouvoir prendre en charge Halima Cissé et les futurs nouveaux-nés.

Le ministère malien de la Santé est informé et sur instruction du président de la transition Bah N’Daw, l’évacuation par avion est organisée. Le mari de Halima Cissé ne pouvant pas quitter son poste au moment du départ, il est décidé qu’il rejoindra sa femme plus tard. C’est donc le Dr Diarra qui accompagne Halima Cissé avec la belle-sœur de cette dernière.

Le Dr Drissa Diarra raconte : « Elle a saisi ma main au moment du décollage. Sur le plan psychologique, elle tenait bien. La seule chose que je craignais, c’est que le stress du voyage déclenche quelque chose dans l’avion. Je me préparais en conséquence pour cela. J’essayais de rassurer Halima pour qu’elle oublie le risque. À l’arrivée à l’aéroport, l’ambulance de la clinique était prête. On a demandé à visiter le plateau technique, cela nous a rassuré. J’ai pensé “on aura gain de cause”. »

Le 30 mars dernier, Halima Cissé est donc prise en charge à la clinique privée Aïn Borja de Casablanca par le gynécologue obstétricien Dr Yazid Mourad. Les contractions reviennent régulièrement. Un protocole thérapeutique est mis en place pour gagner du temps.

Cinq semaines passent, sous étroite surveillance. Le Dr Sogoba de Tombouctou, tout comme le Dr Diarra de Bamako racontent avoir été quotidiennement en contact avec leur patiente et leur confrère marocain.

Neuf nouveaux-nés alors qu’on en attendait sept

Lundi 3 mai, nouvelle évaluation du risque pour les enfants comme pour la mère. Le mardi matin, une césarienne est décidée. Le père Abdelkadir, resté à Tombouctou, prévient le Dr Sogoba, premier à avoir détecté la grossesse multiple. Rentré à Bamako, le Dr Diarra après s’être entretenu avec son homologue marocain parle à Halima Cissé, « je l’ai rassurée, je lui ai dit que tout irait bien. » A la mi-journée, le Dr Yazid Mourad raconte avoir extrait rapidement et sans difficulté d’abord sept bébés pesant entre 700 grammes et un kilo cent chacun. Il cherche alors à retirer le placenta restant et découvre deux petites têtes, deux bébés supplémentaires, vivants eux aussi, de 500 gr, qui n’avaient pas été vus à l’échographie.  « Ils sont bien tous les neuf, il faut éviter l’infection. Les pédiatres viennent tous les jours, matin, après-midi et soir. On ne peut pas prédire comment ça va évoluer, pour l’instant même les pédiatres sont étonnés : ceux de 500 grammes vont bien. On espère que ça va continuer.

Cinq filles et quatre tous petits garçons qui se « portent bien » selon le Dr Yazid Mourad tout comme leur maman, Halima Cissé, qui a passé elle-même 24 heures en réanimation après une hémorragie de la délivrance. Le gynécologue obstétricien rappelle que dans de telles circonstances, « personne ne peut prédire la suite, c’est au jour le jour ».

Les nouveaux-nés sont sous étroite surveillance, suivis par une équipe autour de trois pédiatres. Le plus grand risque, c’est l’infection ou une hémorragie interne tant leurs organes sont fragiles.

Le père, Abdelkader Arby, toujours à Tombouctou, « dans l’attente des autorisations qui doivent être délivrées par les autorités marocaines pour faire le voyage » se dit « confiant et tranquille ». Il échange tous les jours avec son épouse. Quant à leur petite fille de deux ans et cinq mois, « je ne lui ai encore rien dit, elle se rendra compte quand elle verra de ses propres yeux ses petits frères et sœurs, si Dieu veut ».

Du point de vue médical, c’est inédit. Pour le Dr Yazid Mourad de la clinique marocaine Aïn Borja, « nous allons apprendre beaucoup de choses ».

Source : RFI

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