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Niger : La France débute des évacuations, les USA ne lient pas la Russie au putsch

PARIS (Reuters) – Un premier vol affrété par la France a quitté mardi soir le Niger pour évacuer des ressortissants français et européens souhaitant quitter le pays, où un coup d’Etat a été mené la semaine dernière par l’armée, alors que le Mali et le Burkina Faso ont prévenu que toute ingérence étrangère serait considérée comme une déclaration de guerre.

En renversant mercredi dernier le président Mohamed Bazoum, élu démocratiquement, l’armée nigérienne a déclenché une onde de choc à travers le Sahel, où le pays était jusque-là considéré comme l’un des alliés les plus stables des Occidentaux dans la lutte contre l’insurrection islamiste qui s’est répandue dans la région.

Alors que les dirigeants de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) ont fixé dimanche un ultimatum aux putschistes, menaçant de recourir à la force pour rétablir Mohamed Bazoum au pouvoir, les juntes du Mali et du Burkina Faso ont prévenu lundi soir qu’elles soutenaient l’armée nigérienne.

La junte nigérienne a arrêté en début de semaine plusieurs politiciens de haut rang et prévenu des risques de toute tentative pour exfiltrer Mohamed Bazoum, reclu dans le palais présidentiel, alors que l’un des colonels à la manoeuvre du putsch a accusé la France de vouloir y mener une opération avec l’accord du gouvernement renversé, sans apporter de preuve.

Ce septième putsch militaire en moins de trois ans en Afrique centrale et de l’Ouest a été mené dans un contexte de ressentiment croissant à l’égard de la France, ancienne puissance coloniale qui a été poussée à retirer ses troupes du Mali et du Burkina Faso après les coups d’Etat militaires ces deux dernières années. Pour la plupart, ces soldats français étaient depuis lors déployés au Niger.

Des manifestants ont attaqué dimanche l’ambassade de France à Niamey, qui est restée fonctionnelle et l’était toujours mardi. On ne sait pas si des membres de l’ambassade devaient être évacués.

La ministre française des Affaires étrangères a dénoncé lundi soir sur BFM TV “tous les ingrédients habituels de la déstabilisation à la mode russo-africaine”, après avoir démenti “formellement” les accusations concernant une intervention armée de la France devant l’ambassade française dimanche à Niamey.

“JAMAIS PENSÉ QUE NOUS PARTIRIONS COMME ÇA”

S’exprimant mardi sur LCI, Catherine Colonna a déclaré que “compte-tenu du coup d’Etat au Niger et de la persistance d’une situation préoccupante, la décision a été prise de permettre aux Français qui le souhaitent de quitter le Niger. Ils ne peuvent plus le faire par leurs propres moyens puisque l’espace aérien a été fermé par les auteurs du coup d’Etat”.

Elle a ajouté que “quelques centaines” de ressortissants français ont exprimé leur volonté de quitter le Niger, ainsi que quelques centaines d’autres Européens.

En début de soirée, via X, anciennement Twitter, la cheffe de la diplomatie française a indiqué qu’un premier avion avait quitté Niamey et devait arriver dans la nuit de mardi à mercredi à l’aéroport de Paris-Roissy-Charles de Gaulle. Elle a précisé que 262 personnes, dont 12 bébés, se trouvaient à bord de l’appareil.

Si la plupart des passagers sont des ressortissants français, des citoyens d’autres pays européens ont aussi pris place à bord de ce vol. Aucun problème n’a été signalé pour rejoindre l’aéroport.

“Je n’aurais jamais pensé que nous partirions comme ça”, a déclaré une ressortissante française qui patientait à l’aéroport de Niamey pour être évacuée avec sa famille. “On dirait une scène digne d’un film de guerre”, a-t-elle ajouté dans des sms envoyés à Reuters.

Parmi les quelques 1.200 ressortissants français présents au Niger, la moitié d’entre eux ont pour l’heure demander à quitter le pays.

L’Allemagne a exhorté ses ressortissants à accepter l’offre des autorités françaises de se joindre à leurs vols d’évacuation. L’Italie a offert de mettre en place un vol de rapatriement pour ses nationaux présents au Niger. Le gouvernement espagnol a dit se préparer à évacuer par voie aérienne plus de 70 Espagnols.

Aucune annonce n’a été effectuée jusqu’à présent sur une éventuelle évacuation de soldats. Les Etats-Unis, qui ont comme l’Allemagne et l’Italie des troupes déployées dans le pays, ont dit ne pas modifier pour l’heure leur présence au Niger, indiquant n’avoir pas constaté de menace pour les ressortissants américains.

La Maison blanche a déclaré par ailleurs n’avoir aucune indication que la Russie était derrière le coup d’Etat mené au Niger.

Moscou a exprimé lundi son inquiétude concernant la situation au Niger et demandé le “rétablissement rapide de l’État de droit dans le pays”.

En revanche, le chef du groupe paramilitaire russe Wagner, Evguéni Prigojine, qui détient des intérêts importants en Afrique et opère notamment au Mali, a salué la semaine dernière le coup d’Etat au Niger. Il a indiqué que ses combattants étaient disponibles pour rétablir l’ordre.

CRAINTES SUR L’APPROVISIONNEMENT EN URANIUM

L’agitation politique s’est aussi propagée au secteur financier, alors que des sources ont affirmé que la banque centrale régionale a annulé une émission d’obligations de 30 milliards de francs CFA (environ 45 millions d’euros) par le Niger prévue lundi sur le marché ouest-africain de la dette.

Cette crise a soulevé des craintes sur l’approvisionnement en uranium, le pays étant le septième producteur mondial de ce métal utilisé notamment pour l’énergie nucléaire.

Le spécialiste français du combustible nucléaire Orano, ex-Areva, a indiqué dans un communiqué poursuivre ses activités opérationnelles au Niger, tout en disant assurer la sécurité de ses collaborateurs.

Après avoir échoué à convaincre les juntes au Mali, au Burkina Faso et en Guinée à rétablir la démocratie, la Cédéao a adopté dimanche une ligne d’une dureté inédite pour le Niger. Mais le communiqué conjoint publié lundi soir par le Mali et le Burkina Faso a laissé entrevoir une possible nouvelle alliance au sein du bloc, composé de 15 pays.

Dans ce communiqué lu lundi soir à la télévision publique des deux pays, le Mali et le Burkina Faso ont prévenu que “toute intervention militaire au Niger sera considérée comme une déclaration de guerre” à leur encontre. Ils ont ajouté qu’ils quitteraient la Cédéao et prendraient des “mesures de légitime défense” si celle-ci venait à intervenir au Niger.

On ne sait pas quelle aide le Mali et le Burkina Faso pourraient fournir au Niger, étant donné les difficultés rencontrées par leurs armées pour lutter contre les groupes d’insurgés ayant fait des milliers de morts.

L’Union européenne, la France et d’autres pays affirment toujours reconnaître Mohamed Bazoum comme le président légitime du Niger.

challenges.fr REUTERS

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